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  Sommaire - Dossiers -  Paranormal -  Le modèle sociopsychologique

"Le modèle sociopsychologique "


Jean-Michel Abrassart

Nous allons présenter les grandes lignes de l’explication sceptique du phénomène ovni, le modèle sociopsychologique. Les sceptiques considèrent que l’explication du phénomène ovni se trouve plus du côté de l’anthropologie que de l’exobiologie. Précisons tout d’abord que le débat sur le phénomène ovni porte principalement sur les visions d’ovni. C’est le lieu où le débat se joue véritablement.

La manière dont il faut interpréter les autres domaines de l’ufologie, tel que par exemple les enlèvements (angl. : abduction), l’affaire Roswell, la théorie des Anciens Astronautes, les cercles de blés (voir aussi SF-Mag n°37) ou encore l’affaire UMMO (SF-Mag n°36) dépendra entièrement du modèle utilisé pour rendre compte des visions d’ovni. Si un auteur considère qu’il n’est possible de rendre compte des visions d’ovni que par l’hypothèse extraterrestre, il aura d’emblée une inclinaison à considérer que les autres domaines mentionnés ci-dessus ne peuvent être expliqués eux aussi que par des visiteurs extraterrestres. Trois mécanismes principaux sont invoqués par les sceptiques pour rendre compte de la grande majorité des visions d’ovni : (a) les erreurs d’étiquetage, (b) les illusions et (c) les hallucinations. L’erreur d’étiquetage est le cas de loin le plus fréquent.

Le sujet voit un objet mondain, que ce soit un phénomène naturel (la lune, vénus fort brillante, un nuage lenticulaire, etc.) ou un objet de fabrication humain (avions, ballons-sondes météorologiques, ballons gonflables, la rentrée atmosphérique d’un satellite, etc.), et n’arrive pas à l’identifier, ou bien l’identifie à tord comme étant un vaisseau spatial extraterrestre. Il en témoigne comme étant un ovni. Dans le cas des illusions, le sujet perçoit un objet mondain comme stimulus, mais le transforme et perçoit à la place une soucoupe “ en tôles et boulons ”. Cette transformation se fait par un processus que la psychologie cognitive nomme descendant (angl. : top-down), et qui fait que nos connaissances, notre culture, influencent ce que nous percevons dans l’environnement. Les hallucinations, plus rares, expliquent surtout les Rencontres Rapprochées du Troisième Type (RR3), dans lesquelles le témoin voit l’ovni se poser devant lui, un extraterrestre en sortir, etc.

Beaucoup rapportent par exemple avoir entendu la voix des extraterrestres dans leur tête alors qu’ils voyaient l’ovni, ce qui va fortement dans le sens d’une hallucination auditive. Les hallucinations hypnagogiques (SF-Mag n°37), qui se produisent juste avant l’endormissement ou après le réveil, jouent aussi un rôle non négligeable dans la construction des témoignages d’enlèvements. Une autre explication parfois invoquée par les sceptiques est la tromperie, comme par exemple avec des témoins tel que George Adamski, Raël ou encore dans l’affaire UMMO. Néanmoins, dans la grande majorité des cas, les sceptiques considèrent que les témoins sont sincères, mêmes s’ils se trompent sur ce qu’ils ont réellement vu.

Le modèle sociopsychologique est donc fort simple. Pourtant, beaucoup de gens, dont des scientifiques, considèrent qu’il ne peut pas véritablement rendre compte du phénomène ovni. Pour quelles raisons ? La première objection est l’abondance de témoignages, les très nombreuses photos, les détections radars et les traces physiques. Le problème qu’aucun de ces éléments n’est véritablement une preuve scientifique. Ce sont à la limite des preuves juridiques, c’est-à-dire qui pourraient convaincre le jury d’un tribunal, mais c’est oublier que les exigences de la science sont bien supérieures à celles du Droit.

