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"Fight Club"
Chuck Palahniuk

Editeur :
Gallimard (31 mars 2002)
 

"Fight Club"
Chuck Palahniuk



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Sur une échelle temporelle suffisamment longue, le taux de survie de tout un chacun retombe à zéro ”. Le héros anonyme du roman, Psycho Boy ou Joe-quelque chose, a tout le temps de méditer cette tragique lapalissade, puisqu’il est insomniaque. Entre deux cachets, Amytal ou Seconal, il se rend dans les centres de soutien aux parasités du sang ou du cerveau, aux rap-leucémiques, ou passe un moment avec Bob, athlète saturé aux stéroïdes qui a troqué sa petite paire de testicules contre de superbes nibards. Une façon comme une autre d’oublier un métier ennuyeux (escroquer légalement les accidentés de la route) et de fuir son appartement tendance formaté par Ikéa. Il ne manque que le gentil chien.


Tout va changer lorsqu’il fait la connaissance de Tyler Durden. Après une baston mémorable, les deux compagnons de déroute vont instaurer les règles du Fight Club : on ne parle pas du Fight Club, chaque nouvel arrivant doit se battre, combat à un contre un, au centre du cercle, sans chemise ni chaussures. Aucune limite, on s’arrête quand l’un des adversaires déclare avoir eu sa dose. Rien à voir avec les affrontements aseptisés d’Ultimate Fighting transmis sur le câble à l’intention de yuppies en quête de sensations. Ici on morfle. Ici on renaît.


Car le défoulement hebdomadaire va bientôt se transformer en véritable entreprise de libération des individus, qui suppose au préalable la démolition. Destruction d’un corps oublié pour mieux le sentir à nouveau, pulvérisation de la société, accélération de l’entropie par petites touches. Serveurs qui pissent dans la bisque de homard, image porno subliminale injectée dans le dessin animé des familles, graisse liposucée refourguée à ses propriétaires sous forme de savon à vingt sacs le pain. Tyler Durden, qui est en passe de devenir une véritable légende urbaine, rassemble autour de lui les exclus de la société, les vrais, ceux qui ne peuvent en sortir. Avec l’aide de ses “ singes de l’espace ”, il met au point son chef-d’œuvre révolutionnaire : le Projet Chaos. Joe-quelque chose n’a peut-être pas l’intention d’aller aussi loin...


Si tous les goûts sont dans la nature, tous les coups sont dans la culture. Fight Club est un superbe roman nihiliste, un programme final pour ceux qui ne supportent plus les programmes, servi par une excellente traduction. Dénonçant la publicité comme valeur politique, vomissant l’anesthésie des facultés, Chuck Palahniuk propose tout simplement de faire péter la civilisation. Non pas une révolution culturelle mais une révolution contre la culture. Brûler les forêts amazoniennes, pomper des chlorofluocarbures droit vers le trou de la couche d’ozone, aller jusqu’au bout de ses actes sans se retrancher derrière un prêchi-prêcha politiquement correct. Après, tout ira mieux, et l’on chassera l’élan dans les ruines du Rockfeller Center. Fight Club est une invitation à gueuler ou à la fermer. Définitivement.


Fight Club, Chuck Palahniuk, Folio SF. Traduction : Freddy Michalski, 290 p.


Xavier Mauméjean





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