9/10
"Tu seras guéri bientôt. Quel est ton nom ?
Le petit garçon leva les yeux, l’air nterdit. "C’est..." Il hésita, puis répliqua : "Je ne sais pas". Il ferma les yeux. Du fond de sa gorge monta un grondement sourd, bas mais rauque, comme produit par un effort extrême. Le son forma des mots. "Son nom est Jaro."
Jaro, enfant amnésique au passé mystérieux est recueilli par un couple d’ethnologues en visite sur une planête arriérée (l’occupation la plus courante consiste à s’emparer du chaman local afin de l’humilier en le lavant toute sa crasse). Ils l’emmènent vivre avec eux sur le monde hautement cultivé de Galligane La plupart de ses habitants participent à l’estrivage : une lutte sociale pour s’élever dans la hiérarchie de la haute société passant par des groupes tels que les Poulets Malades, les Zokers, les Clam Muffins, les Sempiternels ou la Mauvaise Equipe, ce qui est la somme de la distinction n’est-il point vrai ?
Jack Vance fait évoluer ses héros dans l’aire Gaïane à une époque où le C.C.P.I pour lequel travailla jadis un certain Kirkh Gersen est devenu un institut officiel et où les ethnologues ne peuvent plus étudier la totalité de la multitude de mondes sur lesquels les humains se sont répandus. Curieusement la moitié du livre est consacré aux douze ans de vie de Jaro sur Galligane jusqu’à son arrivée à l’âge adulte. Tout comme ses parents adoptifs il n’est pas intéressé par l’estrivage et subit donc l’ostracisme.
Nous avons droit à la classique agression envers le jeune "roturier" qui a eut le malheur de poser les yeux sur une ravissante jeune fille d’un niveau social des plus élevé. Après son passage à tabac suit l’hospitalisation et l’entraînement intensif de la part de deux aventuriers expérimentés. Quelques temps plus tard ses agresseurs récidivent et se retrouvent tous hospitalisés. Du classique n’est ce pas ? Mais ensuite survient la nouvelle rencontre avec la jeune personne responsable de toute cette violence et Jaro ...décide qu’elle ne lui convient pas.
Puis à la moitié du roman la situation bascule et Jaro part à la recherche de ses origines et...non, n’en déplaise à Roland C. Wagner (cf. le hors série de Bifrost Les univers de Jack Vance ) il n’est pas le fils d’un agent secret.
Néanmoins sa quête lui permettra de découvrir le monde d’origine de sa mère, qui est des plus pittoresques. On peut se demander pourquoi Jack Vance s’est tellement attardé sur près de deux-cent pages sur une douzaine d’années de la vie de Jaro. Certes on pourrait penser qu’il a adoré décrire les multiples micro-sociétés de Galligane mais je soupçonne que c’était pour reléguer au fond de notre mémoire le singulier incident qui était survenu à Jaro alors qu’il avait six ans. Il trouvera toute son explication lors de la révélation finale.
Du Jack Vance à l’état pur : l’enquête se double d’une exploration de différentes société. Certains aspects du roman m’ont rappelé le cycle de Tchaï, mais qu’importe on apprécie toujours autant. En prime par rapport à la première édition nous avons également droit à une étude de Paul Rhoads sur Jack Vance.
Damien Dhondt
La Mémoire des Etoiles. Jack Vance "Night Lap", trad.Arlette Rosenblum. Pocket SF 5996, octobre 2003, 512 p. poche, 7,80 euros