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Sommaire - Interviews -  Henri Vernes


"Henri Vernes" de Damien Dhondt


Interview d’Henri Vernes réalisée à l’occasion de la parution du roman "La Guerre du Pacifique n’aura pas lieu" (cliquez pour voir la critique) parue initialement dans Slash n°13 .

1918 fut une grande année. Ce fut la fin du premier conflit mondial, le début de la guerre civile en Russie et la naissance en Belgique de Charles-Henri Dewisme.
En 1937 il s’embarque pour la Chine accompagnant son amie chinoise. L’histoire d’amour n’aura qu’un temps et après un court séjour à Shangaï il rembarque vers l’Europe. Il s’inspirera de son séjour pour son roman "La guerre du Pacifique n’aura pas lieu".
Après quelques études, un petit séjour dans le monde des diamantaires, puis la Résistance, viendra le temps de l’écriture avec les romans policiers et d’aventure sous le nom de Charles Dewisme, Charles-Henri Dewismes, Carl W. Bogar, Robert Davids, Duchess Holliday, C. Reynes, Jacques Seyr, Lew Shannon et Ray Stevens. Puis en 1953 apparaît Henri Vernes.
Son héros Bob Morane connaît un succès mondial. Les aventures classiques laisseront bientôt place à la science-fiction. Bob Morane vivra également des aventures à travers le temps, devenant un des agents extraordinaires de la patrouille du temps.
A ce héros hors du commun Henri Vernes opposera des adversaires surpuissants comme Miss Ylang Ylang la directrice de l’organisation d’espionnage SMOG, L’Ombre Jaune un génie du mal virtuellement immortel et voué à la destruction de la civilisation occidentale et le Tigre dont quinze mémoires ont été implantées dans le cerveau (celle de quatorze sommités scientifiques et celle d’un tigre du Bengale) et qui cherche à détruire l’humanité.
Le cycle d’Ananké est une exception dans les aventures de Bob Morane. Celui-ci avec ses compagnons, se retrouve dans des mondes parallèles concentriques, qu’on ne peut parcourir que dans un sens, il est donc impossible de revenir en arrière. Les amateurs pourront retrouver des analogies entre ce cycle et "Karga le septième univers" une BD dessinée par Beautemps sur un scénario de Vernes aux éditions Bedescope puis Lombard, ce qui devait être une série n’eut qu’un seul tome en raison du décès du dessinateur.
Le 200° roman d’Henri Vernes fut une consécration avec "La guerre du Pacifique n’aura pas lieu", une fable spatio-temporelle traitant de l’offensive japonaise durant les années 30 et 40.

Vous êtes bien né un 16 octobre comme Bob Morane ?

Non, c’est lui qui est né le même jour que moi.

Avez-vous toujours eu envie d’écrire ?

C’est-à-dire qu’à l’école je ne savais faire que ça. Comme je ne savais rien faire d’autre, je me suis mis à écrire.

Il me semble que vous avez été diamantaire.

J’avais épousé la fille d’un diamantaire. Comme je ne savais rien faire d’autre qu’écrire et que ce n’était pas le moment, j’ai acheté et vendu des diamants pendant deux ans et quand j’ai rompu avec mon épouse, j’ai aussi rompu avec les diamants.

Cela vous plaisait-il ?

Pas tant que ça. Cela m’a permis de vivre dans le quartier juif d’Anvers, mais c’était à une époque très triste. J’ai aussi travaillé comme journaliste à Paris et dans le Nord. Ici c’était pour le journal Nord-Matin.

Vous avez écrit votre premier roman pendant la guerre.

C’était "Strangulation", un roman policier _ écrit par un certain Charles Henri Dewisme car
Henri Vernes (1) n’existait pas encore _ que j’ai à l’époque présenté en 1941 à Steeman pour la collection "Jury". Il paraît qu’il l’a refusé parce que le manuscrit était roulé et écrit à la main, mais je crois plutôt que c’était parce qu’il était trop mauvais. Le roman a disparu et j’ai oublié de quoi il parlait, je ne me souvenais plus du titre jusqu’à ce qu’il soit mentionné dans un livre (2). C’était d’ailleurs un mauvais livre.

A l’origine Bob Morane devait être écrit par Bernard Heuvelmans (3).

On lui avait offert d’écrire ses aventures, mais il a dit que je le ferais mieux que lui.

Que serait devenu Bob Morane sous la plume d’Heuvelmans ?

