Dans les oubliettes où ils ont été jetés, Cylinia, sous les yeux étonnés d’Abeau, résorbe sa blessure. Comme Smerald, sa mère brûlée en tant que sorcière, elle possède des pouvoirs étonnants. Perrin, le boiteux, a été également jeté au même endroit par Julien, le fils d’Adémar, le nouveau maître de Roquebrune. Contre la vie sauve il veut bien leur dévoiler le tunnel qu’il a creusé. Ils débouchent dans une crypte où reposent les ancêtres d’Abeau. Celui-ci met Cylinia en demeure de lui raconter ce qu’elle sait de son histoire.
Léana, abandonnée de tous dans son domaine de Roquebrune après la mort de son époux aux croisades, s’est laissée séduire par le grand Cornu. Mais, il a transgressé la loi qui interdit les rapports avec les humains. Il est banni. Léana met au monde un enfant monstrueux. Rejeté par les hommes, ce dernier trouvera le bonheur auprès d’une bergère aveugle, qui le rendra père. La monstruosité s’efface au fil des générations, jusqu’à Abeau. Il est l’achèvement de la lignée, l’hybride parfait.
Le grand Cornu veut retrouver sa liberté. Et pourquoi Cylinia ne dévoile-t-elle pas tout ce qu’elle sait ?

Éric Corbeyran évolue dans son univers des Stryges comme un poisson dans l’eau. Non content de nous raconter l’histoire de ces anges fabuleux, il crée deux autres séries, dont Le Clan des Chimères, qui lui permet de placer une intrigue au Moyen Âge, période que cet auteur polymorphe semble apprécier particulièrement. Cependant, il s’agit d’un Moyen Âge de fantasy, dans lequel il ancre quelques vérités, comme l’implantation de l’Eglise catholique qui étouffe toutes autres croyances ; la différence qui, quelles que soient l’époque et le lieu, fait peur et entraîne des réactions violentes de rejet. On peut penser toutefois que l’auteur cède à la facilité avec l’amour du monstre et de l’aveugle. Mais celui-ci est en droit de rétorquer : « Si on ne peut plus intégrer dans une histoire un lien entre un monstre et un aveugle sans aussitôt penser à Frankenstein, ...où va-t-on ? »

Le dessin de Michel Suro s’affine et s’affirme d’album en album. Avec une économie de traits, il rend parfaitement lisibles les phases de l’intrigue et les émotions. Il n’hésite pas à recourir aux larges à-plats, voire à l’ombre totale. C’est efficace et d’une parfaite lisibilité. Michel Suro réussit particulièrement les visages des personnages, leur faisant prendre une large gamme de sentiments.

Secret est un album qui mérite qu’on s’y attarde pour un scénario dynamique servi par un graphisme réussi.

Serge Perraud

Le Clan des Chimères : T.5 - Secret, scénario d’Éric Corbeyran, dessins de Michel Suro, couleurs Yannick, Delcourt coll. Machination, mai 2006, 48 pages, 9,80 €