8/10
Sur une planète éloignée de l’Empire, des mains tissent inlassablement des tapis de cheveux. Avec un talent de conteur très affirmé, Esbach nous conte par touches subtiles l’histoire d’une tradition ancestrale transmise de père en fils, les femmes (épouses ou filles) servant à fournir la matière première. Le travail est tellement laborieux qu’il faut toute une vie pour réaliser un tapis et sa vente rapportera juste assez d’argent pour subvenir au besoin du descendant qui à son tour tissera son tapis. C’est un cercle sans fin, et, au cours des siècles, ce sont des milliers de tapis qui sont vendus dans le but de décorer le palais de l’Empereur immortel. Cependant, d’inquiétantes rumeurs circulent, des rebelles auraient tué l’Empereur. Hérésies, clament les anciens ! Oui mais si c’était vrai...
Andreas Eschbach, écrivain allemand, nous livre un roman original de par sa forme et de par son contenu, les deux étant étroitement liés grâce à un savant travail de construction. Chaque chapitre peut se lire comme une nouvelle et à chaque fois Eschbach rebondit sur un élément narratif pour nous emmener au chapitre suivant. Le récit n’est donc pas linéaire, ne vous attendez pas à suivre de la première à la dernière page les tribulations d’un héros qui n’a pas froid aux yeux. C’est une multitude de personnages qui sont peints au fil du récit, et même si l’auteur ne nous fait partager leurs existences que pour un bref instant seulement, ils n’en restent pas moins crédibles et attachants. En quelques lignes astucieuses et parfois poétiques Eschbach nous plonge dans des situations très variées, flirtant tantôt avec la fantasy tantôt avec le space-opera.
Ce roman atypique risque de déconcerter le lecteur habitué à une littérature de facture plus classique. Mais passée la petite phase d’adaptation, nul doute que le plus grand nombre se laissera séduire par cette écriture subtile, ce récit prenant. De plus, l’épilogue mérite à lui seul qu’on aille jusqu’au bout.
David Miserque
Andreas Eschbach, Des milliards de tapis de cheveux, J’ai Lu, 316 p, Trad. Claire Duval Illustr. Vincent Madras