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  Sommaire - Dossiers -  25ème festival du film britannique de Dinard

"25ème festival du film britannique de Dinard "

Stéphane THIELLEMENT

Déjà vingt-cinq ans ! Ca y est, le quart de siècle est là ! Bon. Et la sélection 2014 , a-t-elle su honorer ce grand âge ? Pas par son Grand Prix en tout cas, encore une fois donné à une œuvre de « bonne conscience » alors qu’il y avait matière enfin à se démarquer et à consacrer déjà une véritable œuvre de cinéma, soignée, intelligente, classieuse, et qui donnait aussi dans le social mais pour une fois du social « nanti ». Mais bon, ça doit faire peur de « couronner » un tel film. Et pourtant, le producteur Charles Gassot l’avait dit il y a quelques années, lui qui était président du Jury, qui avait donc ouvertement affirmer qu’il ne fallait pas oublier aussi que le cinéma ne rimait pas systématiquement avec du documentaire (de fiction) misérabiliste. Et il avait raison, il y en a marre de se donner une bonne conscience en récompensant des films souvent laids, plombants, filmés par des amateurs qui arrivent à émouvoir ceux qui n’approcheront jamais ce qu’ils voient dans ces images. Le cinéma est aussi une œuvre d’art qui peut prétendre à la beauté, à un classicisme professionnel, à des jeux d’acteurs qui font ressentir réellement leurs émotions, le tout sur des sujets des plus dignes d’intérêts, tout aussi dignes d’intérêts que la vie des marginaux, des illettrés, des simples d’esprit qui arrivent à monter en haut du podium chaque année. 2014 n’y échappa pas, mais on y reviendra pour clore ce compte-rendu d’une édition qui par contre a enfin su allier tous les genres cinématographiques venus d’outre-Manche. Et c’est parti pour une quinzaine de films...

« 71 »

Commençons rapidement par ceux déjà sortis ou chroniqués sur le site de Science-Fiction Magazine, comme « Mr Turner » de Mike Leigh, qui retrace plutôt intelligemment la vie artistique du célèbre peintre, campé avec maestria par Timothy Spall, interprétation couronnée à Cannes par un prix. Nul doute que dans les prochains Bafta, « Mr Turner » n’en reparte avec quelques autres. Pour une fois, le classicisme posé et lent de Mike Leigh n’étouffe pas son film, ce dernier arrivant à nous faire plonger dans l’esprit de l’artiste, esprit bien compliqué et tordu, mais dont en sortit des chefs-d’œuvre avant que la couronne ne change d’opinion et de ce fait, que la carrière de Turner ne périclite. La bêtise - pour rester poli - fait beaucoup de ravages, ce n’est pas nouveau. Chroniqués sur le site, les excellents « Calvary » avec Brendan Gleeson en prêtre à la mort annoncée sept jours plus tard par une victime d’un curé pédophile, et « The Riot Club » de Lone Scherfig - ce dernier étant également en compétition - sur une jeunesse dorée, hautaine, nantie, protégée, qui formera les maitres du pouvoir britannique une décennie plus tard, et étudiée lors de leur passage à Oxford, constituèrent certainement deux des meilleurs films de cette sélection 2014. Oui, par rapport à l’introduction de ce compte-rendu, on peut deviner qui aurait mérité le Hitchcock d’Or... Sorti dans une certaine indifférence malgré d’indéniables qualités, « 71 » de Yann Demange - un français installé outre-Manche - avec Jack O’Connell - héros de l’excellent « Les poings contre les murs », terrifiant en ado chef de gang dans « Eden Lake » et depuis, devenu star avec « Invincible » d’Angelina Jolie - montre le conflit irlandais centré sur Belfast vu par l’incroyable aventure d’un jeune soldat britannique qui va découvrir une vérité encore plus meurtrière que ce qu’il pensait. Intense, bien écrit, crédible, surprenant, en compétition, « 71 » pouvait également être légitimement un prétendant au Grand Prix. No comment. On repart avec les vieux de la vieille et en l’occurrence john Boorman, venu présenter « Queen & country ». Ou l’histoire plus ou moins vraie d’un jeune cinéaste en herbe, qui tombe amoureux d’une mystérieuse jeune fille blonde qu’il croise souvent, qui part deux ans servir son pays pour le service militaire, avant de vivre en même temps cette idylle dont il revait avec celle qui n’est autre que... C’est le clou de ce film pseudo-biographique en partie, qui jongle entre romance et comédie, mais comédie de boulevard, limite mauvais théâtre. On est loin du Boorman qu’on peut aimer, et ce même dans certains de ses derniers films. A l’heure où vous lirez ces lignes, « Snow in paradise » d’Andrew Hulme sera sorti ou bientôt en cours de l’être. Polar raté sur la rédemption par la religion d’un jeune délinquant dans les bas-quartiers de Londres, le film enfile les clichés et autres poncifs en tentant de faire inédit et original. Rien à sauver, un ennui profond s’installant dès les premières minutes, c’est dire.

