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Sommaire - Interviews -  Pierre Bordage


"Pierre Bordage" de Par Yoann Berjaud


Philosophe et rêveur, Pierre Bordage extrait dans ses oeuvres la quintessence des mythes sacrés de l’humanité, un message d’amour essentiel, un souffle de vie qui habite ses épopées contemporaines ou futuristes. Il met en scène dans ses romans les conflits opposant l’être humain à toutes les formes de systèmes fondés sur le règne de la peur et de la pensée unique.

Il dénonce les idéologies toutes faites, les doctrines fanatiques qu’elles servent des intérêts politiques, économiques ou religieux, toutes les entreprises visant à faire de l’homme un esclave, un rouage dans la machine. Ses héros entraînés dans des voyages souvent violents mais toujours initiatiques, vont chercher au plus profond d’eux même, dans le joyau de l’âme, la force de vaincre la pression de conformité. L’œuvre de Pierre Bordage est à la fois une ode humaniste et une mise en garde contre la menace, le gouffre ouvert par des sociétés trop mécaniques et déshumanisées.

Repères :

Désormais reconnu comme l’une des grandes pointures de la science fiction-française, Pierre Bordage est né en 1955. Ex-journaliste sportif, grand joueur de basket, ce géant vendéen au regard doux a largement conquis le public français par des œuvres qui mêlent poésie, réflexion sur l’avenir et métaphysique.

Il a accumulé, en dix ans de carrière, pas moins de cinq récompenses littéraires dont un prix directement décerné par la Société des Gens de Lettres : le Prix Paul Féval 2000 de la littérature populaire qui a couronné ses Fables de l’Humphur. Toutefois, sa popularité lui a vraiment été acquise par le succès du cycle des Guerriers du Silence, récompensé par le Prix de l’Imaginaire et le Prix Julia Verlanger en 1994, puis le Prix Cosmos 1996 et 2000.

INTERVIEW :

Pierre Bordage, vos œuvres tiennent-elles de la fiction ou dressent-elles un constat de la situation mondiale actuelle ?

Dans mes récits, les héros sont les champions de la vie, du feu créateur et affrontent une sorte de monstre social, une entité froide tentaculaire qui cherche à éradiquer l’homme, en commençant par lui imposer une idéologie fanatique. C’est à mon avis le reflet d’une tendance cyclique de notre histoire. Il y a toujours eu des tentatives de prise de contrôle de l’esprit humain. A chaque fois qu’apparaissent des esprits novateurs, des gens qui apportent un message pour libérer l’homme, le renvoyer à lui-même, faire en sorte qu’il évolue, des forces politiques, sociales ou bien religieuses les contrecarrent.

Par la suite ces mêmes paroles libératrices sont reprises, déformées, dévoyées, utilisées comme instruments de contrôle de l’esprit humain. Aujourd’hui, les outils de domination sont d’autant plus puissants, qu’on pourra bientôt utiliser des leviers intimes comme l’ADN, où toucher un grand nombre de personnes avec le réseau informatique. Face à cette problématique, je conduis mes héros à développer leur part spirituelle, à retrouver leur force intérieure qui les rend incontrôlables.

Dans votre dernier livre, Griots Célestes, les personnages secondaires n’ont plus un rôle tragique mais au contraire positif et énergique. Comment expliquez-vous ce tournant ?

Cela fait sans doute partie de mon évolution personnelle, j’avais peut-être un jugement excessif sur la faiblesse des êtres humains et finalement j’ai découvert que ce n’était pas à moi de les juger. Comme les Griots Célestes qui apprennent le non jugement car c’est la condition de leur survie. Il y a un danger dans la quête spirituelle qui est de se sentir supérieur aux autres. Le but n’est pas de devenir parfait, mais de s’accepter tel que l’on est, d’apprendre à se connaître soi-même, à s’explorer avec amour. Celui qui se regarde lui-même avec compassion, avec tolérance, peut enfin comprendre les autres.

Le cycle des, Griots Célestes tient-il une place spécifique dans votre œuvre ?

Ce n’est pas par hasard, si je suis en train d’écrire le cycle des Griots Célestes qui relate l’histoire d’une caste de messagers, de porteurs du Verbe sacré. Je me suis aperçu qu’il s’agissait d’une sorte de bilan après dix ans d’activité de passeur d’histoires.

Que représente pour vous l’acte créateur ?

C’est une aventure poignante, il y a d’abord de l’enthousiasme, une sorte de feu, le feu créateur, puis il y a de la douleur car pour passer de la conception à la réalisation, passer du non-matériel au matériel, on subit des frottements. Je traverse tous les états lorsque j’écris, la joie, le découragement. Je crois que l’écriture, beaucoup plus que l’expression orale, nous met en contact avec l’inconscient. L’écrivain découvre des zones de lui-même qu’il n’avait pas forcément envie de rencontrer. Cette espèce d’interface qu’est l’écriture est finalement quelque chose de très difficile à maîtriser.

Quelles sont les sources qui vous donnent l’inspiration ?

C’est une imprégnation de beaucoup de choses, lectures, voyages, rencontres, discussions, une alchimie de tout cela, c’est un peu le fruit de ce que je suis en tant qu’être humain.

Est-il toujours facile de trouver l’inspiration ?

J’aimerais bien vous dire que j’atteins souvent l’état que l’on appelle la transe où l’écriture coule, où l’on se sent source mais cela arrive hélas rarement. J’essaie de travailler dans un état de grande réceptivité, je laisse le livre s’écrire à travers moi. En vérité, j’écris spontanément, sans faire de plan et au fur et à mesure l’histoire trouve sa propre cohérence. Je me lance à chaque fois dans le vide, c’est un acte de confiance constante envers l’inspiration.

Quelle est la responsabilité d’un auteur vis- à-vis de son public ?

A mon avis elle est très grande, je ne ferais pas ce métier si je n’avais pas l’impression d’apporter quelque chose de positif à mes lecteurs.

Pensez-vous que vos livres ont une influence, une sorte de pouvoir de faire changer le cours des choses ?

Je ne sais pas sincèrement si mes livres ont un réel impact, mais c’est en tous cas cet espoir là qui me porte et m’encourage à poursuivre mon travail.




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