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  Sommaire - Livres -  M - R -  Journal des années de poudre
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"Journal des années de poudre "
Richard Matheson

Editeur :
Denoël
 

"Journal des années de poudre "
Richard Matheson



Le Pour :
7/10
Ceci est une histoire de cow-boys, de marshalls, de joueurs de cartes, de saloons enfumés, de femmes de petite vertu, de pendaisons ratée (ou réussies), de duels au pistolet dans le soleil couchant, de méchants héroïques et de crapuleux héros. Bref, ceci est un western. Du genre spaghetti. Ceci est publié dans une collection de SF réputés, qui donc a décidé de faire la part belle à toutes les catégories du populaire et de l’imaginaire.
Il faut une bonne centaine de pages avant de rencontrer un embryon de fantastique : et encore ne s’agit-il de la part du héros que d’une vague affirmation de prescience. Ensuite, à peine croise-t-on quelques morts en vadrouille (une hallucination due au whiskey), quelques défis hors du commun (le héros peut se targuer d’une chance, d’une assurance et d’une habileté surnaturelles). Folie ordinaire, dira-t-on. Jusque-là, sans toutefois s’ennuyer, on lit un banal roman d’aventure à l’époque des pionniers du Far West, raconté sous la forme d’un journal posthume. Clay Halser, fils de fermier, s’est engagé dans l’armée de l’Union à l’âge de dix-neuf ans, où son habileté au tir lui vaut presque à lui seul de mettre en déroute un régiment ennemi : premier fait de gloire sur une liste qui ne tardera pas à s’allonger. Car au retour de la guerre, il comprend que la vie campagnarde n’est pas faite pour lui et décide de fuir “ vers l’Ouest ”. Devenu tour à tour serveur dans un saloon, accompagnateur de diligence, aide dans un relais, aventurier sans foi ni loi, et cow-boy, il échoue enfin à Cadwell, petite ville mise en coupe réglée par une bande de ruffians respectables. Pour survivre, il se retrouve à accepter une proposition des plus singulières : l’étoile du marshall. Dès lors il se vouera à la loi. Son penchant pour les armes augmente ; son habileté atteint des sommets de virtuosité. En purifiant Cadwell, il commence à écrire sa légende dans le sang. Les journalistes s’en empare. Un mythe est né - mythe qu’il n’a de cesse d’entretenir, d’abord fasciné par l’éclat que lui renvoie ce miroir aux alouettes. Lassé de la paix, il accepte un nouveau poste (plus dangereux) à Hays, Kansas. Au cœur de cette “métropole” corrompue, régulièrement envahie par le bétail et les cow-boys malintentionnés, il passe ses nuits à régler l’ordre et trouve à épancher son caractère en des paroxysmes de violence gratuite ; mais il y perd peu à peu la santé. Se produit un jour l’événement dramatique qui va décider de sa vie et le projeter dans une dimension inaccessible aux communs des mortels : après un règlement de compte particulièrement meurtrier (façon OK Corral) où il perd tous ses adjoints et amis, il est révoqué ; pourtant sa légende n’a jamais été aussi grande. Clay Halser : le Héros des Plaines. On écrit sur lui des chroniques, des romans ; on monte même un spectacle de théâtre où il est convié à tenir son propre rôle ; à mesure qu’on remplit son passé de mensonges, il se vide. Ce passé plein de fantômes le hante ; il est seul, il sombre, il déchoie. Grandeur, gloire et puis néant ! Peut-on être victime d’un mythe, mourir de sa propre légende ?
“ Nous sommes victimes de notre notoriété. Nous ne sommes plus humains, mais des créations de l’imagination. Les journalistes nous ont dotés de qualités qu’aucun homme ne peut posséder. Pourtant, les gens nous haïssent à cause de ces qualités inexistantes [...] Nos vies sont écrites sur le sable. Nous sommes des morts-vivants ”.
Pas d’autre explication. Matheson distille, joue subtilement les va-et-vient entre la mythologie de la conquête de l’Ouest, ce pro de la gâchette qui en est le phénomène et la vedette, et notre époque fertile en cosmogonies publicitaires ; en maître du roman pop, il infuse au western à la Impitoyable ou Mon nom est personne (Clay Halser = Jacques Beauregard) une bonne dose de réflexion critique sur le pouvoir des mots et des constructions fictionnelles.

Mad Dog.

Le Contre :
3/10

Si vous aimez le western vous aimerez ce livre qui est le journal d’un homme (Clay Halster) qui devint une légende de l’Ouest, réputé pour être le meilleur tireur et donc le meilleur tueur. On savait déjà qu’à cette époque et en ces lieux, bien des bandits de grands chemins finirent, comme notre héros, par devenir Marshal !
Au passage Matheson dénigre une autre (vraie celle-là) légende de l’Ouest : Wild Bill Hickock qui servit sous les ordres du fameux général Custer. Voici ce qu’en dit le narrateur : « Il ne fait aucun effort pour maintenir la paix sauf peut-être pour les meurtres commis ouvertement »
Le procédé littéraire cher à Matheson est le journal (Il s’est rendu célèbre avec sa première nouvelle : Journal d’un monstre) ; il l’utilise ici avec l’art qu’on lui connaît. Mais comme ce procédé ne permet qu’un seul point de vue, celui du narrateur, il a rajouté des compléments de récit d’un autre narrateur, ami de notre héros et qui a recueilli son journal. Qui plus est, c’est cet ami journaliste qui a contribué involontairement à construire la légende de Clay Halster.
Rien de fantastique, aucune originalité dans le traitement du sujet. On n’a pas besoin de lire ce livre pour savoir que la légende autour d’un homme détermine plus la conduite des autres à son égard que ses qualités réelles...
Curieux livre d’un grand auteur de fantastique qui a certainement voulu faire comprendre au lecteur les origines de la violence dans son pays : les USA.
Mais cela a déjà été tellement fait...
Je vous conseille plutôt dans ce domaine le terrible et magnifique Black flag de Valerio Evangelisti que j’ai chroniqué dans le N° 34 de Sfmag...

Alain Pelosato

Richard Matheson - Journal des années de poudre - traduit de l’américain par Brigitte Mariot - Editions Denoël “ Lune d’encre ” - octobre 2003 - 265 pages - 20 €





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