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  Sommaire - Films -  A - F -  A Vif (The Brave One)
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"A Vif (The Brave One) " de Neil Jordan

 

Avec : Jodie Foster, Terrence Howard, Mary Steenburgen.
Distribué par Warner Bros. Pictures France.
122 mn.
Sortie le 26 Septembre 2007.
Note : 9/10.

Les films de Neil Jordan se suivent et ne se ressemblent pas. Le réalisateur de « Entretien avec un vampire », « Prémonitions », « Breakfast with Pluto », « The crying game », « Michael Collins », « La fin d’une liaison » (pour ne citer que les meilleurs, on évitera donc de citer quelques ratés de belle taille...) s’attaque ici au thriller urbain, dans un de ses sous-genres les plus casse-gueule, à savoir le « rape and revenge », le « viol et la vengeance », ce qui pourrait se traduire par « Un justicier dans la ville » au féminin. Péjorative la comparaison ? Pas le moins du monde : le premier film de cette saga qui ultra-popularisa Charles Bronson est une réussite, à des années-lumière de ses séquelles racoleuses qui du même coup tuèrent en partie la carrière de Bronson. Mais en plus d’être ce polar urbain, « A vif » est d’abord et avant tout un drame, celui d’une vie brisée à jamais.
Erica Bain est chroniqueuse à la radio. Elle capte dans New-York des bruits, des paroles, des mots qu’elle remet sur les ondes avec ses commentaires à elle. Sa vie est partagée entre ce métier et surtout avec David, l’homme qu’elle va bientôt épouser. Mais un soir, tout bascule : en promenade à Central Park, le couple est agressé, Erica est sérieusement blessée, David mourra à l’hôpital. Pour la jeune femme, vivre n’a plus du tout le même goût qu’avant. New-York devient un monstre, et chaque sommeil lui rappelle ses étreintes avec David. Pour se protéger et s’aider à se sentir plus forte, Erica achète une arme. Qu’elle utilise en légitime défense un soir, puis de sang-froid une autre fois. Ces actes annihilent un peu ses craintes, en même temps qu’il lui semble se rapprocher de David en cherchant sciemment ses meurtriers. Chargé de l’enquête sur ces meurtres de « justicier », le détective Mercer (Terrence Howard, vu dans le superbe « Hustle and Flow », un des meilleurs acteurs du moment) va rencontrer Erica, déceler en elle un si profond chagrin qu’il pourrait être le vecteur d’une chasse vengeresse en même temps que la recherche d’une mort provoquée, libérant ainsi Erica de cette vie désormais perdue.

Plus réaliste qu’on ne pensait (le film est quand même produit par Joel Silver, pas vraiment le spécialiste du polar intimiste à réflexions...), « A Vif » traite le sujet au travers de l’existence complètement saccagée d’une femme qui jusque là avait tout pour être heureuse. Le véritable sujet du film n’est pas l’auto-justice mais le retour à la vie de quelqu’un qui est morte le soir d’une agression meurtrière. Pas morte physiquement, mais moralement, psychologiquement, intimement. Comment revivre une existence normale quand tout ce qui faisait le plaisir de vivre s’écroule ? Erica vit dans une mégalopole, elle croyait la connaître par cœur, elle en découvre les plus sombres aspects. Le simple fait de sortir la terrifie, et elle n’a plus rien à quoi se raccrocher. L’achat d’une arme est seulement là au début pour l’aider à affronter cette nouvelle ville, qui demeure la source de son activité professionnelle. Et quand elle tue pour se défendre, cela lui ôte un peu de sa peur. Du drame, on passe alors au polar urbain, à la justicière de New-York. Sauf que le manichéisme des films de Bronson (à part l’opus 1, encore une fois) n’a pas sa place ici. En « flinguant », Erica recherche ses agresseurs, s’endurcit, devient une autre, et en vient presque à rechercher une forme de suicide. D’un banal sujet de vengeance auto-justicière, « A Vif » transcende ce postulat de base vers le plus noir des drames conjugué au polar urbain. Et si on devait ne retenir qu’une scène pour s’en persuader, ce serait celle de la rencontre d’Erica et de Mercer dans un bar, moment de vérités cachées et à demi révélées, d’une magnifique sensibilité et d’une émotion plus que poignante quant à l’issue prévisible qui attend Erica. Rien qu’avec cette scène, Neil Jordan prouve qu’il était celui qu’il fallait pour signer « A Vif ». En plus de ses qualités techniques collant parfaitement au contexte de l’histoire : la réalisation alliée à la photographie de Philippe Rousselot (un gars de chez nous, un surdoué dans sa profession...) font de New-York le troisième personnage avec "A Vif", définitivement le meilleur du cinéma selon Neil Jordan avec « La Fin d’une liaison » et « Entretien avec un vampire ».

St. THIELLEMENT



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