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"La Brèche "
Christophe Lambert

Editeur :
Fleuve Noir
 

"La Brèche "
Christophe Lambert



6,5/10

"Le plus important, pour moi, était d’essayer de retranscrire les sensations que les GI avaient dû éprouver en ce terrible matin du 6 juin, c’est-à-dire créer l’équivalent littéraire du travail cinématographique de Spielberg dans Il faut sauver le soldat Ryan, en jouant avec deux notions antinomiques : la lisibilité et le chaos".

Il me semble que le but exprimé par l’auteur dans sa postface est totalement atteint. En effet, les scientifiques de 2061 ayant maîtrisé le voyage dans le temps, une équipe de télévision hyper réaliste décide d’envoyer deux gus dans la boucherie du débarquement normand. Certainement très documenté, Christophe Lambert transcrit avec acuité et humanisme l’angoisse des soldats avant l’assaut. Quand arrive le matin du 6 juin et que des dizaines d’hommes sont tués, mutilés, hachés devant les yeux de leurs frères, le cauchemar devient sensible tant les descriptions ne nous épargnent rien. L’intensité dramatique se mêle à une action toujours soutenue, nourrie des petits drames de ces héros anonymes. Ces Américains-là sont morts pour la liberté et la paix, ne l’oublions pas, même si ceux d’aujourd’hui ont dévoyé le sens de ces mots pour qu’ils riment avec puissance, argent et mépris.
Il y a cependant plusieurs mais qui me contrarient d’autant plus que j’apprécie d’habitude beaucoup cet auteur éminemment sympathique. On comprend bien que Christophe Lambert continue à mettre en scène les tares de l’humanité, les dérives de la science et les excès de notre société de consommation : oui, la guerre, ça n’est pas bien, oui, les exigences de l’audimat étouffent conscience et respect d’autrui. Et après ? On regrette que le roman n’aille pas au-delà de la démonstration et n’engage pas de réflexion sur la télévision, ou la notion d’engagement volontaire par exemple. Comme dans ses romans pour la jeunesse, l’auteur s’arrête à la constatation des dérives possibles de notre société. Vieux lecteurs que nous sommes, nous avons dépassé la prise de conscience sur ces sujets (enfin j’espère). On reste au niveau du roman de divertissement, malgré la gravité du sujet. Par ailleurs les personnages me paraissent assez simplistes, ou pour le moins convenus : les deux envoyés temporels que tout oppose deviennent amis, le plus falot se montre héroïque, et chacun hérite de quelques blessures de guerre, pour faire bonne mesure. La cerise sur le gâteau de la maladresse est la "résurrection" finale d’un personnage, totalement inutile au scénario, et qui m’a plongée dans un abîme de perplexité...
Ce roman est sans aucun doute à lire car l’écriture et la construction, tant narrative qu’historique, sont irréprochables. Ainsi l’émergence de la science-fiction dans l’Histoire apparaît plausible et les triples saltos dans les paradoxes temporels tout à fait maîtrisés. Le débarquement allié vu de l’intérieur sur un mode cinématographique est un morceau de bravoure littéraire qui restera certainement dans nos annales. Il ne reste plus qu’à acquérir la densité de la cour des grands.

Sandrine Brugot-Maillard

La brèche, Christophe Lambert, Fleuve noir, mars 2005, 210 pages, 15 euros





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