« Sunshine on Leaf »

On a fini avec les rattrapages, on passe aux œuvres encore inédites, et qui pour certaines le seront malheureusement pour toujours. Oui c’est déjà arrivé comme pour l’excellent Grand Prix de Dinard, 2005, le néo-zélandais « In my father ‘s den », jamais sorti en France, même en vidéo, ou comme une autre œuvre coup de poing pourtant signée du fils de Ken Loach, le superbe « Orange & sunshine ». D’autres par contre mériteraient de le rester. Si un distributeur fou y croit, après, c’est son problème... Revenons à 2014 avec, pour commencer, une comédie musicale, « God help the girl » de Stuart Murdoch, musicien de son état, créateur du groupe écossais « Belle & Sebastian » - !!! - , et qui signe ici un premier film tournant autour d’Eve qui rêve de voir les chansons qu’elle écrit passer à la radio. Tout cela aurait pu être une sympathique comédie si Murdoch avait eu plus de maîtrise dans son scénario et sa réalisation. Là, tout semble approximatif, simpliste, pas crédible du tout, et trop approximatif. A l’opposé, et pourtant il s’agit également d’une comédie musicale qui pousse la chansonnette dès les premières minutes avec l’insertion de chansons dans le quotidien à la façon Jacques Demy - mais en mieux, ben oui, désolé, mais personnellement, son « cinéma » me hérisse - , « Sunshine on Leaf » s’avéra être une des meilleures surprises de ce vingt-cinquième festival. S’articulant autour du retour d’Afghanistan de jeunes soldats dans leur ville natale d’Edinburgh et plus précisément le quartier de Leaf, avec les retrouvailles amoureuses et familiales, les secrets dévoilés, construire sa vie, et des évènements imprévus qui va forcément bouger certaines choses. Tout est enjoué, optimiste, mais jamais ridicule ou niais, mené avec l’entrain de chansons adéquates et où même un acteur de la trempe de Peter Mullan se prend au jeu et arrive à nous faire croire à l’improbable. Le final, gigantesque numéro musical en plein cœur de la capitale écossaise, termine en beauté cette agréable comédie musicale moderne définitivement plus réussie que « God help the girls ».

« The Riot Club »

Dans un tout autre registre mais avec une connexion à la musique, « Panic » est un thriller sur un chroniqueur de musique agoraphobe travaillant de chez lui. Jusqu’au jour où il aperçoit un homme attaquer la femme habitant en face de chez lui. Dans le genre - merci « Fenêtre sur cour » - on a vu largement mieux. Le réalisateur Sean Spencer n’arrivant jamais à instaurer un réel climat d’angoisse, faute de moyens, mais aussi à cause d’une réalisation très terne. Proche du thriller également mais avec un sujet plus original, « Keeping Rosy » de Steve Reeves - ! - n’est pas non plus exempt de défauts qui empêche cette histoire d’une cadre licenciée et qui en rentrant chez elle, tue sa femme de chambre dans une réaction de colère. Elle part jeter le corps dans la mer et en rentrant découvre que cette dernière lui a laissé... Un bébé. Question scénario, « Keeping Rosie » s’avère assez imprévisible bien des fois car en plus de ces premiers éléments, la suite ira crescendo vers un final choc. Si Steve Reeves avait été plus doué derrière sa caméra, on tenait là un petit bijou, et pas simplement un bon drame noir surprenant.

