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  Sommaire - Livres -  A - F -  Ishiwara l’homme qui déclencha la guerre ou l’uchronie impossible
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"Ishiwara l’homme qui déclencha la guerre ou l’uchronie impossible"
Bruno Birolli

Editeur :
Armand Colin / Arte Éditions
 

"Ishiwara l’homme qui déclencha la guerre ou l’uchronie impossible"
Bruno Birolli



- Commence ainsi la tradition de maquiller l’insoumission en preuve ultime de vénération à l’égard de l’empereur.

La guerre finale qui devait unifier le monde a été préparée par le général Kanji Ishiwara (1889-1949). Sa personnalité a été formée par ses études militaires en Allemagne. Il a été particulièrement marquée par la thèse de Ludendorff : "la guerre moderne consiste à anéantir les peuples, à rayer les pays de la carte".
À cette théorie occidentale se joint une doctrine religieuse asiatique. Ishiwara devient un adepte d’une branche du bouddhisme développée par le moine Nichiren. Celui-ci, 800 ans avant la naissance d’Ishiwara, annonçait une apocalypse. L’officier japonais se retrouve vite influencé par le prêcheur Tanaka Chigaku qui établit qu’une guerre mondiale du spirituel contre le matériel se déclenchera et aboutira à l’unification du monde sous l’autorité de l’Empereur du Japon.
Ishiwara effectue ses propres calculs et décrète que la guerre finale éclatera en 1970 (2600 ° anniversaire de la naissance de Bouddha) et verra disparaître la moitié de l’humanité dans les combats.
Estimant de son devoir de préparer le Japon à la victoire il décide de son propre chef d’envahir la Mandchourie, afin qu’elle serve de base avancée pour la future attaque de l’URSS. Aussi en 1931 il organise « l’incident de Mukden » (1) : un attentat contre la voie de chemin de fer japonaise. Puis il déclenche la "riposte" contre cette "agression chinoise".
Cette initiative n’avait pas été autorisée par l’état-major japonais. Cependant elle s’inscrit dans une tradition de désobéissance institutionnalisée.
Bruno Birolli décrit le contexte dans lequel ont vécu les ancêtres d’Ishiwara. Avant l’ère Meiji la société japonaise est restée longtemps figée. « Rien Le moindre aspect de la vie quotidienne est rigoureusement codifié jusqu’aux choix des chapeaux. La punition pour ceux qui dérogent à la règle est généralement la décapitation ».
Par la suite la modernisation accrue de la société japonaise s’accompagne d’une rébellion régulière d’officiers (au nom de l’empereur bien entendu).
En déclenchant un conflit limité en Mandchourie Ishiwara espérait des gains à long terme pour le Japon. Mais en fait il a servi de déclencheur à de nombreux épisodes militaires qui n‘étaient absolument pas décidés par le gouvernement japonais. L’invasion de la Mandchourie et de la Chine sans grands intérêts stratégiques allait dépenser des ressources militaires, alors que la conquête totale du territoire chinois n’était qu’une chimère.
De plus les déclenchements des hostilités eurent pour conséquence des sanctions économiques. Aussi les autorités japonaises décidèrent de déclarer la guerre aux Occidentaux.
C’est ainsi que le Japon entra dans la Seconde Guerre mondiale à la fin de 1941, beaucoup trop tôt selon Ishiwara. La préparation militaire et économique, de même que le développement scientifique étaient insuffisant pour assurer la victoire de sa guerre finale.
Le second conflit mondial a donné lieu à de nombreuses uchronies, le potentiel des spéculations historiques étant très vaste.
Or la présentation dans cet ouvrage de la société japonaise d’avant-guerre nous indique que de nombreux facteurs de déclenchement existent. Retarder l’entrée en guerre du Japon est extrêmement difficile. La volonté belliciste se révèle particulièrement forte chez de nombreux officiers japonais. Les désobéissances et tentatives de coup d’État se succèdent. De plus l’invasion de la Chine est déclenchée par l’incident du Pont Marco Polo à Pékin le 7 juillet 1937. Un soldat japonais ayant disparu il est évident qu’il a été enlevé par les Chinois. Aussitôt les hostilités se déclenchent pendant que le « disparu » revient de son absence irrégulière au bordel local. Au téléphone Ishiwara ordonne immédiatement un cessez-le-feu....mais n’est pas obéi. Si une absence irrégulière suffit à déclencher une guerre combien d’occasions similaires sont-elles survenues chez les soldats japonais en poste en Chine ?
De plus bon nombre d’historiens se sont demandé pourquoi les Japonais n’avaient pas attaqué l’Union Soviétique en coordination avec leur allié allemand, au lieu d’envahir les possessions coloniales en Asie et en Océanie et en attaquant Pearl Harbor en prime ?
Ce livre nous fournit la réponse. L’attaque de l’U.R.S.S. par le Japon s’est heurtée à l’opposition de la marine impériale japonaise. Elle n’aurait dû affronter que quelques sous-marins russes. Par contre en affrontant les flottes anglaises, hollandaises et américaines présentes dans le Pacifique elle était assurée de la gloire pour affronter un adversaire des plus puissant. L’objectif n’est donc pas la victoire mais la guerre.
Personnage uchronique depuis sa participation au manga « Zipang » (2) Kanji Ishiwara révèle paradoxalement l’absence de possibilité d’uchronie lorsqu’une décision raisonnable est avancée.
Celui qui s’était réjoui de l’arrivée d’Hitler au pouvoir et qui avait rêvé d’une victoire japonaise au prix de la perte de la moitié de l’humanité a vu ses aspirations brisées suite à des actions d’officiers qui comme lui avaient pris des initiatives singulières.
Par contre Bruno Birolli nous indique une possibilité d’uchronie intéressante. En 1869 les partisans du shogun en pleine guerre civile contre ceux qui affirmaient agir au nom de l’empereur demandèrent l’aide de la Prusse. L’envoi d’armes et conseillers militaires devait avoir lieu en échange de l’île septentrionale d’Hokkaido qui serait alors devenue possession allemande. Après réflexion Bismarck refusa. Une décision inverse aurait permis l’existence d’un vaste territoire allemand de l’autre côté de la Russie tsariste, ce qui en 1914 aurait bouleversé la géopolitique.

(1)  : cf. l’album de Tintin " Le Lotus bleu" pour plus de précisions
(2)  : de Kaji Kawaguchi (éd. Kana) qui relate l’irruption en pleine bataille de Midway d’un destroyer japonais ultramoderne du XXI° siècle.

Damien Dhondt

Auteur : Bruno Birolli _ Ishiwara l’homme qui déclencha la guerre _ Édition Armand Colin / Arte Éditions _ octobre 2012 _ Inédit, grand format, 224 pages _ 19,50 euros





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