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Sommaire - Interviews -  Enrico Marini pour "Les Aigles de Rome"


"Enrico Marini pour "Les Aigles de Rome" " de Serge Perraud


Depuis 1990, Enrico Marini a mis son talent de créateur d’univers graphiques au service de nombreux scénaristes parmi les plus fameux : Stephen Desberg pour « Le Scorpion » et « L’Étoile du désert », Jean Dufaux pour « Les Rapaces »... Mais le dessinateur, le coloriste n’avaient jamais laissé de temps au scénariste pour s’exprimer. La série « Les Aigles de Rome » comble cette lacune.

Rencontre avec un auteur complet, par Serge Perraud

Enrico Marini au scénario n’est pas courant, voire inédit. Qu’est-ce qui a motivé cette envie d’écrire ? Aviez-vous déjà écrit des scénarii ?

J’ai écrit des histoires courtes lorsque j’étais jeune, avant 20 ans, car j’avais besoin de bases pour m’entraîner au dessin. Je me formais et je n’avais pas de scénariste pour me fournir des histoires. J’écrivais donc un mini scénario que je pouvais alors mettre en scène et en images. Mais ma priorité restait le dessin. Puis, lorsque j’en ai fait mon métier, j’ai toujours été proche des scénaristes. J’ai toujours aimé participer, être dans le projet dès le départ et suivre son élaboration, puis sa progression.
Mais écrire tout un scénario pour être publié, c’est effectivement la première fois. Mais je suis très content car j’ai pu prendre les libertés que je voulais avec mon histoire. Le revers de la médaille, c’est que je dois assumer mes choix et mes éventuelles erreurs. Mais ce seront les miennes et non celles des scénaristes.

Est-ce que le sujet des « Aigles de Rome » vous « trottait dans la tête » depuis longtemps ? Avez-vous saisi une opportunité ?

Non, il n’y a pas très longtemps que je pense à cette histoire. Il y a trois ou quatre ans que j’ai commencé à réunir des informations. Mais depuis le début, mon récit initial a beaucoup évolué. La personnalité des héros également. On ne les voit pas toujours du même œil selon les périodes, selon son humeur. Mais c’est passionnant de constater ainsi leur maturation, leur évolution. Cependant, j’ai réuni une base solide pour commencer le découpage et le dessin. Il faut figer les choses à un moment. Mais je me laisse des libertés, à la fois pour le scénariste et pour ...le dessinateur.

Est-ce parce qu’aucun de vos scénaristes préférés ne voulait vous proposer un sujet sur Rome que vous avez décidé d’écrire vous-même, partant du principe que l’on n’est jamais si bien servi que par soi-même ?

Non, ce n’est pas cela. Je voulais me prouver que je pouvais écrire une histoire. Je voulais raconter une histoire d’amitié, une amitié qui naît entre deux êtres assez dissemblables pour paraître improbable. Cela, c’est le fondement. Après, il y a l’habillage. Et cette histoire peut se dérouler à n’importe qu’elle époque et dans n’importe quel milieu. J’aurais pu en faire un western...

Alors, pourquoi la Rome antique ? Qu’est-ce qui vous passionne dans la société romaine de cette époque ?

Je suis attiré par ce période comme par d’autres époques par rapport à des souvenirs de vieux films. Je suis attiré par l’aventure et par tous les récits qui me donnent la possibilité de m’exprimer, de rêver, de vivre moi-même une aventure. Faut-il y voir une nostalgie de l’enfance ?
Cependant, il faut que le sujet m’intéresse, qu’il y ait de l’action. J’aime quand l’histoire est belle et riche.
La Rome Antique est un sujet que j’ai choisi parce qu’il me permettait de découvrir cette période. Je voulais faire connaissance avec cette époque si riche en événements et situations dramatiques. C’est un monde qui se construisait, des pans entiers de sociétés qui s’édifiaient et dont, aujourd’hui encore on reste tributaire.

« Les Aigles de Rome », dans le premier tome, raconte l’éducation, et la naissance d’une amitié, de deux jeunes adolescents : un romain qui a du sang barbare, un barbare devenu citoyen romain. C’est très détaillé. Cela nécessite-t-il beaucoup de travail de recherche et de documentation ?

Oui, car il faut déjà choisir et fixer la période où l’on veut placer son récit. Pour ce choix, il faut trouver l’époque dans laquelle on est le plus à l’aise. Pour cela, il faut avoir une vision de celles qui sont possibles. Mais cela m’a été très utile et je suis content de l’avoir fait. Pour la connaissance de la société romaine, il est facile de trouver des informations, des traces. Il y a beaucoup d’écrits, de dessins et peintures qui sont accessibles. Les musées sont bien fournis et la littérature sur l’histoire de Rome est abondante.

Je présume qu’il n’est pas aussi facile d’en trouver sur celle des tribus germaines ?

Oh non ! Pour ces sociétés, les sources sont rares et très évasives. Elles décrivent plus les actions guerrières et héroïques, les gestes des héros, que la vie quotidienne. Cependant, quelques bases permettent de construire un cadre cohérent qui n’est pas trop loin de la réalité.