En compétition, on fut surpris avant d’être finalement lassé par « Frank » de Leonard Abrahamson, avec une belle brochette d’acteurs dont Maggie Gyllenhaal, l’excellent Domhnall Gleeson, et Michael Fassbender dans le rôle-titre... sauf qu’on ne le voit qu’à la fin, il porte autrement un gigantesque masque tout le long du film. Frank est un autiste qui a monté un groupe musical avec d’autres marginaux et auquel vient se greffer un vrai musicien qui va prendre part à la vie de cette drôle de bande, leur faire découvrir leur talent, les emmener plus loin, avant de s’apercevoir qu’il s’agit d’abord et avant tout d’un groupe à part vivant sa vie à part. Bien. Parfois drôle, parfois émouvant, mais sur la longueur, on s’en lasse. Sensation encore plus rapide avec « The goob » de Guy Myhill, chronique sociale tournant autour d’un adolescent un peu attardé vivant dans une famille recomposée en partie tyrannisée par un beau-père violent - interprété par l’excellent Sean Harris et son faciès de fouine-rat hyper reconnaissable. Bon, et c’est ce film qui obtint le Grand Prix, le Hitchcock d’Or. Alors franchement, il y en a marre de ces études socio-misérabilistes qui peuvent donner bonne conscience à certain(e)s qui n’approcheront jamais de ce milieu. Le parfait lauréat eut été - ça peut se deviner au vu de ce compte-rendu - l’excellent « The Riot Club ». Ou « Calvary » si le film avait été en compétition. C’est donc un très bon cru que celui de 2014, mais qui ne couronna pas le bon « vainqueur ». Mais tout cela ne se terminera pas sur cette mauvaise impression. Non, il reste encore un épatant petit film, « X + Y » de Morgan Matthews où on voit Nathan, un enfant devenu autiste suite à l’effroyable accident vécu quelques années avant quand il était en voiture avec son père et qui tua ce dernier - la séquence est saisissante ! - et en même temps, surdoué, sélectionné pour participer aux prestigieuses Olympiades Internationales des Mathématiques, dont une sélection se passe en Chine. Là-bas, Nathan va faire une rencontre décisive qui va enfin l’aider peut-être à revivre. Alors d’accord, encore une histoire à la « Rain man », sauf que c’est de l’excellent cinéma, très bien filmé, écrit, interprété - le gamin est simplement extraordinaire -, et qu’après voir vu un bon nombre d’œuvres approximatives, ça fait un bien fou (sortie prévue en Juin 2015). Et en clôture finale, on dira juste que dans le jury, il y avait Kevin Mc Donald, et que son petit dernier, « Black Sea », film d’aventures sur un sous-marin partant à la recherche du trésor de guerre des nazis, avec un Jude Law parfait en commandant d’un équipages de têtes brulées et autres rebuts de la marine, est un superbe suspense à la « Das Boot ». Et c’est ainsi que s’achève cette vingt-cinquième édition du festival du Film Britannique de Dinard, toujours de plus en plus variée, sympathique, plaisante, et qui prouve comme chaque année le très haut niveau de certains longs-métrages britanniques. Donc, rendez-vous en Octobre pour le vérifier une fois de plus avec cette fois-ci un Hitchcock d’Or couronnant légitimement et dignement le meilleur de cette production d’outre-Manche.

Stéphane THIELLEMENT


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