Je n’en sais absolument rien. Je ne sais même pas ce qu’il est devenu sous la mienne, alors sous la plume d’un autre...

Vous avez vous même utilisé la cryptozoologie (le Chipekwe dans "La vallée des Brontosaures", le mososaure dans "La croisière du Mégophias", les yétis dans "Les dents du Tigre").

Nous en avons beaucoup discuté ensemble. La cryptozoologie est presque née en même temps que Bob Morane.

Vous avez également connu Jean Ray (4).

Je l’ai connu de 1943 à 1965. C’est d’ailleurs moi - et je m’en vante - qui ait relancé son oeuvre.

Le nom de Morane vient-il du guerrier africain ou bien de l’avion de chasse français de la seconde guerre mondiale ?

Le Morane est un guerrier Massaï qui a tué son premier lion. Il partait avec sa lance et son bouclier et lorsqu’il avait accompli sa tâche il était devenu un Morane. Maintenant cela ne se fait plus. Il y a encore quelques Massaïs, mais il n’y a plus de lions.

Comment est né Bob Morane ?

C’est un personnage. J’ai commencé par lui trouver un nom et comme le nom trouvé je me suis mis à lui donner une tête, des jambes, des origines, une description. Le personnage est né avec la première aventure de Bob Morane "La Vallée infernale", en décembre 1953.

Est-ce que le personnage a évolué avec les époques ?

Je ne l’ai pas adapté aux époques. Il s’est adapté aux époques. Elles étaient là et il a du forcément suivre son temps. Moi-même j’ai vieilli. Mon style s’est transformé. Les conditions de vie se sont transformées, ce qui fait que c’est toujours Bob Morane, mais il n’a pas évolué physiquement ou mentalement. Je crois que c’est plutôt un style d’auteur qui a évolué, une petite modification sur la façon de mener le personnage.

Vous êtes passé des aventures classiques à la science-fiction.

Maintenant c’est complètement dans le vent. Quand j’écrivais les premières aventures de Bob Morane il s’agissait de roman de jungle, de chasse au trésor, de partir au secours de la pauvre petite orpheline qui était bien gentille et bien jolie. C’était toujours la même, bien qu’il y en ait une blonde et une brune. Je me suis un peu diversifié. J’ai commencé à mettre du fantastique et de la science-fiction bien calme et puis j’ai continué à travailler de façon un peu plus fantaisiste.

En 1959 dans "Les dents du Tigre" vous avez déclenché la 3° guerre mondiale.

A cette époque on s’attendait à tout moment à ce qu’elle éclate, alors je l’ai fait venir tout simplement.

Comment écrivez-vous ?

J’écris un peu n’importe où, n’importe comment. J’écris à la main comme tout écrivain qui se respecte, avec des bouquins, avec un dictionnaire bien sur, l’orthographe français n’étant pas toujours évident et des dictionnaires historiques qui sont indispensables. J’écris comme on écrivait jadis, pas à la plume d’oie, car c’est très difficile à trouver, mais avec un bic.

Vous avez toujours eu un rythme de production soutenu. Avez-vous de la marge ?

De la marge je n’en ai jamais eu. J’ai toujours fait Bob Morane au coup par coup, pressé par les linotypistes et j’ai toujours été pressé. Je n’avais pas le temps de souffler. Je trouvais un titre, je commençais par un premier chapitre, je continuais et ça se terminait, tant mieux.

Est ce que vous disposez d’un moyen pour vous rappeler les différentes situations afin de ne pas vous répéter ?

C’est bien mon drame. J’essaie de ne pas me répéter. Je lance une pièce de monnaie. Si elle tombe sur pile, je me répète. Si elle tombe sur face, je me répète aussi. Si elle tombe sur la la tranche je ne me répète pas. Je me répète certainement dans le détail de l’action. Comprenez bien que quand on écrit 200 romans on ne peut pas ne pas se répéter parce que l’éventail romanesque est assez petit.

Il semble que dans les années 70 vous avez eu des "collaborateurs".

Oui, mais tout le monde a eu des collaborateurs. Ils travaillaient d’après une trame que je faisais et je réécrivais là-dessus.

Vous avez beaucoup voyagé. Durant vos voyages preniez vous des notes pour les aventures de Bob Morane ?

