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« Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face du monde aurait changé » : déjà au 17ème siècle un Français, un certain Blaise Pascal, donnait dans l’uchronie (sans le savoir...).
Aujourd’hui ils sont treize à tenter pour Nestiveqnen l’aventure d’un genre difficile, qui propose une vision alternative de l’Histoire. Il leur a été demandé de ne pas se cantonner au 19ème siècle (pour ne pas refaire une anthologie steampunk, puisqu’il en existe une excellente : Futurs antérieurs chez Fleuve Noir).
Le recueil s’ouvre donc sur une Egypte pharaonique revisitée, puis explore la période moderne (1618, 1748) pour s’attarder ensuite sur les débuts de l’ère contemporaine (1793, 1796), explorer le 20ème siècle (1909, 1914, 1920, 1940, 1968, 1993) et enfin un improbable 22ème siècle. Beaucoup de « si » nous entraînent donc dans des passés recomposés où l’imagination l’emporte sur l’Histoire qui devient prétexte. Prétexte à nous faire réfléchir sur le destin de l’homme, sur la place de certains dans le déroulement des événements, sur la fatalité et les mécanismes en œuvre sur le grand théâtre de la vie. Sans être nécessairement tragique, l’uchronie se doit d’être réflexive.
Certains cependant maîtrisent moins bien que d’autres l’art de refaire l’Histoire et c’est parfois à un cours pesant que nous avons l’impression d’assister. Le plaisir de lire s’alourdit significativement quand on nous inflige des lignes et des lignes d’explications historiques, même uchroniques ! Mais à l’inverse, on reste plus que sceptique quand aucune explication n’est fournie... Tout est question de dosage et de maîtrise, signalons donc ceux qui s’en sortent avec les honneurs.
La palme va sans conteste à Jean-Jacques Girardot et Fabrice Méreste qui inventent un 1909 fleurant bon les dirigeables et les savants fous. Un grand bravo à Jonas Lem qui nous entraîne sur les traces d’un improbable Trotski ressuscité, à Laurent Queyssi et à sa grenouille écrivain (dans un 1993 technologiquement très avancé...) et à Xavier Mauméjean pour sa « Vénus anatomique ». Chapeau également à Formosa, l’illustrateur qui offre à tous ces auteurs un magnifique écrin à leurs écrits malheureusement inégaux.
Sandrine Brugot Maillard
Passés recomposés : anthologie uchronique, Nestiveqnen, septembre 2003, 335 pages, 17,70 euro