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  Sommaire - Films -  G - L -  L’interprète
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"L’interprète" de Sidney Pollack

 

Date de sortie : 08 Juin 2005
Avec Nicole Kidman, Sean Penn, Yvan Attal
Année de production : 2004
Titre original : The Interpreter

Dans la lignée de son inoubliable succès "Les 3 jours du Condor", le célèbre directeur Sidney Pollack nous apporte, avec son nouveau film "L’Interprète", une histoire véritablement bien ficelée avec une situation politique potentiellement explosive, des individus de différents milieux, différentes racines possédant de secrets et conflictuels agendas et une nécessité de sauvegarder la paix mondiale par tous les moyens... C’est à un drame que nous assistons, un efficace, puissant et angoissant drame.
Dès la scène d’ouverture le ton est donné : Nous sommes en Afrique [au Matobo] et nous roulons sur une route poussiéreuse, autour il n’y a que désolation et ruines.... A l’intérieur de la voiture, se rendant à un rendez-vous secret, un journaliste "blanc" accompagné de son photographe français Philippe et, au volant, un chauffeur "noir". Ils échangent quelques propos et nous apprenons que le Président Zuwanie, actuel leader de cet état Africain, a assassiné la moitié de la population... Ils arrivent alors à un stadium complètement à l’abandon et seuls le journaliste et son chauffeur sont autorisés à se rendre à l’intérieur...
Le danger est palpable... et malgré la présence de 3 jeunes garçons qui jouent au ballon et semblent parfaitement innocents, on retient son souffle lorsque l’un d’eux leur demande : "Vous voulez voir les corps.." tandis que, caché dans l’herbe - à l’extérieur -, Philippe prend des photos des événements qui vont suivre.....
A l’autre extrémité du Monde, au siège des Nations Unis à New York l’interprète Silvia Broome (Nicole Kidman) est à son travail dans la cabine au-dessus de la Salle où se déroulent les Assemblées Générales.. Née en Afrique elle en parle couramment différents dialectes et possède la nationalité africaine. Une nuit, alors qu’elle est revenue dans les locaux de l’ONU pour reprendre ses affaires, elle surprend, émanant de l’immense salle, des murmures échangés entre 2 personnes en dialecte "Ku" : "Le professeur ne quittera jamais cette salle en vie" ! Très vite elle comprend qu’il s’agit du Dr Edmund Zuwanie (Earl Cameron), Président-dictateur du Matobo qui doit venir au Siège des Nations Unis dans une semaine pour faire un discours en face de l’Assemblée toute entière et lever ainsi les charges de génocide qui pèsent sur lui.
Après plusieurs tentatives contre Silvia, le FBI et la Sécurité des Nations Unis commencent à prendre son histoire au sérieux et l’Agent Fédéral Tobin Keller (Sean Penn) est chargé de vérifier ses dires, de tirer tout cela au clair et de protéger le dictateur par tous les moyens....... Plus que suspicieux, Tobin recherche des liens pouvant exister avec des opposants au régime de Zuwanie et découvre qu’elle a toute les raisons de désirer la mort du vieux tyran. N’a-t-elle pas eu à souffrir elle même de cette violente et bestiale dictature et n’est-il pas responsable de la mort de ses parents et de sa jeune sœur ? Pour lui, elle est l’une des clés de la conspiration. Leur affrontement est féroce mais, le chronomètre est en marche....
Comme la plupart des films de Sidney Pollack c’est d’un puissant sujet qu’il s’agit ; Il nous montre pourquoi, lorsque l’on est confronté à la brutale réalité d’une atroce tyrannie des survivants peuvent se dresser en ennemis implacables. Silvia nous assène un dialogue révélateur : "La vengeance - dit-elle - est une paresseuse façon d’exprimer la douleur et le chagrin"... Pourrait-on dire que, de nos jours, le Monde est paresseux ??
La plupart des thrillers ne nous montrent pas que le pardon soit un acte d’héroïsme mais Pollack, ici, place son film dans un contexte de crise politique où la morale et les clairs agissements qui en découlent prennent toute leur importance.
Tous les caractères du film sont crédibles mais ce sont bien Kidman et Penn qui portent le film à bout de bras : Kidman est d’une beauté glaciale tout en nous montrant d’un simple regard éperdu sa souffrance et sa vulnérabilité. Quant à Penn son visage taillé à la serpe et son regard de chien battu nous fait toucher du doigt la douleur qu’il ressent de la perte de sa femme quelques semaines auparavant.... Il est difficile de regarder ailleurs : Ils sont magnifiques et leur duo fonctionne fantastiquement bien.
N’oublions pas Catherine Keener en sarcastique partenaire de Tobin, Jesper Christensen en Chef de la Sécurité du Matobo, Yvan Attal en photographe d’un journal français ami du frère de Silvia et récemment revenu du Matobo, Earl Cameron dans le rôle du vieux tyran et bien sur Sidney Pollack qui, ici, apparaît en Directeur des services secrets chargés de la protection des dignitaires.
Quant au Matobo et son Président Zuwanie il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec le Zimbabwe et son leader Robert Mugabe.....
Tourné en Afrique du Sud, (c’est au grand Darius Kondji que nous devons une photographie absolument splendide.) mais également à l’intérieur même du Siège de l’ONU [de nuit et le week-end], son accès n’avait été autorisé à aucune production cinématographique depuis sa construction à Manhattan en 1946, et même le grand Alfred Hitchcock avait essuyé un refus lors du tournage de "La Mort aux Trousses" : La raison pour cette soudaine acceptation ?? En un temps où les américains préfèrent une action unilatérale plutôt qu’un international consensus, l’ONU a besoin d’une excellente image de marque et "L’Interprète" lui offre là une franche exposition des principes qu’elle défend ainsi qu’une critique "légère et déguisée" des dangers inhérents à l’actuelle politique américaine. Le résultat : L’ONU est complètement présente dans ce film et ceux qui pensent que ce n’est qu’une coquille vide devraient la voir en plein travail....
La conversation entre Tobin et Silvia concernant la manière appropriée de répondre à la barbare oppression de Zuwanie montre bien les 2 différentes approches de l’ONU et des USA pour tous les problèmes du Monde : Silvia a délibérément choisi de laisser son tragique et violent passé derrière elle au profit de la diplomatie et du lent processus judiciaire de la Cour Internationale de Justice (une Institution que les autorités américaines refusent de reconnaître) elle met en exergue les valeurs défendues par l’Organisation pour laquelle elle travaille... Alors que Tobin, lui, préfère une prompte et rapide vengeance par les armes. Le contraste est encore beaucoup plus frappant lorsque Silvia traduit un discours sur les droits de l’homme : il y a une brutale coupure et Pollack nous montre Tobin expliquant à ses hommes comment tuer rapidement....
A noter au cours du métrage plusieurs scènes extrêmement impressionnantes mais la palme revient sans aucun doute à la terrible scène du bus et au face à face entre Silvia et Zuwanie qui, accompagnés d’une musique de James Newton Howard dont l’intensité va crescendo, nous laissent haletant ....
Les inconditionnels de Sidney Pollack retrouveront donc avec plaisir leur directeur favori et pour ceux qui aiment les thriller et les drames à philosophie politique ne manquez pas ’L’interprète".
Andrée Cormier



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