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Scénario : Arthur Môlard & Claire Patronik, d’après une idée originale d’Arthur Môlard
Avec : Guillaume Pottier, Mélodie Simina, Agnès Sourdillon, Arnaud Churin, Christophe Vandevelde.
Distribué par Sony Pictures Entertainment France90 mn - Sortie le 20 Novembre 2024 - Note : 8/10
A la base, un pari fou mais passionné : une petite boîte de production, Parasomnia, se lance dans le marché des films de genre, avec des projets à un million d’Euros, un matériau et une équipe plus que motivée, et un pitch qui tient sur une page avec un résumé précis du plan de tournage. Et pour finir en beauté, Parasomnia s’associe avec un gros studio US pour les sorties, en l’occurrence Sony. Ne restait plus qu’à trouver les candidats. Avec 2600 scénarios reçus, le tri fut conséquent.
Première production à voir le jour, « 37, L’Ombre et la Proie » (au passage, « 37 » aurait largement suffit, mais bon…), premier film du label, de son auteur, et… Première réussite !
Jeune chauffeur routier, Vincent – surnommé par son cercle d’amis routiers « Saint Vincent » - est au bout du rouleau, au fond du gouffre, il n’en peut plus. En acceptant une dernière livraison, il prend en stop une jeune femme. Cette dernière lui dit s’appeler 37, et au fil des premiers kilomètres, elle délivre à Vincent des signaux inquiétants, en même temps que ce dernier apprend le meurtre de Fredo, un de ses plus fidèles compagnons de route. Mais en parallèle, Vincent n’est pas non plus parfat, et entre ces deux âmes torturées, la mort et la vie vont danser avec eux. Comme il pourra être entendu, un thriller flirtant avec le fantastique rappellera des classiques tels « Duel » (le mètre étalon, on le sait !), « Hitcher », et dans une moindre mesure « Joyride », « Highwayman », etc… « Rappellera », mais ne plagiera jamais. Pour son premier long, Arthur Môlard en est bien conscient, il prévient, mais il annonce aussi avoir été fasciné par le milieu des routiers, leurs histoires, les anecdotes. Là-dessus, il écrit donc un pitch avec une toute jeune scénariste dont c’est le premier long aussi, Claire Patronik, et au final, ils obtiennent « 37 ». Faute de budget un peu plus conséquent, ils taillent dans le gras, et obtiennent au final une histoire tendue comme la corde de l’arc d’Ulysse, sèche, âpre, et connaissant ses classiques, Môlard y rajoute sa toute nouvelle patte : des plans parfaits, un rythme lui aussi très soutenu, direct, sans fioritures, qui colle au scénario, aux personnages et à tout le film et ce jusque dans sa dernière image. Un célèbre cinéaste disait « Pour faire un bon film, il faut une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire ! ». Non, il faut aussi un très bon réalisateur, un bon monteur et de bons acteurs, entre autres.
Ici, tout est réuni, on sent la même passion qui animait les premières œuvres des futurs grands, celles réalisées dans la souffrance et les restrictions (comme « Duel » par exemple, ou « Jaws »…). Une bonne histoire entre les mains d’un incompétent ou d’un tâcheron, donnera un mauvais film, joué par des brêles, un mauvais film encore. Ici, dès le départ, quand la caméra accroche Guillaume Pottier, on sent que ça va être différent. Un look qui rappelle furieusement un Denis Ménochet, la même intensité du regard, avec un tel potentiel, le film part bien. Et là où on s’attendait à une série B bourre-pif à la Netflix à cause de l’affiche, on découvre au fur et à mesure une histoire plus ambitieuse et surprenante, pareil quand on pense avoir un ersatz d’une pâle copie de « Hitcher » et qu’au milieu, on change d’univers pour mieux comprendre les enjeux et les personnages. Polar thriller routier, avec d’autres éléments venant d’un autre « milieu », le mélange aurait pu être casse-gueule, entre les mains de passionnés par cette chance incroyable de pouvoir faire leur premier long-métrage, aidé par un casting excellent jusque dans ses troisièmes couteaux (la scène du bar où est évoqué Fredo en est le parfait exemple), cela devient « 37 », un film de genre made in France humble, sincère, honnête, très réussi en tout, au point de pouvoir sans honte en remonter à certains qui se croient doués et le crient trop fort.
Stéphane THIELLEMENT
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