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  Sommaire - Films -  Infos -  29ème Festival du film britannique de Dinard

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La nuit Nanarland 4 au Grand Rex

29ème Festival du film britannique de Dinard

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« Yves » au cinéma le 26 juin 2019


 

La cuvée 2018 du cinéma britannique se tenait comme d’habitude depuis 29 ans dans la chouette & select ville balnéaire de Dinard, devenu depuis LA référence du panorama cinématographique british annuel. Bon, on ne va pas refaire comme à chaque fois un flash-back sur les sessions antérieures, passons directement à celle de l’an 2018, laquelle s’ouvrit sous son nouveau nom à savoir le « Dinard Film Festival » en lieu et place du « Festival du Film Britannique de Dinard ». C’est confirmé, Dinard est la capitale française du cinéma britannique, why not ? Cette année, après une édition 2017 un peu trop portée sur le social au détriment du reste alors que paradoxalement, c’est également dans « chaque » genre que s’affirme le meilleur du cinéma britannique, cette 29ème édition se révéla très variée, avec réellement un vrai mélange, où on put trouver de la romance, du social, du polar, et même du fantastique très David Lynch, alors sans plus attendre, c’est parti pour une plongée dans le cinéma british cuvée 2018.
D’abord quelques chiffres : une trentaine de films sélectionnés – compétition, avant-premières, rétrospective -, 3 jours de festival, 14 films vus, ça devrait le faire pour un compte-rendu qui rendra justice à cette édition. Tout d’abord, un petit mot sur la bande-annonce qui ouvrait chaque séance, très bien shootée, où on voit un adolescent tomber amoureux d’une sirène, les deux tourtereaux finissant par se payer en « drive-in boat » un Hitchcock avant de passer à des choses plus sérieuses – et mystérieuses, une sirène quand même !... -, le tout se terminant sur un générique de fin où on voyait une méduse passer en fond, méduse qui en anglais se traduit par « Jellyfish », lequel nom est également le titre du… Hitchcock d’Or 2018 ! « Jellyfish », portrait très émouvant d’une adolescente qui extériorise sa difficile vie de famille par la découverte du théâtre, message subliminal involontaire donc, mais il n’en sera pas dit plus car… Votre serviteur n’a pas vu l’œuvre, hé oui, raté, faut le faire quand même, 14 films, et pas le Grand Prix dans cette moisson ! Bah, on en reparlera lors de sa sortie qu’on espère prochaine au vu, lu, entendu des réactions dithyrambiques sur ce film.
On passe aux choses sérieuses en commençant par les 2 oubliables de cette sélection. Tout d’abord une comédie dans la veine d’autres autrement plus réussis sur un sujet similaire, à savoir une équipe de football locale totalement nulle et pourtant qui trouve en un gentil simplet son fan le plus assidu qui fera tout pour mener les nuls à un niveau plus ambitieux. Ca s’appelle « The Bromley Boys », tout est d’un amateurisme ahurissant, mal joué, mal écrit, mal dirigé, l’équivalent chez nous de ce gros navet boursouflé que fut « Les Champions », mais avec de la modestie en plus quand même donc un poil au-dessus. Autre genre, la comédie romantique douce-amère avec « The Bookshop » qui remporta le Prix Hitchcock Coup de Cœur décerné par une association, La Règle du jeu, qui aide à la sortie du film dans un circuit de salles du Grand Ouest. Bon. C’est pas pour dire, mais chaque année, c’est souvent le film, ou un des films, qui remporta le moins d’adhésion, et 2018 ne change pas la donne. On retrouve dans cette chronique de la fin des années 50 Emily Mortimer (que peu connaissent, on la voit souvent pourtant, joli minois, voix rauque, et de bons titres à son actif comme « Dear Frankie ») racheter une vieille librairie, décider de publier « Lolita », subir la foudre des locaux hypocrites, avoir le soutien d’un vieux lord secrètement amoureux d’elle (Bill Nighby, toujours aussi impérial), avant de jeter l’éponge. Et tout ça manque cruellement… D’émotion(s), de vie, de passion, un comble au vu de l’histoire, bref un rendez-vous manqué.
