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  Sommaire - Livres -  M - R -  L’Apprentie du philosophe
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" L’Apprentie du philosophe"
James Morrow

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" L’Apprentie du philosophe"
James Morrow



Mason Ambrose, brillant thésard en philosophie, brise sa carrière avant même qu’elle ne commence en ne se pliant pas aux règles étriquées d’une communauté scientifique à laquelle il n’a visiblement pas envie d’appartenir, et surtout, en refusant de céder un pouce de terrain à son ennemi intime, le professeur Pielmeister, créationniste notoire. Qu’à cela ne tienne, Mason est aussitôt embauché par la richissime Edwina Sabachthani, illustre généticienne qui le charge de rééduquer sa fille Londa. En effet, après un accident qui l’a rendue amnésique, l’adolescente n’a plus de centre moral et ne distingue plus le bien du mal. Prenant son rôle à cœur, Mason s’engage alors dans une longue série de joutes verbales et philosophiques avec son élève, au cours de dialogues succulents où affleure toute l’érudition de l’auteur. La tâche est d’autant plus ardue que Londa n’a pour ainsi dire aucun autre moyen de retrouver des repères, puisqu’elle vit sur l’île où sa mère poursuit des recherches que le Dr Moreau de Wells n’aurait pas reniées. Iguanes parlants et arbres conscients ne sont que les premières découvertes de Mason, qui ira de surprise en surprise dans l’île scindée en trois parties distinctes. Découvrant peu à peu que chacune d’entre elles recèle ses occupants cachés et ses sombres secrets, Mason se rend compte que son employeur ne lui a pas dit toute la vérité sur le rôle qu’il avait à jouer et sur son élève, loin de là. Sans plus révéler de l’intrigue et des coups de théâtre dont il serait malvenu de vous priver, disons que l’histoire se poursuivra sur de nombreuses années, loin de l’île mystérieuse, que la route des personnages se séparera et se croisera de nouveau, et qu’anciennes alliances ou vieilles inimitiés se raviveront, ou s’inverseront.

Dans L’Apprentie du philosophe, James Morrow nous emmène une nouvelle fois dans son tourbillon personnel de questionnement éthique, philosophique et divin, et soulève des questions essentielles quant aux problèmes du clonage, de l’avortement, du droit à la vie, en liant ces trois thèmes d’une façon à la fois géniale et horrible. Mélangeant subtilement éthique et cynisme, érudit sans jamais être rasoir, moral sans être moralisateur, plein d’un humour parfois léger, parfois très noir, ce roman met en scène de façon édifiante les dérives possibles et extrêmes de la génétique et de la « science démente », pour reprendre les termes du narrateur. On a évoqué Wells, mais on pense aussi à Shelley, car qui, à part Dieu - « ce dilettante cosmique, ce serial killer divin » dont Morrow aime à dire « il m’a mis sur Terre afin que je prouve qu’il n’existe pas » - a le droit de créer la vie ? Question éthique et philosophique qui se complique encore plus quand on se demande aussi s’il s’agit de créer ou de recréer, et de créer à partir de qui, ou même de quoi ?

Un livre qui fait rire, qui fait peur, qui surprend, qui donne à réfléchir, pendant et après sa lecture, L’Apprentie du philosophe est assurément un des romans les plus originaux de l’année, évoluant dans des sphères bien plus élevées que le tout venant de la production formatée qui envahit un peu trop les rayonnages des libraires.

Hervé Lagoguey

L’Apprentie du philosophe, de James Morrow (The Philosopher’s Apprentice, 2008), traduit de l’anglais par Philippe Rouard, Au diable vauvert, février 2011, 510 pages, 23 euros.

Une autre chronique signée Damien Dhondt est publiée dans le sfmag papier vendu en kiosques juillet/août 2011





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