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Sommaire - Interviews -  Tobe Hooper, réalisateur


"Tobe Hooper, réalisateur " de Stéphane Thiellement


Un film, un seul, a fait la renommée de Tobe Hooper : le légendaire « Massacre à la tronçonneuse ». Aujourd’hui, 32 ans et quelques films (allant de l’excellent au très mauvais voir nul) plus tard, Tobe Hooper revient sur le devant de la scène. D’abord avec son dernier long métrage, « Mortuary », ensuite avec un épisode de l’anthologie « Masters of horror », enfin avec un bel hommage chez nous au travers d’une invitation à la Cinémathèque Française. Cinq jours durant, Tobe Hooper fut la star du moment, celui qui enthousiasma les fans de son cinéma, se livrant à une MasterClass à la Fnac et à beaucoup d’interviews. Comme celle qui va suivre, pas uniquement focalisée sur « Mortuary » comme vous allez le constater.

Tout d’abord, avant d’aborder « Mortuary », une question plus générale : quel effet cela vous fait il aujourd’hui de voir encore attaché à votre nom un seul film, « Massacre à la tronçonneuse » ?

Je ne vais pas m’en plaindre. Bien sûr que j’ai réalisé d’autres films entretemps, mais si un seul, devenu aujourd’hui un des plus grands classiques du cinéma d’horreur, permet au public de se faire une idée de ce qu’il va voir, pourquoi pas ? Vous savez, « Massacre à la tronçonneuse » a marqué toute une génération. Aujourd’hui, la génération actuelle n’a peut-être pas vu mon film, elle connait plus le remake, mais au moins, le titre évoque quelque chose et ça, c’est énorme.

Avec « Mortuary », vous revenez à un cinéma plus horrifique, plus proche de certains de vos premiers films ? Etait-ce déjà ainsi dans le scénario ou est-ce vous qui avez guidé le film dans cette direction ?

C’était dans le scénario. Quand je l’ai lu, j’ai tout de suite accroché, et surtout à cause du fait que cela se passait dans une morgue. J’ai toujours eu envie de tourner dans une morgue, de faire un film ayant cet endroit comme décor. Curieusement, je ne l’avais encore jamais fait.

Le début du film est plutôt sérieux, la suite plutôt parodique. Cette évolution narrative vous a aussi intéressé ?

Hummm... Disons que la première partie touchait à des éléments qui m’intriguent et me fascinent depuis longtemps. La seconde partie est pour moi plus proche de ma conception d’un film d’horreur. C’est censé vous faire peur, mais c’est une peur sécurisée, vous êtes dans une salle de cinéma, si possible bien entouré, vous aimez vous faire peur mais en même temps, vous vous rassurez en vous rappelant la réalité. C’est un peu comme un grand huit : vous hurlez mais en même temps, vous vous tranquillisez en vous rappelant que vous ne risquez absolument rien. Normalement.

Cette première partie met en scène une enfant qui vient de perdre son père. Quand je disais que je trouvais ces passages les plus riches du film, c’est parce qu’on y voit un enfant traumatisé par la perte d’un être cher, soit ici son père, et qu’il entretient avec la mort un rapport étrange... Vous tournez peu avec les enfants et pourtant, ils constituent une excellente source d’inspiration pour des récits de terreur, de par leurs réactions assez logiques, normales.

Je suis entièrement d’accord. (Il réfléchit). J’aimerais un jour faire un film sérieux avec les éléments que vous venez de décrire. Ce rapport enfant-mort est effectivement étrange. Je vais vous raconter une anecdote, liée aussi au fait que les morgues m’ont toujours fascinées.
Quand j’avais 5 ans, un membre de ma famille est décédé. A cette époque, on allait aux pompes funèbres rendre un dernier hommage au disparu devant le cercueil ouvert. Ce que je fis. Je n’en vis que le profil. Peu après on me demanda de me pousser pour laisser la place aux autres. Je reculais donc, peu à peu, et rencontrais une porte qui s’ouvrit dans mon dos. La pièce était dans le noir, je cherchais la lumière, l’allumais et là, je découvris des cercueils de ma taille. Et je me suis dit « Hé ! il n’y a pas que les grands qui vont dans ces boites spéciales ! ». Hé bien croyez-moi, ça reste encore bien précis dans ma mémoire. Et ça brasse l’enfance, mon rapport à la mort, et les morgues.

« Mortuary » se révèle quand même très sage côté horreur, ce qui n’est pas dans la mouvance actuelle du genre. Que pensez-vous justement de ce renouveau du genre ?

Comme d’habitude, c’est simplement un nouveau cycle. Regardez tous les cinéastes de genre de mon âge, on a été marqué par le Viet-Nâm, et c’est cela qu’inconsciemment on retranscrit dans un film. Aujourd’hui, ce cycle est passé, un nouveau est arrivé et les films d’horreur canalisent cette nouvelle tendance, ils s’en servent. La peur du terrorisme, la violence urbaine, ces jeunes qui tuent d’autres jeunes dans des lycées, le port de l’arme chez nous, etc... Ce sont les nouveaux maux de l’Amérique qui sont retranscrits dans les films d’horreur actuels. Ce n’est pas mon époque, moi, j’ai fais un film comme ceux que j’aime faire depuis « Massacre à la tronçonneuse ».

Votre segment des « Masters of horror » marque aussi un nouveau style. Sans votre nom sur le générique, jamais je n’aurais pensé que vous en étiez l’auteur. Est-ce là un nouveau départ pour vous ?

Oui. Complètement. Mon film des « Masters of horror » a été fait après « Mortuary ». J’ai eu carte blanche, j’ai expérimenté quelque chose d’inédit pour moi. L’expérience fut si bonne que je vais m’en inspirer pour mon prochain film.

Depuis vos débuts, vous n’avez œuvré que dans l’horreur. A l’instar d’un Wes Craven, vous n’avez jamais eu envie de réaliser autre chose ?

Non, tout de suite non. Que Wes ait voulu tenter l’expérience avec « La musique de mon cœur », pourquoi pas ? Mais ce n’est pas mon cas. Et ça ne me dérange absolument pas de ne faire que de l’horreur.

Justement, de tous ces films, quels sont vos préférés, ceux dont vous vous montrez le plus fier ?

Ohhh... Pour moi, chaque film est comme un enfant, alors oui, ils ne sont pas tous parfaits mais je les aime chacun à leur manière. Vous savez, je vais vous dire ceci : j’ai des amis cinéastes, que vous connaissez peut-être de nom. Ils ont signé un excellent film en début de carrière. Mais après, progressivement, ils sont un peu tombés dans l’oubli au point de ne même plus faire de réalisation d’une émission TV ou de présenter une page cinéma sur une chaine. Moi, ça fait trente deux ans que je fais ce métier que j’aime. J’ai la chance d’avoir signé un film qui constitue ma meilleure carte de visite. Alors, même si mon dernier film ne retrouve pas la puissance de mes meilleures réalisations, il restera toujours mon film.

Propos recueillis et traduits par St. THIELLEMENT

Voir la chronique du film "Mortuary" en cliquant




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