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Scénario : Matt Charman, Ethan Coen, Joel Coen
Avec : Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan, Alan Alda, Sebastian Koch
Distribué par 20th Century Fox - 141 mn - Sortie le 2 Décembre 2015 - Note : 10/10
Les films de Steven Spielberg ne sont pas tous excellents, loin s’en faut – remember « Hook », pour le pire de tous… - mais depuis quelques années, il faut bien avouer que dans l’ensemble, le niveau est de très grande qualité. Et ce malgré des sujets qui auraient pu donner des pensums prétentieux. Ainsi, on s’attendait au pire avec « Lincoln », il n’en fut rien. « Cheval de guerre » est d’une force et d’une flamboyance peu commune, aux allures du cinéma de John Ford par moments. « War of the worlds » constitue un des sommets du genre. « Les aventures de Tintin » est un magistral rollercoaster de purs délires. « Munich » est un impressionnant thriller politique d’une puissance incroyable. « Le terminal » est une comédie romantique aux allures parfois dramatiques qui vaut bien plus que ce qu’on pourrait croire au premier abord ? Bref, Spielberg nous surprend là où on ne l’y attend pas tant que ça. Et « Le pont des espions » ne déroge pas à la règle. Une affiche qui rebute un peu, un sujet qui peut être rébarbatif en souvenir d’autres expériences sur cette période, et la crainte de voir une sorte de film de procès lourdingue comme ce qui constitue le second plus mauvais film de Steven Spielberg, l’académique et pesant et prétentieux « Amistad ». Sauf qu’il n’en est rien, bien au contraire, et de très loin car « Le pont des espions » constitue le meilleur du cinéma d’un des plus grands du 7ème Art, et là, il le prouve magistralement. Avec l’aide – excusez du peu – d’un des plus grands acteurs du moment…
Fin des années 50, aux USA, en pleine guerre froide. Un espion est démasqué par les services secrets. Il doit être jugé, et c’est un avocat de Brooklyn qui est choisi pour le défendre, James Donovan. Lequel rencontre un homme qui pour lui n’a juste fait que son travail et qui mérite donc le droit d’être défendu comme le précise la constitution américaine. Au même moment, au-dessus de l’Union Soviétique, un avion espion U2 est abattu, son pilote capturé. Le gouvernement américain charge donc James Donovan d’une mission : organiser l’échange du pilote contre l’espion qu’il défend. Pour cela, il doit se rendre à Berlin, et incognito, prendre contact avec les forces en place pour organiser l’opération. Pour Donovan, l’enjeu va devenir encore plus important quand il va découvrir qu’un étudiant américain est aussi prisonnier du côté Est. Quitte à livrer une bataille, Donovan va donc demander encore plus aux pouvoirs qui tirent les ficelles pour que chacun rentre chez soi, même si pour cela, il doit bafouer non pas son intégrité mais la toute puissance politique des deux forces majeures du monde.
Dès le début, les premières images, la maitrise est là : l’arrestion de l’espion, et en même temps, le portrait d’un homme, pion dans l’échiquier mondial du pouvoir. En quelques minutes, Steven Speilberg nous plonge dans l’histoire, tant de son film que de ce qui se passait il y a maintenant soixante ans. Si le scénario de base est en béton, il a aussi été consolidé par deux grands noms du cinéma, les frères Coen, qui ont sur donner corps à des personnages perdus dans ces enjeux politiques en plein cœur de guerre froide, et de faire en sorte que pour une fois, on ne se sente pas étrangers et détachés de ces sombres périodes et destins sordides pour certains. Et l’autre excellente idée est d’avoir confié le rôle principal à Tom Hanks. Hanks, souvent comparé à un James Stewart actuel, est simplement magnifique en Donovan, américain pur jus mais dans tout ce qu’il y a de plus noble de cette image. Intègre, juste, humain, chaleureux, innocent, naïf, tout ça à la fois, pour en faire un héros ordinaire mais ô combien intelligent, fort, responsable, courageux. Et il lui en a fallu du courage pour affronter tant certains proches qui lui reprochèrent de défendre un traitre à la Nation, que pour partir dans un Berlin qui n’existe plus aujourd’hui mais qui en cette période, avait bâti son mur de la honte, et commencé à condamner à mort toute évasion vers l’ouest. Tout cela est donc somptueusement, parfaitement, intensément mis en scène par un Steven Spielberg inspiré, passionné, rigoureux, pour un film qui rappelle un cinéma des sixties-seventies très porté sur ce sujet comme « Mes funérailles à Berlin », « L’espion qui venait du froid », à la seule différence qu’ici, le héros est un quidam qui n’a comme seule force ses propres convictions, et celles que lui a apprises les lois de son pays, qu’il défend bien mieux que bien des patriotes primaires. Alors oui, on peut partir peu confiant mais au bout du compte, au bout de ces cent quarante minutes de suspense où tout ne tient qu’à un fil, où certaines vies comptent peu, où la politique s’avère une force bien faible face à la détermination de certains hommes, tout cela est transcendé par des talents conjugués scénaristes, d’acteurs et d’un réalisateur pour aboutir à un des meilleurs films de cette année. C’est tout.
Stéphane THIELLEMENT
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