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  Sommaire - Livres -  A - F -  Le voleur d’éternité & Abarat
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"Le voleur d’éternité & Abarat"
Clive Barker

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"Le voleur d’éternité & Abarat"
Clive Barker



Ce qu’il y a de plus effarant chez un auteur qu’on pourrait qualifier comme relevant de la terreur, c’est cette prolixité à produire également des ouvrages pour enfants, comme si, la frontière de l’innommable ayant été dépassée depuis longtemps, l’auteur se verrait en quelque sorte doté du pouvoir de refluer avec plus de facilité que les autres auteurs vers les sphères de l’enfance pour inscrire avec la même excellence des récits qui sonnent justes et touchent les adultes comme les plus jeunes. Ainsi en va-t-il de ce roman pour adolescent, illustré par ses propres soins. " Le voleur d’éternité ", est une sorte de préambule à son Arabat, qui n’est non pas une évolution dans son oeuvre, mais bien une autre facette d’un romanesque multiforme.
Harvey est comme tous les adolescents de son âge, il se croit immortel, le temps est pour lui figé, et il remplit chaque journée de la même durée. Et puis, il y a ce clown étrange, séduisant, ce passeur qu’on rencontre une ou deux fois dans sa vie, et qui lui ouvre un monde où son utopie trouve une réelle consistance, enfin. La maison est là, dressée face au ciel, les jours se partageant entre les quatre saisons, les poissons d’un lac dotés de la parole, oui, mais d’une histoire à raconter aussi, et Harvey s’en souci guère. Car quitter ce bonheur pour aller revoir ses parents a un prix, celui des illusions perdues. Superbe récit qui évoque le Pinnochio de Collodi, cette histoire sur l’acceptation est sans égale dans la littérature. Car la leçon est tout de même là. En acceptant de perdre ce paradis idéal de son enfance ou plutôt cette facticité des bonheurs sur mesure, on sauve le réel Eldorado qui dort en un lieu inviolable, si on sait assez le protéger, celui de son coeur. Cette histoire est à la fois une leçon de vie comme le chemin le plus simple pour ne pas se laisser prendre par ce temps qui émiette nos illusions, ces rêves faits de saisons et de sourires, de pardons comme d’autant de regards jetés sur l’ineffable. Peut-être le plus beau récit moderne sur l’enfance. La conclusion de ce " Voleur d’éternité ", n’est pas comme souvent le font les récits actuels, une évacuation de cet état idéal de l’enfant éternel, par la mort ou par les désillusions, mais bien au contraire, une sauvegarde de ses rêves plus que tout, des rêves qui permettent de poursuivre toujours plus un chemin de vie traversé par autant de beautés que de terreurs. Ce serait cela, la leçon de ce récit, s’il y avait réellement une leçon à retenir. Plutôt que de faire mourir son héros, comme s’apprête peut-être malheureusement à le faire la créatrice de la saga de Harry Potter, Barker sauve et préserve l’essentiel du conte, la vie ! C’est en cela qu’il a parfaitement retenu l’une des plus belles leçons du conte. Par le truchement de la fable comme leçon de passage, Barker tente d’éviter aux rêves de l’enfance de se perdre dans les utopies génératrices d’univers clos et d’utopies infernales, car édifiées sur du réel, pour ne suivre que ce Neverland si cher à James Barrie. Ce lieu se cache en fait dans le ciel de nos espoirs d’enfant se débattant au milieu d’un chaos infernal de morts et de passions, de mortifications comme de sacrifices autant absurdes qu’injustes. Revenant de cet au-delà de l’esprit par la scarification des corps, l’auteur signe là le plus juste des contes sur l’enfance, mesuré encore une fois au corps, et à plus forte raison, aux battements d’un coeur en accord avec les saisons de son âme, ces climats que seuls nos yeux saisissent dans l’éphémère de la vie qui passe...

Dans le cycle d’Arabat, Barker s’enfoncera plus profondément dans cette célébration de l’enfance sacrée. Bien loin des livres de sang, dont certains critiques ont souligné le caractère anti-Thatcher, un peu comme le fit oscar Wilde avec son époque Victorienne, Barker poursuit une oeuvre du beau. Pour cela, nonobstant son oeuvre plus outrageante, l’auteur semble ne jamais faiblir dans sa démarche.

Emmanuel Collot





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