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  Sommaire - Livres -  A - F -  Le Cycle de la Chair 1 : La Chair et L’Acier
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"Le Cycle de la Chair 1 : La Chair et L’Acier"
Audrey Françaix

Editeur :
Editions d’Octobre
 

"Le Cycle de la Chair 1 : La Chair et L’Acier"
Audrey Françaix



Audrey Françaix
Le Cycle de la chair Tome 1
La Chair et L’Acier
Editions Octobre
10/10

La lassitude pour les cycles poussifs regroupant des individus aux qualités diverses ou issus de peuplades aussi hétéroclites que féeriques (magicien, guerrier, nain, elfe.....) se faisait déjà sentir depuis un certain temps parmi les lectorats plus exigeants. Une tendance qui s’affirme avec ce salutaire retour à une fantasy des années 80 encline aux aventures individuelles, plus conflictuelles dans leurs démêlées et plus sauvages dans les rapports sous-tendant le récit narré. Dans le pire des cas cela nous donnait le cycle de Gor par John Norman, au mieux cela donnait des oeuvres fort intéressantes comme le cycle de Silistra de Janet Morris, certains textes de Catherine L. Moore, Tanith Lee (Le cycle du Dit de la Terre Plate, le cycle de Vis, Le cycle de Vazkor) et Cherryh (Le sulfureux "Space Opera"où on assistait aux ébats entre extraterrestre et être humain) .

Audrey Françaix, qui a déjà oeuvré pour la littérature jeunesse (Le Cercle des Elfes, Halloween : Le club des monstres) , fait une entrée fracassante dans le genre avec ce cycle d’Erotic-Fantasy, genre consacré, aux combats furieux et joutes sexuelles des plus explicites, pris dans une subtile hésitation entre un érotisme sans voile, sans faux semblants, et cette tendresse féminine qui renforce l’onirisme d’une histoire plantée dans un monde alternatif propice aux grandes gestes guerrières et emportements sensuels.

Mantii est une jeune femme vivant dans les Monts incendiés, en une époque régie par des rites de mariages bien précis (Les accordailles désigne l’accord le consentement de l’Amphibe pour la virginité de l’élue) . Société de castes où les Amphibes, caste des veuves préludant aux rites prénuptiaux, sont toutes puissantes, le monde d’Audrey Françaix se situe quelque part entre violences sexuelles, sensualité initiatique et affrontements barbares en un temps où les arcanes de la sensualité faisaient écho au fracas de l’acier. Mantii sera déclarée saine et devra ainsi subir l’initiation loin des hommes et du monde durant plusieurs jours. Or, Mantii est impatiente et lasse de tous ces rites. Echappant à la surveillance d’Aunanii, elle gagne les vastes forêts où elle espère pouvoir prendre un peu de recul, songer et rêver un temps. Mais la terrible déferlante des barbares Galaghels sur son village va briser tous ses rêves d’avenir, son mariage, et sa vision du monde va se trouver à jamais transformée. Enlevée, réduite en esclavage, elle connaîtra les chaînes et les affres de l’esclavage sexuel. Venus d’Orthurie, les barbares Galaghels réduiront son peuple en esclavage, et, étrangement, ouvriront Mantii à sa propre autonomie en tant que femme, même si c’est au prix de son servage. Elle connaîtra son premier amant en la personne de Krel et rentrera de fait dans un écheveau d’intrigues, d’affrontements et de rixes qui finiront par affirmer son caractère et son existence. Magnifiée par ses tourments sensuels et guerriers, Mantii va s’affranchir peu à peu d’un autre sevrage, celui des traditions et de l’ignorance faite femme, au pays où les veuves ne copulent plus à la mort de leurs maris. Arrachée à son monde stérile, elle découvrira au grès de son esclavage et de ses révoltes, le monde en grand, le monde en vrai, dans toute sa vérité et sa sauvagerie, chair et sang, mort et vie sanctifiée par le fer et les sens.............

Inutile de nous le cacher, ce roman de fantasy atypique est probablement l’événement de cette rentrée littéraire. La peinture d’un monde violent et baroque, sanglant et sensuel est admirablement mis en scène. Les décors, les situations, les plaisirs sexuels également, le tout forme un pandémonium des passions humaines poussées en leurs extrêmes par une prose des plus affirmée, coulante comme la lave d’un volcan (tiens ? serait-ce déjà un effet cathartique de sa lecture ?) . Les scènes sexuelles torrides sont probablement parmi les plus belles du moment, renforçant la facture barbare mais mâtinée d’une douceur sous-jacente. Comme si, sous les oripeaux de la sauvagerie animale de l’homme devait se cacher une douceur toute féminine et tendre, un amour qui peut éclore à tout moment. les relations entre Mantii et Krell sont uniques en cela qu’elle se distillent tour à tour sur le mode esclave et maître, puis amant/amante, si bien qu’on peut se demander parfois si les règles du jeu sont si tranchées que cela. "La Cahir et L’Acier" inaugure Le premier chant d’un vaste poème barbare qui rappelle les images poétiques de Leconte de Lisle mais dans un monde rompu au précepte latin "Doloris Ergo Sum", axiome sadien par excellence et pierre angulaire du monde d’Audrey françaix. Remarquable plume pouvant jouer dans tous les registres, qu’ils soient guerriers ou sensuels, la lame d’Audrey Françaix glisse subtilement, taillant des récits flirtant avec une antiquité alternative et des temps barbares baignés du chaos des éléments vomis par les Dieux inconnus et obscurs. Une Hard-Fantasy des plus détonnantes qui tranche sur les guimauves parfois ressassées par une fantasy souvent trop systémique. Salammbo sexuel, "La Chair et L’Acier" est également un hommage aux récits de cette fantasy barabre souvent très décriée mais peu lu au regard de certaines critiques fort primaires qui ne connaissent pas Karl Edward Wagner, Charles Saunders, Carl Sherell ou John Jakes auteurs de best sellers peu ou jamais traduits en France. A la religion de la terre et de l’acier, Français établie d’étranges correspondances et ponts avec la religion des corps que dans leurs confuses joutes et leurs cruautés, les hommes semblent ignorer. Et au regard de Mantii c’est plutôt une chose acceptable. Ainsi mâles et femelles remplissent leur fonction de dominants/dominés dans ce monde fort homogène au final. Ils se jouent un jeu de dupes où finalement chacun a son comptant, et la fonction érotique est totalement aboutie. Un bréviaire sur les affres de l’esclavage et ses mystérieux agréments, comme l’amour, cette impossible compréhension entre deux êtres qui se font violence peut-être pour mieux se retrouver un jour ou..... jamais. Ce que la fin de ce prodigieux premier volume laisse en suspend, preuve que même Audrey Françaix sait être cruelle avec ses lecteurs, délicieusement il va s’en dire.........

La Chair et L’Acier, Audrey Françaix, 258 pages, Couverture superbe de Stéphane Poinsot, Editions d’Octobre, 17,50 €





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