J’ai toujours eu l’intention de prendre des notes et finalement je n’en ai jamais vraiment rien fait, parce que je suis un peu de l’avis de Simenon : "Quand vous voyagez dans un pays ne vous en servez pour un roman que dix ans plus tard" et je crois que c’est ce qu’il faut faire : on voyage, on voit quelque chose, on laisse mûrir les choses. Le mieux est de laisser fonctionner son imagination.

Vous n’avez pas fait de voyages liés directement à une aventure de Bob Morane ?

Directement non, comme j’ai été invité par le gouvernement coréen et comme j’ai été en Israël, j’ai été obligé de faire un roman se passant en Corée ou en Israël.

Les aventures de Bob Morane sont traduites en combien de langues ?

Dix ou douze.

Bob Morane est-il perçu différemment d’un pays à l’autre ?

Je n’en sais rien. Je rencontre surtout des lecteurs francophones. Nous ne sommes pas français ou belges, nous sous sommes francophones, de même souche, de même culture, de même civilisation et nous avons les mêmes réactions.

Comment est arrivé Bill Ballantine ?

Au début Bill Ballantine était un personnage épisodique, mais j’ai trouvé que c’était un personnage haut en couleur et puis cela m’aidait beaucoup dans l’action, les dialogues. C’est indispensable d’avoir deux personnages qui s’opposent un petit peu, tout en se secourant. Comme j’avais Ballantine sous la main j’ai continué avec lui et il est devenu un personnage presque aussi important que Bob Morane. C’est une amitié indéfectible qui n’a jamais été trahie. C’est rare dans la vie, je dirais que cela n’existe pas. C’est pour cela que ce sont des personnages de roman.

L’entourage de Bob Morane n’a pas évolué. Avez-vous songé à le modifier ou à changer sa façon de vivre ?

S’il avait une femme, une famille, il faudrait qu’il passe son temps à torcher les enfants, c’en serait fini de la belle aventure. C’est pour cela qu’il n’a pas de femme, du moins officiellement. Après le mot fin, c’est son problème.

Votre amie chinoise a t’elle inspiré certaines de vos héroïnes asiatiques ?

Miss Ylang Ylang peut-être. Mais rien ne ressemble plus à une chinoise qu’une autre chinoise.

Dans le cycle d’Ananké nous découvrons la "faiblesse" de Bob Morane : les armes anciennes.

C’est ma faiblesse à moi.

Il semble qu’il y en ait une petit autre, en l’occurrence la "Jaguar E" puisque dans "La guerre du Pacifique n’aura pas lieu" c’est la troisième voiture de ce type qu’il possède... et qui d’ailleurs se fait détruire une fois de plus.

Il va devoir en chercher une quatrième. J’ai eu une "Jaguar E". A l’époque ce n’était pas une voiture de collection. Maintenant quand j’en vois une, je me dis "Qu’est-ce que j’ai été con de me débarrasser de cette voiture !"

Pratiquez vous les mêmes sports que Bob Morane ?

Moi, j’ai fait de l’aviron. J’ai été gardien de but. J’ai fait un peu d’athlétisme. J’ai battu au tennis de table le champion du monde, c’était un Polonais, il m’a laissé 17 points d’avance... Bob Morane fait surtout comme moi, de la boxe, du jiu-jitsu, du karaté. Mais est-ce que justement sa vie n’est pas un sport ?

En 1960 a eu l’adaptation de Bob Morane au cinéma avec "L’espion aux cents visages" (5). Il n’y en a eu qu’une seule représentation à Bruxelles le 8 janvier 1961. Que s’est-il passé ?

Il n’y a eu qu’une représentation parce que ce film a brûlé dans l’incendie de la maison du producteur, ce qui fait qu’on ne peut plus rien retrouver, ni le film ni le négatif. Peut-être retrouvera t’on un jour une copie ?

Comme le "Napoléon" d’Abel Gance.

Je ne suis pas Abel Gance !

En 1964 et 1965 ont été tournés 26 téléfilms. Etes-vous satisfait du résultat ?

Oui et non, parce que finalement une adaptation au cinéma ou à la télévision n’est jamais fidèle. Je n’y attache pas vraiment d’importance parce que c’est un autre langage. Le langage cinématographique est tout à fait différent du langage littéraire. Qu’on l’adapte est tout à fait normal. Je ne suis pas mécontent dans l’ensemble. Il y en aura peut-être d’autres. Quelqu’un s’en occupe et je sais qu’ils sont aussi en contact avec Hollywood.

