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"Les Chroniques de Thomas Covenant 2"
Stephen R. Donaldson

Editeur :
Le Pré Aux Clercs
 

"Les Chroniques de Thomas Covenant 2"
Stephen R. Donaldson



10/10

Cela fait un mois que Thomas, le lépreux, maudit dans notre monde et demi-dieu dans un autre, se contente d’un quotidien dont il attend la fin dans une mort rapide, si possible sans douleur. Mais un coup de fil soudain de celle qu’il n’attendait plus, une chute, une tête qui cogne, et le voilà transporté par quelque étrange sortilège dans le Fief. Si un mois s’est passé dans la réalité, dans ce monde dont il nie l’existence, quarante années sont passées.

La chute qu’il fit n’était pas hasardeuse, on l’a appelé du Fief afin qu’il revienne sauver un monde proche de la fin. Turpide dit Le Rogue, comme une vielle redite, est de retour à la tête d’armées puissantes. C’est à présent Eléna, la fille de Léna, qui gouverne le royaume du fief auprès d’un personnage étrange, Amok.

Thomas Covenant est le porteur de l’or blanc, Eléna le suppliera de les aider dans la quête du septième tabernacle. Démons, Griffons, Kresh et Ur-vil vont émailler ce second récit de batailles épiques et de confrontations terribles en un monde que son sauveur ne reconnaît pas comme réel. Un autre personnage fera son apparition, Hile Troy, issu lui aussi de la terre. Comme Covenant, il est atteint d’un handicap majeur, irréparable : il est aveugle de naissance. Ce dernier ne sera pas comme Thomas Covenant. La chance de gagner un monde aussi plein de vie comme de prodiges, un monde où il voit la vie sous une lumière différente, plus authentique, est comme une rédemption pour lui. D’eux seuls va dépendre à présent le sort d’un monde à nouveau poussé à la fin par des hordes du chaos toujours plus hostiles, cruelles et à l’appétit de territoire sans borne.

Chaque volume du cycle de Thomas Covenant nous révèle non seulement des intrigues différentes, mais encore un autre niveau de lecture. En effet, le héros chez Donaldson n’assume plus seulement son rôle comme une besogne ressortant du pur manichéisme primaire (bien contre mal), mais il met en doute le prodige dans lequel sa vie est entraînée, faisant acte rationnel, réflexion de philosophe perdu dans un autre Alice au pays des merveilles. Sauf que là, nous sommes dans un pays de magie d’où le mal n’est pas absent ou représenté par des métaphores atténuées ou doucereuses comme chez Caroll, mais exhibé de façon brutale, sans concession. D’un monde à l’autre, la malédiction ne change pas pour autant, Covenant étant un faux ingénu qui non seulement met en doute mais de plus renie le miracle dont il est l’acteur principal. Cela ne l’oblige pas, comme tout bon héros Shakespearien, d’assumer sa fonction de héros.

Enfin, l’irruption d’un personnage secondaire est l’occasion pour l’auteur de mettre brillamment en perspective un jeu de rapports où il est question de mettre en doute le réel (ou la perception qu’on en a) ainsi que sa valeur, sans jamais lasser les lecteurs, et ouvrant de belles réflexions sur le réel et l’imaginaire en un autre jeu où son Héros, quoi qu’il dise, est toujours dupe. Un des monuments du genre, un classique d’une incroyable profondeur, jetant des lumières nouvelles sur la création, la fonction du héros, et son autonomie dans un cadre qui reste souvent assujetti à des vertus et actions allouées par avance au genre de l’épopée fantastique...

La fin, terrible et réaliste, nous renvoie dans notre réel qui n’est plus que l’arrière-monde des idéaux d’un homme ayant éternellement échoué à être le propre prophète de sa vie. Lutte perdue d’avance contre la fatalité des faits et événements de son monde, déni d’un autre qui le porte comme dieu. Au bout du compte, le seul désir de Covenant est de retrouver les images et mots de l’amour détachés de la contingence, et ainsi, inscrire, tel Proust, sa volonté d’éternité sans futur ni devenir.

Les Chroniques de Thomas Covenant, Tome 2-La retraite maudite, traduit de l’anglais (Américain) par Isabelle Troin, Maquette de couverture par Elodie Saracco, Illustration (silhouette du marcheur) par Sandrine Rabouan, 522 pages, Le Prés Aux Clercs/Fantasy, 19.90 €.





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