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"Jan Kounen, " de Alain Pelosato
Une interview de Jan Kounen,
le réalisateur de Dobermann et Blue Berry.
Par Alain Pelosato
Alain Pelosato : Le fantastique est-il un moyen d’élargir et d’approfondir notre vision du monde ou plutôt un moyen de s’en évader ?
Jan Kounen : Le fantastique est le moyen de créer un monde virtuel fait des visions profondes de notre inconscient personnel et collectif réinventé pour le meilleur ou pour le pire.
Un territoire où s’exprime notre esprit torturé par ses pulsions, fantasmes et terreurs.
Le fantastique n’est pour moi, ni un moyen de s’évader du réel ni un moyen d’approfondir notre vision du monde, il est juste le témoin de notre exploration intérieure.
A.P. : J’ai enfin réussi à aller voir « Dobermannn » (par deux fois, je suis arrivé au dernier moment et il n’y avait plus de place...). Formidable ! Du coup, j’ai acheté la cassette de « Vibroboy ». J’ai trouvé « Capitaine X »** proprement génial ! Vous n’aimez pas l’uniforme, donc les militaires et les flics, donc l’ONU ?
J.K. : Disons que oui... je n’aime pas l’idée de l’uniforme en général, même celui des majorettes. Quant à l’ONU, vu les déboires, vaut mieux en rire...
A.P. : La violence, d’accord, c’est très subversif, mais comment faire passer la douleur ? Je trouve que vous avez assez bien réussi cela dans « Dobermannn », surtout la scène de la mort du flic : cent mille fois mieux que « Les choses de la vie » !
J.K. : Merci.
A.P. : Vous aimez les dingues ?
J. K. : Oui, bien sûr, mais seulement au cinéma.
A.P. : Pour vous, ils sont représentatifs d’une subversion de l’esprit ?
J.K. : Subversif égale exploser les règles et les normes de la normalité.
A.P. : J’espère ne pas vous vexer en me référant à un autre cinéaste comme David Lynch ?
J. K. : Je suis flatté.
A.P. : Sergio Leone a joué un rôle important dans l’histoire du cinéma en transcendant la violence. Vous passez à une autre étape : elle oblige le spectateur à l’intellectualiser, sinon elle est insupportable. Cela, c’est mon interprétation, sujette à caution, car, lorsque je regardais le film, certaines scènes me paraissaient insoutenables alors qu’elles faisaient rire des jeunes spectateurs... Quelles conclusions en tirez-vous ?
J. K. : Que les jeunes la décodent instinctivement (culture), le rire dans ce film est salutaire sinon bonjour le cauchemar... pour vous. (Clin d’œil..)
A.P. : Vous aimez les travelots. Parce qu’ils sont aussi représentatifs d’une certaine subversion, ils sont hors norme ?
J.K. : Bien sûr. Et de plus rien de plus visuel qu’un homme en femme si, en plus, il a une arme...
A.P. : Les armes jouent un rôle central dans votre film. Le pistolet offert à Dobermannn lors de son baptême en est le symbole... Cette scène et la transition resteront dans l’histoire du cinéma. Sont-elles l’instrument destructeur, la mort étant le passage à un autre plan, comme le dit un personnage dans Vibroboy ?
J.K. : On ne cueille pas les flingues dans les arbres.
« L’homme est son propre prédateur, il sera le destructeur de son propre cycle » Maurice Dantec.
A.P. : Justement, dans ce court métrage (Vibroboy), il y a Massacre à la tronçonneuse, Freddy, La nuit des morts-vivants etc. Très belle parodie ! Vous y découvrez (dans le sens d’enlever une couverture qui cache) le sexe et la sexualité latente, cachée de ces films ?
J.K. : Pourquoi dans Evil Dead il n’y a aucun gros mot, aucune scène de cul ??? Alors que c’est censé être super destroy... J’aime le mélange des genres.
A.P. : J’adore vos mouvements de caméra, vos prises de vue et cadrages, votre montage. Cela ne semble pas plaire à tout le monde. Tant pis pour eux. C’est pour cela qu’un personnage de « Dobermannn » se torche les fesses avec des pages des « Cahiers du Cinéma » et de « Télérama » ?
J.K. : Je ne fais pas de cinéma pour plaire. Je fais des films que j’ai envie de voir. C’est égoïste mais sincère.
Fin de l’interview (1998).
Pour être complet, je voudrais citer l’opinion de Jan Kounen sur les œuvres cinématographiques d’autres Français, extrait d’une interview sur le « web » :
« Je suis allé voir (Jeunet) sur son tournage (d’Alien 4) c’est génial de voir un copain faire un film mythique... je me rappelais môme quand je bavais sur le numéro spécial Alien de Métal Hurlant où l’info était distillée au compte-gouttes, là je suis avec le réalisateur qui me raconte ses plans et ses galères. Ça démystifie un max. [...] J’espère que ces deux films de SF (avec celui de Besson - « Le Cinquième élément ») faits par des Français vont cartonner et que ça va permettre de faire de la SF en France. »
Interview extraite de mon livre "Fantastique et SF au cinéma" (2000)
Légende des photos de haut en bas :
Affiche du film Blueberry
Photo de trounage de Blueberry
Jaquette du DVD de Dobermann
Image du film "Vibroby"