De plus les sceptiques appliquent la balance de Carl Sagan qui énonce le principe épistémologique suivant : “ Une affirmation extraordinaire demande des preuves extraordinaires ! ”. Des indices tel que des photos, des détections radars et des traces physiques ne sont donc pas du tout suffisante pour établir au-delà de tout doute raisonnable la visite quotidienne de notre planète par plus d’une cinquantaine d’espèces extraterrestres différentes, comme le prétendent les ufologues. Une preuve scientifique serait pour les sceptiques : (a) du matériel biologique extraterrestre (un corps d’extraterrestre mort ou vif serait parfait) ou soit (b) de la technologie extraterrestre (un vaisseau spatial en état de marche serait parfait).

Les ufologues n’ont jamais pu présenter à la communauté scientifique ni l’un, ni l’autre. Les témoignages, même en très grand nombre, ne sont pas une preuve à cause du manque de fiabilité du témoignage humain, manque de fiabilité prouvée depuis bien longtemps par les nombreuses recherches en sciences humaines sur la question. Une photo n’est pas non plus une preuve parce que vous ne pouvez pas du tout contrôler les conditions dans laquelle elle est prise (SF-Mag n°39). Une détection radar n’est pas une preuve scientifique : ce n’est pas parce qu’un témoin voit un objet qu’il ne peut pas identifier, et que cet objet est détecté en même temps sur un radar, que celui-ci est d’origine extraterrestre. Enfin, une trace physique n’est pas une preuve parce qu’elle peut très bien être préexistante à la vision. Prenons l’exemple d’un trou dans le sol.

Le témoin voit un ovni se poser et l’enquêteur trouve ensuite un trou à l’emplacement indiqué : qui vous dit que le trou n’était pas là depuis bien longtemps ? Il n’est pas possible d’avoir de certitudes, à moins que ce soit une certitude née de la foi plus que de la recherche. Il y a une narration des cas à faire, et cette narration va dépendre des postulats du chercheur. La deuxième objection classique est que si beaucoup de cas sont d’origine sociopsychologique, il existerait néanmoins des cas authentiques, c’est-à-dire extraterrestre. C’est ce que les sceptiques nomment la “ Théorie du résidu ”, qui se retrouve dans tous les domaines du paranormal. Le modèle sociopsychologique postule pour sa part qu’il n’existe pas de résidu dans le phénomène ovni.

Il n’existe que des cas qui n’ont pas encore été expliqués. Le résidu n’est pas l’indice d’une visite extraterrestre : il n’est qu’un effet de notre ignorance. Il n’est en effet pas toujours facile d’expliquer un cas, car cela demande du travail et de nombreuses connaissances. Il faut parfois des années et le travail de nombreuses personnes dans des domaines de spécialités très différentes pour déboulonner un cas. Or très souvent, si le témoin semble sincère, les ufologues n’essaient pas véritablement de trouver une explication alternative à l’explication extraterrestre.

Le modèle sociopsychologique n’est pas nouveau. Déjà en 1954, le psychiatre G. Heuyer proposait dans une contribution scientifique l’idée que les vagues d’ovni s’expliquaient par un phénomène de psychose collective. Quatre ans plus tard, en 1958, le psychanalyste Carl Gustav Jung, dans son ouvrage “ Un mythe moderne ”, définissait le phénomène ovni comme étant une rumeur visionnaire, c’est-à-dire un récit qui se répète et se raconte à travers le vaste monde, mais un récit d’une espèce particulière, se distinguant des rumeurs habituelles par le fait que son expression va jusqu’à prendre la forme de visions.

Si aux Etats-Unis, des sceptiques tels que Carl Sagan, Arthur C. Clarke ou encore Philip J. Klass tentent d’expliquer au grand public que le phénomène ovni n’est pas d’origine extraterrestre, il faudra en France attendre l’ouvrage “ Et si les ovnis n’existaient pas ? ” de Michel Monnerie pour que certains auteurs développent cette approche de façon systématique.

Bibliographie :

  Abrassart, J.-M. (2003). Approche sociopsychologique du phénomène O.V.N.I.. Brunoy : Co-édition SCEAU/Archives OVNI et Jean-Michel Abrassart.
  Heuyer, G. (1954). Note sur les psychoses collectives. Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine, 138, 29-30, 487-490.
  Jung, C. G. (1958). Un mythe moderne. Paris : Gallimard.
  Monnerie, M. (1977). Et si les ovnis n’existaient pas ? Paris : Les humanoïdes associés.



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