Voilà, maintenant, on passe un cran au-dessus, à savoir des œuvres avec un minimum de saveur et de panache, et on va aller de plus en plus vers le meilleur. Commençons donc par « Obey », l’inévitable chronique sociale de la sélection, avec son adolescent baladé de familles d’accueil en familles d’accueil, incapable de se hisser hors du misérabilisme de son quotidien, jusqu’à ce qu’il rencontre une jolie jeune blonde au look punk, qui va lui ouvrir les yeux sur un autre monde, avant de révéler sa vraie nature… Et donc de le renvoyer dans son univers. C’est pesant, plombant, mais le scénario tient la route jusqu’à son terme, ce qui s’avère déjà pas si mal, et sauve du coup un peu l’entreprise. Plus ambitieux, avec de vrais moyens, de grands acteurs (Sam Claflin, Paul Bettany, Toby Jones…) signé Saul Dibb à qui on doit « La Duchesse » et surtout « Suite Française », « Men Of Honor » (titre français de « Journey’s End » soit « Fin de voyage »…) est sorti directement en vidéo chez nous. Chronique des guerres de tranchées de 14/18, le film fait tout pour retranscrire l’horreur de ce conflit parmi les pires jamais eus (et dire qu’il y en a qui « s’amusent » à rejouer ces moments pour rendre hommage… Passons !), y parvient dans sa reconstitution, mais échoue dans son rendu « humain », l’ensemble faisant plus pièce de théâtre qu’autre chose, et de ce fait, annihilant toute la puissance de la souffrance et du cauchemar que vécurent ces hommes voués à une mort atroce à petit feu pour la grande majorité. Plus léger, complètement même, puisqu’il s’agit d’une comédie, « Eaten By Lions » voit deux frères, élevés par leur grand-mère depuis le décès des parents dès leur plus jeune âge, être hébergés chez leur tante… Qui n’apprécie guère l’ainé, car il fut adopté et son origine indienne fait un peu « tâche » dans le quartier. Du coup, ils partent à la recherche de la vraie famille d’origine, un périple qui ne sera pas simple, l’autre frère étant handicapé physique, et se déplaçant souvent en chaise roulante. Une association étonnante, pour une chronique qui bascule dans l’univers « bollywood » via une comédie parfois réellement très drôle et attachante. A noter que l’acteur jouant le frère handicapé l’est également dans la vie, et sa prestation n’en est qu’encore plus incroyable, et qu’un des acteurs indiens est devenu célèbre chez British Airways puisqu’il est l’acteur principal du petit film sur la sécurité dans les avions aux côtés de Joanna Lumley, Naomie Harris et… Sir Michael Caine !).
On reste dans la comédie mais cette fois-ci noire avec « Dead in a week (or your money back) », qui voit Tom Wilkinson en vieux tueur à gages, ne voulant pas prendre sa retraite dans la société d’assassinats qui l’emploie, acceptant donc pour remplir son quota tout contrat même les plus farfelus, comme celui de William qui le paye pour le tuer, car il n’arrive pas à se suicider et qu’il en a marre de sa vie de merde. Jusqu’au jour où un de ses manuscrits (c’est un auteur raté) est finalement accepté par une maison d’édition et qu’il tombe amoureux. Mais un contrat est un contrat, difficile de rester en vie après l’avoir signé. Un sujet original, qui manque peut-être d’un peu de vivacité et de rythme, mais qui possède néanmoins suffisamment de bons points pour un premier film, qu’il en devient plus que sympathique.
Et tous ceux qui vont suivre sont dans la « bonne catégorie ». On finira par le meilleur - pas de discrimination comme ça ! « The drummer and the keeper » suit l’association peu évidente d’un bipolaire associé à un autiste en devenir, comprenez un Asperger : Gabriel est batteur dans un groupe et sa bipolarité violente l’amène à intégrer une équipe de football « thérapeutique ». là il rencontre Christopher. Et de ces deux opposés, de ces deux malades qui n’arrivent pas à intégrer la société comme ils le souhaiteraient, va naître une amitié qui en même temps va les aider à sortir de leur handicap ; très bien écrit, émouvant, sincère, « The drummer and the keeper » s’avéra une plutôt bonne surprise. « Journeyman » est le second film réalisé par l’acteur Paddy Considine, qui gagna le Hitchcock d’Or en 2011 avec son puissant « Tyrannosaur » qui transporta la présidente du Jury de l’époque, Nathalie Baye. Disons-le tout de suite, « Journeyman » est très bien, mais moins puissant que son premier long-métrage. On y suit le destin d’un boxeur, Matty Burton (Considine) qui au sortir victorieux d’un match, de retour chez lui s’effondre suite à un AVC foudroyant. Celui qui fut la star de sa petite ville, le champion pour ses amis, va devoir réapprendre à vivre. Quand « Rocky » rencontre « A propos d’Henry », on obtient « Journeyman » : un drame puissant par moments, très bien maîtrisé en effets adéquats, mais qui s’avère moins original que le précédent film de cet excellent acteur qu’est Considine, ici prouvant qu’il est aussi un excellent réalisateur.
