Née en 1977, Amelith Deslandes est dijonnaise. Elle vit toujours en Côte d’Or après avoir résidé quelques années au Canada. Ses nouvelles ont été publiées dans des revues et des fanzines.
Ce recueil de nouvelles fantastiques à la sensibilité gothico-mythique oscille entre le modernisme et le classicisme. Quelque part, il rappelle Déchirures de Sire Cédric pour son assise dans la réalité aux apparences trompeuses et Perles Noires d’Adam Possamai.
Une pincée de fantômes, un rien de folie, beaucoup de méchanceté, l’innocence créatrice de la jeunesse de l’auteur. On mélange le tout en le croisant différentes mythologies religieuses et on obtient Les Loges Funèbres.
Commençons par remarquer le jeu de mots entre l’éloge (synonyme d’oraison) et les loges (des lieux clos).
Ensuite, notons le retour régulier de thèmes qui s’entrecroisent :
– la vengeance pour Peau vive et masque de mort, Les Joyaux d’Hyléna et Les rouages du Destin
– la folie associée au génie artistique dans Fantaisie Urbaine (la peinture), Les Joyaux d’Hyléna (la musique via l’opéra) et Luna (création marionnettiste)
– la chrétienté dans Le signe de la chouette, De Bronze et d’Éther et Les rouages du Destin. Le génie artistique et Dieu étant de lointain cousin.
À ce propos, l’auteur laisse transparaître un sérieux problème avec l’Église Catholique pour la malmener à ce point : en gros, Dieu est un monstre de cruauté et son rejeton un dégénéré lubrique et cocaïnomane tout juste bon pour la décharge (Les rouages du Destin). C’est peut-être simplement le côte adorablement amorale représenté via l’Autorité Religieuse qui transpire à travers les pages.
On retrouve également un intérêt certain pour les différentes mythologies. Romaine (Minerve) pour Le signe de la chouette. En effet, la chouette est l’un des animaux consacrés à Minerve, fille de Jupiter et déesse de la sagesse dans le panthéon des divinités romaines. Le second étant le dragon. Indienne (Shiva) pour De Bronze et d’Éther. Shiva est le destructeur de la trinité hindoue. Or, le Christ exige ici des sacrifices.
La qualité des nouvelles est très aléatoire. Peau vive et masque de mort décrit en quelques lignes la terreur pure, une folie inimaginable et une mort certaine. Le Petit Théâtre d’Ombres évoque le mythe de la maison hantée. Cet écrit rappelle La Maison Hantée de Shirley Jackson. Il critique violemment la télé-réalité en révélant la médiocrité de ces émissions au succès phénoménale comme dans Les rouages du Destin. L’argent en est le moteur principal : l’appât du gain se révèle être diabolique au propre comme au figuré. Du coup, sa chute équivoque est géniale. La réalité dépasse parfois la fiction. Fantaisie Urbaine est mauvaise et altère l’aspect fantastique du recueil. Le signe de la chouette est une nouvelle mystérieuse et originale. Le conte associe remarquablement une enquête policière, le thriller, le fantastique et la mythologie. Autant d’ingrédients brillement utilisés. De Bronze et d’Éther détourne la première vocation du Christ, sauveur de l’humanité. Il la détruit ici en s’attaquant à l’enfance. La fin - toutes très travaillées - en suspens est extraordinaire. J’adore qu’on me laisse imaginer la suite. Cette pratique donne lieu à des discussions métaphysiques très drôles à la manière de Twin Peaks réalisé par David Lynch. Je n’ai pas encore trouvé deux versions identiques de l’identité de Bob. Les Rouages du Destin traîne en longueur et est difficile à appréhender.
Selon le Petit Robert, l’enfer d’une bibliothèque est le « département d’une bibliothèque où sont déposés les livres interdits au public ». Dans Fragments disputés à Cerbère, l’ambiguïté est permanente. Le Cerbère, chien à plusieurs têtes de la mythologie grecque, est le gardien des Enfers. Or, l’enfer d’une bibliothèque se trouve souvent en sous-sol. Dans notre nouvelle, ce dernier est gardé par une jeune femme : un cerbère.
Auteur : Amelith Deslandes
Éditeur : Nuit d’Avril
Nombre de pages : 187
ISBN : 2350720268
Date de sortie : septembre 2006
Prix indicatif prévu : 14,16 €
Illustration de couverture : Nuit d’Absinthe de Michelle Blessemaille
Cécilia