A la suite de la série télé, la tête de Bob Morane sur la couverture a changé. Ce n’était plus celle de l’architecte suisse René Emery, mais celle du comédien Claude Titre qui jouait le rôle de Bob Morane.

Je crois qu’à l’origine ce n’était pas René Emery. C’est Schellens qui pense que c’était René Emery, mais je ne le pense pas. Il y a même une tête qui ressemble à Yves Montand dans "Opération Atlantide" (6). Pour moi Emery est venu plus tard et ensuite comme c’était Claude Titre qui incarnait Bob Morane, on a donné à Bob Morane la tête de Claude Titre.

Les bande dessinées étaient au départ des histoires originales qui ont ensuite été transformées en romans. Mais à partir de 1965 il s’est produit l’inverse, les romans ont été adaptés en bande dessinées. Pourquoi un tel changement ?

En effet au départ les aventures de Bob Morane en bande dessinée étaient des originaux, mais comme j’avais déjà les histoires en roman, je me suis dit : après tout, pourquoi se casser la tête ? Ce sont des lecteurs différents. J’ai des lecteurs qui ne lisent que les romans et d’autres qui n’aiment que la bande dessinée. Je précise que la première adaptation en BD a été réalisée par un auteur d’origine polonaise qui m’a envoyé une adaptation de "La vallée infernale" qui n’est jamais paru.

Bob Morane a aussi été adapté en dessin animé.

Vingt-six films de 22 minutes. Ils ont dû être traduits en français car le dialogue a d’abord été fait en anglais.

Quelle est votre opinion sur le jeu vidéo sur Bob Morane sorti en 1987 (7) ?

Ce n’était pas bon.

Des études universitaires ont été faites dans le but d’analyser en profondeur Bob Morane.

Il y a une époque où on interdisait Bob Morane dans les écoles parce que cela empêchait les jeunes d’étudier et maintenant on fait des études sur Bob Morane. On a même fait une étude "freudienne" sur Bob Morane. Je ne sais pas très bien à quoi ça sert. Je n’ai pas écrit Bob Morane pour ça. Je l’ai écrit pour me divertir et cela ne va pas plus loin. Mais tout le monde peut faire des bêtises. Maintenant si ces études amènent des gens à lire Bob Morane, pourquoi pas.

Selon Francis Valéry (8), vous auriez des "fantasmes éco terroristes", avec des personnages comme l’Ombre Jaune et le Tigre.

Valéry c’est le gars le plus fou que j’aie jamais rencontré. Quand il m’a envoyé son texte j’ai rouspété parce qu’il y avait des réflexions du genre : "C’est toujours le blanc qu’il préfère plutôt que le noir, Bob Morane est un raciste, etc...". Ce qui est complètement faux. Bob Morane et moi serions des éco terroristes ? L’Ombre Jaune peut-être. Morane et moi sommes peut-être écologistes.

Quels sont les titres de Bob Morane qui se sont le mieux vendus ?

Je crois que ce sont ceux avec l’Ombre Jaune.

On a beaucoup comparé l’Ombre Jaune à Fu-Manchu (9).

Oui parce qu’il était asiatique. S’il avait été blanc, on l’aurait comparé à Fantômas....

Il semble que pour l’Ombre Jaune vous vous soyez inspiré du criminel Jérôme Cardan que R.T.M. Scott a utilisé pour son roman "Le Magicien noir" (10).

C’était un personnage très huppé, il était chauve et avait aussi un pouvoir hypnotique. Ming lui ressemble qu’à Fu-Manchu, mais ce dernier est un Chinois comme Ming.

Le cycle d’Ananké se distingue des autres cycles.

C’est un cycle à l’intérieur du cycle. Au départ nous voulions faire un gros volume et puis finalement nous l’avons mis dans la collection Pocket du Fleuve Noir, en alternant les volumes du cycle avec les autres aventures de Bob Morane (11).

La fin est énigmatique. Vous avez émis l’hypothèse d’un jeu de rôle à l’échelle cosmique.

Vous croyez toujours vous autres que je pense à ces choses. Il ne faut pas croire que tout est toujours fabriqué, calculé. 2+2 quand on écrit c’est 5.

La fin de "L’Epée du Paladin" est tout aussi obscure. Bob Morane et Bill Ballantine étaient coincés au moyen-âge et tout à coup Bob Morane se retrouve chez lui au XX° siècle avec Durandal. S’agit-il d’un cadeau du colonel Graight (12) ?

