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Sommaire - Interviews -  Roland C. Wagner


"Roland C. Wagner" de par Serge Perraud


Roland C. Wagner développe depuis 1996 un univers riche sur les Futurs Mystères de Paris. Cette série commencée dans feu la collection Anticipation, continuée dans les collections SF Métal demi-format, s’est vue pousser des excroissances, sous forme de nouvelles, dans différents supports. Mais coup de théâtre ! Babaluma, le 7e tome, sort aux Éditions de L’Atalante à Nantes. Et ce même éditeur propose les trois premiers volets de la série complétés par des nouvelles jusqu’alors dispersées. Tous les livres sont habillés par de superbes couvertures de Caza.


N’écrivez-vous pas que "les lieux où l’on vit nous conditionnent" ? Qu’en est-il alors pour vous de l’Ile de France ?



Paris et sa banlieue me servent souvent d’échelle pour mesurer la distance temporelle – et, donc, sociale et technologique – du monde décrit par rapport au nôtre. C’est notamment le cas dans Poupée aux yeux morts – qui vient d’être réédité au Livre de Poche sous le titre L’Œil du fouinain –, mais aussi dans la série encore inachevée de l’Histoire du Futur Proche – qui constitue d’ailleurs un prologue aux Futurs Mystères – et dans un ou deux Blade & Baker. En outre, dans les aventures de Tem, l’hommage à Nestor Burma rendait quasiment indispensable l’emploi de Paris comme “ personnage ”.


N’évoquez-vous pas les sixties avec nostalgie ?


Je l’ai eue à une certaine époque, et c’est cette nostalgie qui m’a poussée à m’intéresser de plus près aux années soixante. Mais elle s’est peu à peu effilochée à mesure que je découvrais la réalité de cette décennie qui constitue le creuset où s’est forgé notre monde moderne. Maintenant, cette nostalgie aurait tendance à revenir, mais pour des raisons différentes, nettement plus politiques qu’esthétiques. Ainsi, la guerre du Vietnam avait suscité aux USA un fort courant pacifiste, alors que, à ma connaissance, l’actuelle dérive totalitaire et belliciste de l’administration républicaine ne rencontre guère d’opposition intérieure. Il est vrai que l’on a soigneusement conditionné la population en lui montrant en boucle des images destinées à susciter la haine de l’autre – magnifique opération de marketing, soit dit en passant. Les sixties étaient le temps des rêves de paix et d’amour ; la tournure prise par les premières années du nouveau millénaire m’incite à penser que, pour paraphraser la fameuse citation apocryphe attribuée à Malraux, le vingt et unième siècle sera réactionnaire ou ne sera pas.


Pourquoi autant de héros et personnages de la culture populaire hantent-ils toutes les pages de cette saga ?


La psychosphère, dont le concept repose en partie sur les théories de Jung au sujet des archétypes et de l’inconscient collectif, est avant tout un outil d’exploration de la culture humaine. Elle contient a priori tout ce qui a pu passer un jour par l’esprit d’un être humain. C’est donc l’ensemble de la culture humaine qui nourrit mon imaginaire – ou plutôt qui peut le nourrir car je ne suis évidemment pas omniscient. L’emploi ou l’évocation de personnages de fiction ne constituent qu’une facette de ce processus, mais il est vrai qu’ils ont tendance à ressortir plus que d’autres éléments, sans doute en raison de leur aspect plus ouvertement référentiel.


Mais on rencontre aussi nombre de personnes réelles : Caza, S. Benson, Michel Pagel (Le titre du livre que vous lui prêtez sortira-t-il un jour en librairie ?)... Et pourquoi cette référence au réel ?


C’est à Michel qu’il faudrait poser cette dernière question. Pour le reste, disons que c’est un moyen, pour moi, d’accentuer l’effet de réel de l’intérieur. Certaines références ne sont d’ailleurs pas perceptibles par le lecteur ; elles sont là uniquement pour moi, non en tant que private jokes, mais pour accroître mon confort mental. Quand on passe son temps à inventer des trucs invraisemblables, un peu de réalité profonde ne peut pas faire de mal.


Est-il facile de concilier la rigueur d’une intrigue et l’animation d’un univers peuplé de personnages tous plus fantaisistes les uns que les autres ?


C’est en tout cas moins difficile pour moi que ça peut en avoir l’air de l’extérieur. En fait, c’est parce que l’intrigue et le cadre théorique sont rigoureux que je peux me permettre les délires les plus insensés au niveau du détail.


Dans votre futur, la violence a presque disparu. Est-ce aussi le vœu de l’auteur ?


Il s’agit sans doute plus d’un souhait que d’une “vue” : la diminution de l’agressivité humaine est pour moi l’un des buts que notre humanité doit se fixer si elle veut survivre. Les Futurs Mystères — et, plus généralement, l’ensemble de l’Histoire d’un Futur où ils s’insèrent — constituent une expérience de pensée, une tentative de montrer un monde moins cruel et moins agressif que celui où nous vivons, un monde d’où certaines idéologies nauséabondes ont quasiment disparu. À la fin du siècle dernier, quand Le Chant du Cosmos est paru, certaines personnes ont évoqué à son sujet l’influence de Jack Vance ; ce n’est pas faux, mais il y a un point sur lequel Vance et moins ne sommes pas – et ne serons jamais — d’accord : il croit que l’être humain ne changera jamais, tandis que je pense qu’il est perfectible, notamment grâce à l’éducation.


Pourquoi avez-vous choisi de donner à Tem, le don de transparence ?


Honnêtement, je ne m’en souviens pas. Avec le recul, je dirai par goût du paradoxe. Et aussi parce que ce Talent parapsychique est une véritable mine de situations et d’effets, comiques ou non. Il est également possible que l’existence de ce Don chez Tem prenne une signification plus ou moins métaphorique ; il y a là un aspect réflexion sur la place de l’individu dans la société. Tem est à l’évidence un “marginal” qui tente désespérément – pendant un temps du moins – de s’insérer, mais sa transparence lui rend la tâche difficile. En fin de compte, son existence sociale passe avant tout par ses amis et connaissances, par les rares personnes qui ne l’oublient pas, ou parviennent à se souvenir de lui rapidement le cas échéant.


Vous-même, ne jouez-vous pas les Archétypes en vous incarnant en Richard Montaigu, cet écrivain grand-père de Tem ?


Ce n’est pas parce que j’ai prêté à Montaigu certains traits de mon caractère et certains épisodes de ma propre existence que je m’incarne en lui. C’est un personnage composite, tout à la fois romancier sans modèle réel particulier, vulgarisateur scientifique aux théories audacieuses dans la lignée d’Arthur Koestler, et journaliste rock façon Philippe Manœuvre.


Le chat est-il un animal que vous appréciez ?


Miaou.


Les Futurs Mystères de Paris ont-ils encore de beaux jours devant eux ?


Y a des chances.


Une question indiscrète : pourquoi avez-vous quitté le Fleuve Noir avec armes et bagages ?


Parce que la publication du Chant du Cosmos m’avait permis de découvrir que les conditions de travail étaient nettement plus agréables chez l’Atalante. Et puis, bon, ça me gênait qu’une série vivement critique à l’égard des compagnies transnationales paraisse chez un éditeur appartenant à une future technotrans – laquelle, rappelons-le, défend la culture française en remplaçant les collections publiant des auteurs francophones par des traductions de novélisations de séries télé états-uniens.




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