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Encyclopédie de l'Imaginaire, 18 000 articles
Sommaire - Interviews -  Denis Labbé et Gilbert Millet


"Denis Labbé et Gilbert Millet" de Par Roland Ernould


Les littératures de l’Imaginaire n’ont pas bonne réputation auprès de ceux qui sont chargés de former enseignants et élèves. Leur lectorat est péjorativement qualifié de populaire, supposé ne demander aux œuvres que des émotions. Bref, de la “paralittérature”, terme volontiers attribué par les professeurs de lycée ou universitaires. Des lycéens, nombreux, y trouvent pourtant un divertissement, comme un exutoire à leurs angoisses devant un monde qui leur fait peur. Mais dans le cursus de formation des enseignants, les auteurs de fantastique ou de science-fiction ne sont que rarement évoqués...


Des enseignants, plus ouverts, ont une attitude différente : puisque leurs élèves aiment ce genre de littérature, autant partir de ces œuvres pour leur donner le goût de la lecture, en régression selon tous les constats. Et le goût de la lecture intelligente, tant qu’à faire. Mais il arrive que les bonnes volontés calent devant les difficultés de la tâche : d’innombrables études existent sur les œuvres classiques, mais peu sur les paralittératures. Les anthologies de textes classiques évitent ces auteurs. Heureusement, des collections bon marché, comme Librio, ou les livres de poche, permettent maintenant de se référer aux textes à peu de frais.


Les deux auteurs qui vous sont présentés aujourd’hui ont pour dessein de donner, aux enseignants comme au public averti, à la fois les connaissances de fond qui leur manquent et une justification de la portée culturelle des littératures de l’Imaginaire. Trois livres en trois ans, mais résumant des années de lecture et de réflexion, qui mettent les clefs du fantastique et de la science-fiction à la portée du plus grand nombre. L’ambition d’un tel projet, qui intéresse l’avenir des littératures de l’Imaginaire, méritait d’être signalé.


Vous êtes enseignants et vous venez de publier trois livres en deux ans (Le Fantastique ; Étude sur Stephen King, Shining ; La Science-fiction) sur des sujets qui ne sont pas traditionnellement étudiés par les professeurs du secondaire. Ressentez-vous une curiosité pour ces genres considérés jusqu’à présent comme paralittéraires ?



Gilbert Millet : Le fantastique a souvent été le parent pauvre de l’enseignement. Cela commence à évoluer, dans les collèges et lycées, surtout pour le fantastique classique : Gautier, Mérimée, Maupassant. Le fantastique contemporain est moins à l’honneur et la science-fiction souvent méprisée.


Denis Labbé : Nous commençons notre livre La Science-fiction, chez Belin, par la phrase suivante : “En France, la science-fiction est souvent considérée comme un sous-produit littéraire traversé de fusées, d’androïdes, de petits hommes verts ou d’araignées géantes.” L’idée est de réparer cette injustice. Partant du principe que l’on enseigne mieux ce que l’on aime, nous militons pour l’entrée massive des littératures de l’imaginaire et du cinéma fantastique et de S-F dans l’Éducation Nationale, en essayant de donner aux professeurs le goût de les enseigner.


Gilbert Millet : Au lieu de s’ennuyer sur des lectures obligatoires vécues comme des pensums, les élèves découvriront des textes et des films comme ils les aiment. Nous sommes agréablement surpris par l’écho que nous rencontrons auprès des élèves, lors d’interventions dans des classes, ou auprès d’enseignants lors des conférences que nous donnons sur le fantastique et la S-F.


Denis Labbé : C’est un travail de longue haleine. En règle générale, les enseignants n’utilisent que les données qu’ils ont acquises à la fac. Nos livres leur en fournissent d’autres, susceptibles d’intéresser les élèves, tout en suivant le programme. On peut tout aussi bien découvrir la littérature grâce à King qu’à Balzac (qui a, d’ailleurs lui aussi écrit du fantastique, comme d’autres écrivains “classiques”, ce que beaucoup d’enseignants oublient).


