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Frank K. Robinson vient de nous quitter

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Frank K. Robinson vient de nous quitter. Il est né le 9 août 1926 à Chicago en illinois et meurt le 30 juin 2014 à San Francisco. Il avait 87 ans. Il fut l’un des précurseurs de cette science-fiction prompte à se mêler avec brio au Thriller.

Son roman, Le pouvoir (adapté au cinéma sous le titre La guerre des cerveaux de Byron Haskin en 1968), est en cela significatif d’une sf qui explore ses grandes intériorités et qui ne se détache pas d’un certain réalisme collant à notre quotidien, aux nouvelles technologies, etc....

Ancien soldat, il deviendra journaliste pour le magazine Playboy dans les années 50, période durant laquelle il travaillera probablement beaucoup son style oscillant entre un trait journalistique impertinent et des explorations nouvelles de la prose. Sans parler de cette sémantique et la technique de l’exposition dans laquelle les métaphores prennent une dimension nouvelle, invitant le lecteur à se confondre avec les visions éveillées proches du sublime qu’évoque l’écrivain, mais aussi au dépassement des préjugés moraux se confondant souvent avec notre manière culturelle de voir le monde et nos semblables. On pensera à un écrivain comme Christopher Priest (Le monde inverti) pour ce baroque décalé et éclaté qui prend des dimensions quasi universelles dans le fait de ne plus faire de vraies différences entre les sexes tout en conservant ce rapport presque égalitaire envers celui ou celle qui nous fait face. Et Destination ténèbres, son chef d’oeuvre, reprendra evec force cette façon de voir dans une espèce de grande épopée où l’arche n’est plus que le vaisseau anonyme de notre quotidien, perdus que nous sommes dans un monde que nous peuplons de nos manques et excès, et que nous traversons souvent dans un même sentiment total de solitude que dans le plus vaste cosmos.Dans des décors perdus où on croise parfois des traits plus vieillots rappelant les vieux serial comme Star Trek, Robinson nous entraîne sagement vers cette rencontre impossible avec nous-même, et ce langage basé sur l’observation silencieuse d’un univers aussi étranger et perdu que nous le sommes nous-mêmes.

Ecrivain de la solitude, mais aussi de cette grande ambivalence humaniste, Robinson fut connu enfin pour avoir été celui qui défendit le plus la cause Gay. Mais avec la plus grande pudeur et la plus sincère confiance en cette humanité qui dort en chacun d’entre nous.

Durant les années 70, Robinson fut le rédacteur des discours d’Harvey Milk, son grand ami et défenseur des droits civiques pour les Gays, assassiné en 1978. Son euvre fut sans doute profondément marquée par cette entente impossible, jusque dans la mort, mais avec tout de même l’espoir de connaitre un jour un monde acceptant non plus ses différences, mais bien d’un monde assimilant toutes ses identités sexuelles et ethniques comme d’un tout indifférencié. Ce qui est un peu ce qui sommeille dans toutes son oeuvre,

sous la forme d’un rendez-vous raté.

Un grand styliste doublé d’un homme de coeur vient donc de nous quitter. Une grande voix de la science-fiction à laquelle reviendra peut-être la critique dans quelques décennies pour mieux jauger de la pertinence.

Emmanuel Collot