En film d’ouverture, il y eut « Breathe » où Andrew Garfield nous fait vite oublier ses calamiteux « Spiderman » et nous confirme son remarquable potentiel d’acteur (rien que « Tu ne tueras point », respect total !) via cette biographie de ce jeune homme plein de vie, Robin Cavendish, frappé par la polio à 28 ans, et qui vécut jusqu’à 94 ans, et qui inventa les respirateurs mobiles, donnant ainsi une « meilleure » vie à tous ceux frappés comme lui par ce type de maladies. Certes, le film est académique – comprenez « très propre, conforme aux attentes, etc… » - mais constituant le premier film signé Andy Serkis (oui, l’acteur, Golum, King-Kong, et qui depuis est repassé derrière la caméra pour son « Mowgli »), on pourra également le voir comme une biographie réussie, où en plus de sa volonté, Cavendish trouva aussi cette force peu commune d’aller encore plus loin via l’amour qui l’unissait à sa femme. Alors classique, certes, mais bon, quand on est touché pendant deux heures, c’est aussi un signe de réussite ! Encore une biographie avec « Funny cow », très librement adaptée de la vie d’une one-woman-show britannique populaire dans les années 70. Dans un milieu urbain défavorisé, vivant misérablement en couple avec un loser, celle qui se fera appeler Funny Cow se découvre un soir un don pour le stand-up, n’hésitant pas à utiliser la vulgarité, les tares des hommes, celles des femmes, pour se sortir de son exsitence, et prouver déjà à l’époque, la puissance du sexe faible par rapport au machisme décérébré de certains. Porté par une prestation incroyable de son actrice principale, Maxine Peake, « Funny Cow » fait certes dans le social mais sans oublier le cinéma, et c’est exactement ce qu’il fallait à une telle histoire.
On passe à l’avant-dernier long-métrage de cette « bonne catégorie », celui qui aurait pu prétendre à la suprême récompense, mais qui par sa noirceur, peut avoir également effrayé beaucoup de monde. « Pin cushion » est l’histoire de Lyn et sa mère Iona, toutes deux isolées par leur originalité, leur handicaps (Iona est bossue, a un pied-bot, et n’a pas un QI des plus développés), l’une étouffant l’autre qui ne peut vivre une adolescence normale. Déménageant une nouvelle fois, Lyn cherche l’mitié, croit la trouver en un trio de pimbêches également isolées dans leurs vies mais qui l’ignorent, et va servir du coup de souffre-douleur. Quand le drame surviendra, Iona, accomplira l’acte ultime pour traumatiser à vie les responsables. Dans ce film réaliste et réellement onirique – on pense à du Lynch mais également et surtout à « Heavenly creatures » de Peter Jackson -, on sent l’horreur de ce qui va arriver, l’horreur d’être différents au milieu de « nantis » de la vie, et le drame en tirera toutre sa puissance. Alors oui, on en sort un peu K.O. mais en même temps, le film marque au fer rouge la mémoire…
Et pour finir sur une note plus gaie, le très sympathique et si réussi « Old Boys », avec Amberson, étudiant maladroit en tout mais brillant en études, et qui au cœur d’une grande école privée, va aider un sportif bellâtre, Winchester, à séduire la fille du professeur de français (Denis Menochet, parfaitement bilingue, souvent à Dinard, et inoubliable dans le traumatisant « Jusqu’à la garde ») dont lui-même est secrètement amoureux. D’accord, c’est un peu déjà vu tout ça, mais c’est rafraichissant, innocent, drôle, vrai, sincère, et on en sort avec une banane pas possible. Et oui, ça fait un bien fou quand c’est intelligemment fait et respectueux du spectateur en mal de vraie douce comédies romantiques.

Voilà, le rideau tombe, et en 2019, ce sera les trente ans. On espère de grands invités, de grands films, de grands moments… Comme à chaque fois depuis trente ans qu’existe ce petit grand festival vantant la force et la puissance d’un des meilleurs cinémas du monde : celui d’outre-Manche. Alors see you in 2019 !

Stéphane THIELLEMENT

Lire 2800 chroniques de films dans le livre d’Alain Pelosato :
123 ans de cinéma fantastique et de SF : Essais et données pour une histoire du cinéma fantastique 1895-2019





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