Ah non, justement ! C’est fait pour ne pas savoir ce que c’est. Je vous laisse rêver. Je ne sais même pas ce que c’est. Est-ce qu’il a rêvé ? Est-ce que c’est un cadeau de quelqu’un ? Je n’en sais rien et je ne veux pas le savoir.

Vous avez fait appel au mythe de l’Atlantide et de Mu.

J’ai été un des premiers à écrire sur Mu parce que j’avais eu la chance d’être un des premiers à avoir dans ma bibliothèque un livre de Georges Barbarin qui s’appelait "La danse du volcan" (13) à une époque où les livres de Churchward sur Mu (14) n’étaient pas encore traduits en français.

Dans "La guerre du Pacifique n’aura pas lieu" (15) vous évoquez le voyage dans le temps, mais aussi la modification de l’Histoire.

Il faut faire confiance à l’Histoire. Elle se modifie bien elle même. L’histoire est toujours un hasard. On peut lui donner quelques petits coups de pouce. Si on fait en sorte qu’un président ait ou non une maîtresse cela changerait l’Histoire. Pourquoi ne pas retourner en arrière et empêcher Clinton de rencontrer mademoiselle Levinski ? Cela serait relativement facile !

Y a t’il une attirance à vouloir modifier l’Histoire ?

Je n’ai rien inventé. Beaucoup d’écrivains de science-fiction l’on fait, notamment Barjavel (16), Noël-Noël a imaginé ce qui se passerait si Louis XVI n’avait pas été guillotiné (17). Tout change et Bonaparte n’est qu’un simple marchand de tissu. Lorsque "Le voyageur des siècles " a paru dans la Bibliothèque Verte le texte a été modifié. Dans le texte original Bonaparte _ qui voit le peupler acclamer Louis XVI _ dit "Coillones !" en italien, mais dans la Bibliothèque Verte on a changé ça en "Quels imbéciles !"

Comment se déroule l’adaptation de "La guerre du Pacifique n’aura pas lieu" en bande-dessinée ?

Cela doit être fait en deux albums. C’est difficile mais il est possible à un dessinateur de recréer Shangaï en 1932 et Nankin en 1937, on peut retrouver des photos. Pour Pearl Harbor on peut s’inspirer du film "Tora-Tora-Tora". Pour le moment j’ai essayé avec les trois lieux temporaires _ Nankin, Shangaï, Pearl Harbor _ d’être historiquement aussi précis que possible. Tout ce qui se passe autour c’est du roman.

Dans ce roman nous faisons connaissance de Joachim Baranov, alias "China Jack"...

En réalité j’avais déjà créé ce personnage pour une série de bande dessinée avec un personnage pirate qui s’appelait China Jack. Elle devait être dessinée par Géron qui est décédé, ce qui fait que cela n’a jamais pu se poursuivre. Géron avait commencé à dessiner une planche douce et une planche un peu plus hard. J’avais déjà ce personnage en tête depuis longtemps, car ce Juif russe habitant Shangaï, je le connaissais.

Sera t’elle reprise par un autre dessinateur ?

Non, je n’ai plus beaucoup de temps pour reprendre un autre personnage et faire un deuxième Bob Morane.

Vous n’avez jamais eu envie de divorcer de Bob Morane ?

Je ne suis pas homosexuel. Nous n’avons jamais été mariés. Je n’ai pas envie de le laisser.

Il semble que vous lui avez été infidèle. Si vous nous parliez de Jacques Colombo et de Don (18) ?

J’ai écrit une série "Don" sous le nom de Columbo. Je l’ai caché. Je ne voulais pas que quelqu’un le sache parce que c’était une série un peu holé-holé...Bob Morane est fait pour la jeunesse et les aventures de Don sont pour adultes et j’ai signé Columbo parce que je ne voulais pas qu’on se trompe avec Bob Morane. Maintenant c’est le secret de polichinelle. Tout le monde sait à présent que j’ai écrit les 11 "Don". Donc j’ai laissé tomber.

Sur Arte vous avez déclaré que Michael Crichton et Steven Spielberg vous avaient pris votre idée avec "Jurassik Park" puisque vous aviez déjà eu cette idée en 1958 avec "Les Géants de la Taïga" où la science ressuscitait des Mammouths en Sibérie (19). Or on retrouve la même situation dans "Les feux de Sibérie" (20), le deuxième tome des aventures du Gipsy de Smolderen et Marini.

