Frank Giroud, le scénariste, recommande de ne pas lire cet album avant les quatre volets précédents, qui eux, peuvent se lire sans ordre déterminé. On pourrait le taxer, avec cette mise en garde, d’une manœuvre de marketing abusif et de vouloir faire vendre la globalité de sa série. Je ne peux, toutefois, que vous engager à suivre son conseil ! Mais ne croyez pas que je sois intéressé financièrement aux résultats de la série, cependant vous perdriez beaucoup à découvrir, sans en avoir tous les tenants, la chute d’une histoire à la richesse remarquable. En effet, le scénariste nous a conviés, avec « Quintett », à la découverte d’un univers qui n’est que manipulation des personnages et donc ...des lecteurs !

Avec cette série, Frank Giroud nous invite à vivre une variation sur la nature de la réalité, sur la perception que chacun d’entre nous peut en avoir, sur la subjectivité. Il nous confronte à quatre personnages qui racontent, en toute sincérité, comment leur vie a basculé, sur ce petit coin de terre, dans le maelström de la première Guerre Mondiale. Il utilise quatre narrateurs, quatre figures centrales qui découvrent que, finalement, ce qu’ils ont vécu s’intégrait dans un ensemble plus vaste. Il nous met en garde, de façon attractive et « gratuite » : attention aux vérités « universelles » et à la réalité dite « objective » ! À travers cette fresque, l’auteur nous démontre que trop souvent nous sommes des pions, incapables de comprendre ce qui se passe vraiment autour de nous. N’est-ce pas le cas dans la vie quotidienne ...et en tant que lecteur de cette tétralogie ?

Tout commence en Grèce, dans la zone neutre du Sud Macédoine, plus précisément à Pavlos, en 1916. Deux femmes et deux hommes qui, à priori rien ne rapproche, si ce n’est qu’ils se trouvent au même endroit, au même moment. Ils participent au « Quintett », un orchestre amateur crée pour divertir les aviateurs et la population locale. Mais leur destin va basculer au même instant.
En 1932, seize ans après les drames de Pavlos, les cinq musiciens du Quintett se retrouvent à Paris. Le dernier Mouvement raconte, à partir de la découverte « fortuite » d’une malle la lente et pénible prise de conscience des acteurs, seize ans après les événements.

La réalisation, avec cinq dessinateurs différents renforce encore cette dimension, car nous avons une représentation et une illustration différente par personnage.

Frank Giroud est diaboliquement retors et habile pour nous manipuler. Mais n’aime-t-on pas être surpris ...en tant que lecteur ? Avec « Quintett », il réussit à nous « bluffer ». Un régal !

Serge Perraud

Quintett : Dernier mouvement La Chute, scénario de Frank Giroud, dessins de Giancarlo Alessandrini, couleurs de Meephe, Dupuis Coll. Empreinte(s), novembre 2007, 80 pages, 14 €