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  Sommaire - Dossiers -  Le Labyrinthe : histoire - symbole - culture -  LE LABYRINTHE HISTORIQUE

"LE LABYRINTHE HISTORIQUE"

Nathalie Rebatet

« Jadis, dans la Crète montagneuse, le labyrinthe déroulait entre ses murs aveugles, les entrelacements de ses chemins et la ruse de ses mille détours, si bien qu’aucun signe ne permettait à l’égaré de reconnaître son erreur ni de revenir sur ses pas. ». Virgile donne à son époque une définition intemporelle du labyrinthe. Lieu du mystère, de la dévotion ou du jeu, le dédale est la caricature des sociétés et des temps qu’il traverse depuis l’Antiquité.

Existe-t-il de construction plus énigmatique que le labyrinthe ? Cet édifice millénaire qui se caractérise par son infinité de longs corridors et de chambres fascine autant qu’il intrigue. Les tracés d’une complexité souvent hermétique témoignent d’une volonté inquiétante d’égarer l’explorateur. Empreinte sur les parois de certaines grottes préhistoriques, le labyrinthe doit sa postérité à quatre constructions antiques mentionnées dans l’histoire. L’un d’eux était érigé sur l’île grecque de Lemnos et soutenu par des colonnes d’une grande beauté. Un autre avait été édifié comme tombeau pour Porsenna, roi d’Etrurie et ses successeurs. Les labyrinthes d’Egypte et de Crète demeurent les deux plus remarquables. Ces bijoux d’architecture ont simultanément institué l’universalité culturelle et la légende de ce monument. Construit par le pharaon Aménemhet III, le labyrinthe d’Egypte était composé de douze palais et de trois mille pièces communiquant entre eux. L’entrée unique et les innombrables murs sculptés empêchaient les visiteurs de retrouver la sortie sans l’aide d’un guide. Le labyrinthe de Crète ou de Gortyne, créé par l’architecte Dédale sur ordre du roi Minos, est indissociable de la mythologie grecque. Les mythes du Minotaure et d’Icare ont entretenu le doute sur son existence jusqu’en 1900. L’archéologue Sir Arthur Evans attesta que la construction légendaire était le palais de Cnossos. Les fouilles révélèrent une demeure aux passages étroits et sinueux dont le parcours était sans doute sécurisé par l’installation d’un fil d’Ariane.
Le folklore mondial s’est approprié le labyrinthe et l’a présenté comme le théâtre d’évènements épiques. Une théorie établit même une corrélation entre ces constructions et le mythe de l’Atlantide. Les impressions de cette géométrie originale sur les rochers de part et d’autre de l’Atlantique donnent droit de citer à cette thèse. Le glyphe retrouvé à Mogor en Galice fait office d’indice matérielle. Certains y voient le souvenir caché du plan atlante au milieu duquel le temple de Poséidon ne pouvait être atteint qu’après de nombreux détours imposés par la triple enceinte. La hiérarchie concentrique et les fortifications circulaires de la capitale de l’Atlantide évoquent immédiatement la figure labyrinthique.

Voyage spirituel

Au Moyen-Âge, l’église occulte le sens païen du labyrinthe et lui confère une dimension religieuse. Elle substitue progressivement l’image du Christ à celle du Minotaure dans les lieux de culte. Gravé sur le pavé des cathédrales, la présence du labyrinthe annonce quelque chose de précieux et de sacré. Il est parfois la signature des architectes et des confréries initiatiques. Le pèlerin le remonte à genoux jusqu’au centre. Ce rituel symbolise un voyage spirituel et purificateur. Les allés retours qui précèdent l’accession au centre incarnent les retours sur soi. Ils favorisent une issue en communion avec Dieu. Les labyrinthes ont fini par être détruits car ils représentaient une concession impardonnable au paganisme. Aujourd’hui, quelques rares impressions ont réussi à traverser les époques. En France, les labyrinthes de Chartres, d’Amiens ou de Guingamp sont loin d’être des reliques silencieuses d’un autre temps. Ils inspirent toujours autant d’admiration et d’interrogations. Le dédale de la cathédrale de Chartres, aussi connu sous le nom de Chemin de Jérusalem, est l’un des plus grands. Sa singularité réside dans le reflet de la rosace du vitrail en son centre. La spécificité du labyrinthe ne se résume pas à sa forme ni à sa fonction religieuse ou militaire quand il recèle des trésors. Sa localisation n’est pas aléatoire. Les labyrinthes d’église indiquent généralement des points de convergence de forces telluriques. A d’autres époques, d’autres mœurs, les Italiens transposent le labyrinthe dans les jardins au seizième siècle. La vocation religieuse est oubliée au profit d’une définition ludique. Le dédale devient une véritable ère de jeu. Son entrée remarquée dans les parcs d’attraction en fait un atout touristico-commercial étudié de très près. On dénombre en France une douzaine de labyrinthes de haies. Le concept se décline sur les plateaux du jeu de l’oie pour les plus petits. Les allergiques à l’air pur ont même leur version plus moderne sur cédéroms et dans les jeux vidéos. Les lignes entrelacées du labyrinthe ont une longue ligne de vie.

Nathalie Rebatet



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