Que voulez-vous c’est une preuve de célébrité. En tout cas c’est bien dessiné.

J’ai rencontré Marini et j’ai évoqué avec lui l’épisode des Mammouths et de la relation que j’avais vu avec "Les Géants de la Taïga" d’Henri Vernes. Il m’a répondu qu’il ne connaissait pas "Les géants de la Taïga", ni Henri Vernes.

Ça c’est un peu gros... et Bob Morane ?

Il ne savait pas qui était Bob Morane.
Ce serait quand même assez curieux qu’il ne sache pas qui est Bob Morane. Mais il est possible qu’il ait passé sa jeunesse en prison.

Quel est l’avenir de Bob Morane ?

Ce sont les personnages qui comptent. Les ventes de Tintin baissent parce que la série s’est arrêtée. Les héritiers de Hergé sont très inquiets. Ils se rattrapent avec le merchandising en essayant de faire de l’argent dessus. Le problème ce sont les bonnes histoires. Je crois que la bande dessinée manque de scénaristes. Les grands scénaristes _ Duchateau, Van Hamme _ ne sont plus très jeunes. Quand je serais dans les nuages _ parce que j’irai certainement au paradis _ il faudra continuer, si quelqu’un veut prendre la relève ?

(1) Les typographes utilisaient des majuscules, de ce fait Vernès est devenu par la force des choses VERNES
(2) "Le policier Fantôme" de Luc Delisse (Edition Pèle-mêle, 1984), traitant de la littérature policière en Belgique
(3) fondateur de la cryptozoologie (recherche d’animaux préhistoriques ayant survécu jusqu’à notre époque). On lui doit "Sur la piste des bêtes ignorées (Plon, 1955), "Dans le sillage des monstres marins" (Plon, 1958), "Histoire des bêtes ignorées de la mer. Le grand serpent de mer" (Plon, 1965, 1975), "Histoires et légendes de la mer mystérieuse" (Editions Maritimes et d’outre-mer, Tchou, 1968), "L’homme de Neandertal est toujours vivant" (Plon, 1974), "Les derniers dragons d’Afrique" (Plon, 1978), "Les bêtes humaines d’Afrique" (Plon, 1980)
(4) Le mot "Ananké" est tiré du film "Malpertuis" réalisé d’après le roman de Jean Ray
(5) Avec dans le rôle de Bob Morane Jacques Santi, alias Tangui des Chevaliers du ciel
(6) Uniquement sur la première édition de 1956, vous en trouverez une reproduction dans le deuxième tome de l’intégrale publié par Lefrancq
(7) Réalisé par Infogrames pour Atari ST, Thomson T05, Thomson T07, Amstrad CPC et Amiga :
Chevalerie (La prisonnière de l’Ombre jaune), Science-Fiction (Le satellite de l’Ombre jaune), Jungle (La vallée des 1000 soleils), Océan (Opération Atlantide)
(8) Francis Valéry _ "Heros n°1 : Bob Morane" _ Editions Car rien n’a d’importance, 1994
(9) Vilain machiavélique des romans de Sax Romer
(10) Paru aux éditions le Masque n°145, 1933, réédition n°156, 1952
(11) Cinq volumes parus de 1974 à 1979, la nouvelle "La dernière rosace", parue dans le recueil des éditions Lefranq conclut le cycle
(12) Le chef de "La patrouille du temps" comme le sait tout bon agent spatio-temporel
(13) "La danse sur le volcan : Atlantide, Lémurie, Les continents futurs", Adyar, 1938
(14) Colonel James Churchward : "Mu le continent perdu (J’ai Lu, 1969), L’univers secret de Mu (J’ai Lu, 1970), Le Monde occulte de Mu (J’ai lu, 1972)
(15) 200° roman d’Henri Vernes paru aux éditions Lefrancq
(16) Barjavel "Le voyageur imprudent" (Denoël, 1944 et 1958, Présence du futur n°23)
(17) Noël-Noël : "Le voyageur des siècles (Hachette, 1971)
(18) 11 volumes parus au Fleuve Noir de 1983 à 1986
(19) adapté en BD sous le titre "Le réveil de Mamantu", dessiné par Coria, éd. Lombard
(20) paru aux Humanoïdes Associés et chez Dargaud

Damien Dhondt




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