Comment définiriez-vous le genre de la série : BD historique ? Aventure historique ? Aventure fantastique... ?

C’est une aventure historique. Mais ce qui m’intéresse avant tout c’est l’histoire de ces deux amis, le développement de leur personnalité, leur évolution. Et l’évolution de leur amitié. Car, à cause de plein de choses, ils devront se définir dans une société, prendre un parti, choisir leur camp.

Vous avez retenu le format de 56 pages. Est-ce un format qui devient de plus en plus fréquent, remplaçant ainsi le sacro saint format de 48 pages ?

J’ai retenu ce format, en accord avec l’éditeur (il revient plus cher) pour avoir plus d’espace pour le dessin, pour me donner une plus grande liberté, à la fois artistique et graphique. Je voulais aussi ce format pour intégrer les grands formats, série que je considère plus prestigieuse, mais surtout permettant une meilleure présentation des planches et donc... du dessin.

Combien de tomes pensez-vous donner à votre saga ? Votre histoire est-elle finie ou peut-elle se poursuivre en plusieurs cycles ?

Pour l’instant, je me suis fixé une série de quatre à cinq albums. J’ai la matière pour les faire. Je traite mes personnages comme des humains. Ils vieillissent. Cependant, je ne veux pas les faire vieux et continuer la série jusqu’à ce qu’ils soient devenus des vieillards. Dans le premier tome, ils sont adolescents. Il ne faut pas perdre de vue, qu’à cette époque, l’espérance de vie étant bien plus courte, il fallait « devenir adulte » bien plus vite. Dans le second album, ils auront 18-19 ans, des jeunes adultes et dans le troisième 22-23. Au fur et à mesure que j’avance, les personnages secondaires prennent de l’importance et des nouveaux arrivants viennent enrichir la galerie. Si la série plait au public, j’aurai la possibilité d’aller plus loin, de prendre des voies différentes dans le même univers.

Des personnages utilisent des expressions dont on peut douter de l’usage à l’époque. Est-ce une volonté délibérée de « moderniser » les dialogues ?

Bien que la langue française ne soit pas la mienne, j’ai voulu écrire en français. C’était pour moi, un défi, un challenge. Je parle français, le lis, mais ne le maîtrise pas suffisamment.
J’ai voulu, en ce qui concerne le langage utilisé ou employé par mes personnages, une langue plus moderne, une langue utilisée par des jeunes. Je ne pouvais pas faire des dialogues « à l’ancienne ». Je souhaitais me démarquer d’Alix de Jacques Martin, par exemple, utilisant un langage plus cru comme dans la série de télévision Rome. J’ai fait comme je le pensais, de façon naturelle. Il fallait aussi que cela me ressemble. Et puis, sait-on comment parlait le peuple romain ? L’un de mes deux héros a grandi à la campagne, l’autre dans des tribus guerrières où la culture était surtout celle des armes. On a les écrits de philosophes, d’historiens, des érudits et non des gens du peuple. Je doute que tous les Romains aient été de bons orateurs comme Cicéron.

Vous exposez des méthodes d’éducation pour le moins rigides et très sévères. Etaient-ce celles en vigueur pour des jeunes nobles ?

Les méthodes d’éducation, pour ce que j’en ai lu, étaient très musclées. Je n’ai pas exagéré pour faire monter la pression et donner un côté dramatique. Le monde était beaucoup plus dur, plus grave. Marcus est visiblement un peu plus sensible que Ermanamer, le fils d’un prince Chérusque. Cependant, il a été élevé sans que son père soit là et il n’est pas comme celui-ci le souhaite. Il a pris une certaine liberté. Sa mère est une barbare et le fait d’être un bâtard lui donne une fragilité que n’a pas Ermanamer.

Les personnages que vous mettez en scène ont-ils une réalité historique ou sont-ils des personnages de fiction placés dans la société romaine ?

Un de mes personnages a réellement existé. Le Prince Arminius/Ermanamer a effectivement vécu à cette époque. Plus que probablement, il est venu à Rome comme otage, comme garant de la paix, et a été fait citoyen romain. Il est devenu officier romain et s’est à un moment opposé à Rome. On connaît peu de choses sur lui, ce qui me donne une certaine marge de manœuvre. Cependant, c’est un personnage qui a beaucoup été utilisé dans la littérature allemande. Il est devenu l’archétype de l’opposant à Rome et, par extension, le défenseur des peuples du nord contre l’oppression. Il a même servi de symbole aux chauvinistes nationalistes allemands dès le début du 19e siècle sous le nom de Hermann.

Question incontournable, mais si riche de promesses : sur quels albums travaillez-vous ? Quelle va être votre actualité dans les mois à venir ?

Je suis en train de travailler sur le tome 2 des Aigles de Rome. Je termine le scénario et je vais commencer le dessin dans quelques jours. Il devrait sortir début 2009. Je vais intercaler un album du Scorpion avec Stephen Desberg pour novembre 2008. Les Rapaces sont en stand-by. Pour le moment je voyage dans l’antiquité.




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