Dans quel esprit travaillez-vous ? Avec quelles méthodes ?


Denis Labbé : Tout dépend des critères imposés par l’éditeur. Nous ne travaillons pas de la même façon lorsque l’ouvrage est destiné à un public scolaire, comme les deux ouvrages que nous avons publiés chez “Ellipses”, Le Fantastique et Étude sur Stephen King, Shining, ou lorsqu’il s’adresse à un public plus large et essentiellement adulte comme La Science-Fiction (Belin). Dans le premier cas, nous suivons les programmes et les instructions officielles, c’est-à-dire que nous restons dans les limites de ce que les élèves doivent apprendre.


Gilbert Millet : Seul point commun : nous privilégions toujours un style clair, en évitant un vocabulaire trop universitaire et rébarbatif. Le but est de donner envie de lire les œuvres et de mieux les comprendre. La précision n’interdit pas la clarté. Nous sommes des écrivains avant d’être des critiques.


Votre livre sur la science-fiction représente un travail énorme. Comment vous êtes-vous réparti le travail ?


Gilbert Millet : Ce livre repose sur des années de lectures. Nous avons voulu que le plaisir que nous prenions à lire Jules Verne, Philippe K. Dick ou Brian Aldiss soit partagé par un maximum de lecteurs. Nous avons d’abord défini le plan de l’ouvrage. Il fallait que soient pris en compte les divers aspects de la science-fiction : sa définition, ses origines, son évolution, les thèmes qui la parcourent. Il fallait aussi proposer une approche plus originale en traitant des sujets généralement mis de côté : le rôle philosophique de la S-F en liaison avec la littérature dite générale, l’humour, les techniques d’écriture... Ce travail s’est fait en commun.


Denis Labbé : Nous nous sommes ensuite réparti les chapitres, selon nos goûts personnels et chacun a travaillé de son côté, complétant ses lectures au gré des éléments qu’il devait traiter. Est venu ensuite le moment où chacun a lu les chapitres de l’autre et les a complétés ou modifiés pour éviter les redites, pour prendre garde à ce que des auteurs importants ne soient pas oubliés. Une dernière étape s’est faite en liaison avec l’éditeur : elle visait surtout à renforcer l’équilibre dans la longueur des diverses parties. Il a aussi fallu couper dans les chapitres, en fin de compte. Entre autres, dans celui sur la fantasy, dont on a enlevé une vingtaine de pages.


Vous êtes aussi l’un directeur, l’autre membre de la rédaction de la revue Hauteurs, vous participez aux activités de “La Maison des Auteurs du Hainaut” : conférences, ateliers d’écriture, conseils aux auteurs débutants. Dans quel esprit travaillez-vous ?


Denis Labbé : Chacune de ces activités procède du même désir de faire connaître au public le plus large possible la littérature que nous aimons, en particulier les littératures de l’imaginaire. “Hauteurs” a notamment consacré des dossiers à Claude Seignolle, Julien Gracq, G.-O. Châteaureynaud, Valerio Evangelisti. Le prochain numéro sera consacré à Alexandre Dumas et aux feuilletonistes. Nous avons publié des textes de Jean-Pierre Andrevon, Alain Delbe, Laurent Genefort, Serena Gentilhomme, Hervé Jubert, Léa Silhol, Robert Weinberg, Joëlle Wintrebert. Le fantastique et la science-fiction sont donc souvent à l’honneur.


Gilbert Millet : Le travail que nous menons autour de ces écrivains se retrouve nécessairement dans les ouvrages critiques que nous publions. Nous mettons aussi le pied à l’étrier à de jeunes auteurs, en les guidant dans leurs recherches. Un premier texte, c’est toujours une grande joie, notre but ultime étant de voir ces premiers textes en amener d’autres puis, à termes, une publication professionnelle.





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