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"Catastrophes"
Anthologie sous la direction de Michel Demuth

Editeur :
Omnibus/SF
 

"Catastrophes"
Anthologie sous la direction de Michel Demuth



10/10

Les éditions Presses de la cité poursuivent leur judicieuse série de compilations thématiques. Après " Les Mondes perdus ", " Atlantides " et " Nouvelles de siècles futurs ", voici qu’ils publient un gros recueil composé de cinq énormes romans.
" Catastrophes ", comme son nom l’indique, est une thématiques axée sur les fins du monde et les conséquences tant sociologiques, écologiques que climatiques qui en résultent inévitablement. La sf a cela de remarquable qu’elle sait se poser comme un miroir de nos futurs possibles, autant de chemins de traverses sur les occurrences de choix de société, d’urbanisation, de productivité, voir tout simplement ce géo-politique, et ces guerres dont on ne sait jamais si elles en sont les fruits illégitimes ou les inévitables conclusions, logiques au possibles.
Judicieux choix, il convient de le dire, que cette série de textes qui sont des classiques absolus du genre.

La fin du rêve, chef d’oeuvre absolu de feu Philipp Wylie, pourrait se résumer comme un puissant réquisitoire sur les séries de choix et options qui conduiront invariablement à une conflagration autant écologique que morale.Cela nous donnera en 2023 un monde où toutes les chaînes de causes et conséquences ont travaillé contre notre pugnace entêtement tant particulier que général à consommer, produire, sans jamais faire de concession à la nature qui nous a fait.
Ecrit il y a 35 ans, " La fin du rêve ", nous dresse le portrait de notre époque et nous montre jusqu’à quel point nous sommes des éléments de cette nature dont nous voulons nous passer, et combien nous allons payer cette belle prétention individualiste. Jamais moralisateur ni pro écolo, ce roman s’inscrit dans notre futur immédiat. Et que les événements de ces dernières années tendraient à conforter. Car même si l’auteur ne touche pas vraiment le vrai problème qui va sous peu nous dépasser, il a l’immense mérite de nous en relater la trame et le conatus faisant que tout est lié. La leçon de ce livre est une image double. Que nous soyons des particuliers ou un collectif, nous sommes des Icare qui finissent toujours par chuter par faute des ailes en papier que nous nous sommes collés pour prétendre, vaille que vaille, que nous allons nous envoler, et ainsi dépasser cette contingence insupportable......

Si Philipp Wylie demeure dans une responsabilité commune, John Christopher va s’intéresser au phénomène du " facteur étranger ". Un jour, une bactérie tombe sur terre. Après avoir décimé l’écosystème des sociétés humaine (agriculture, flore, etc..) elle anéantira la faune et donc toute la chaine alimentaire avec laquelle les hommes ont fondé leur société de consommation automatisée au possible.Fuyant les villes bientôt vite devenues des goulags où on meurt à petit feu, les hommes vont gagner les campagnes. Et par ce brusque retour à la nature il feront également retour à leur état antérieur de chasseurs-cueilleurs, avec toutes les conséquences tribales que cela implique. En fustigeant la fragilité que constituent nos valeurs trop dépendantes du modernisme et de la taylorisation des moyens de productions et de consommation, John Christopher met à jour la rapidité avec laquelle une société dite civilisée peut retourner à un état proche des barbares de jadis. Une sombre fête que ce récit sur l’inévitable catastrophe qui rappelle " Le jour des fous " d’Emond Cooper.

Le " Soleil vert " de Harry Harrison a été rendu célèbre par l’adaptation qui en a été faite où Chrlton Heston nous campe un policier découvrant que la vérité n’est pas ailleurs, mais ici, dans nos assiettes, si on peut dire. La population s’est multipliée alors que les ressources alimentaires se sont amenuisées, à un tel point qu’on en est arrivé à une société où un c’est un état policier qui domine sur des villes où chaque rue, chaque voie sans issue est habitée par des populations toujours plus affamées. Alors, tout comme l’âge de cristal ou THX 1138 on enlève et on séquestre, on tue, ou on élimine, mais pour manger. Quand le cannibalisme s’institutionnalise, cela ne peut donner que la dernière des Utopie, celle de l’ordre plus que tout, et l’absence de solution.Un avenir terrible, un destin qui dérange. Et pourtant, en voyant ce qui se passe dans certains pays d’Afrique ou il y a quelques années dans les balkans, tout porte à croire que nous sommes toujours en puissance des société en danger de signifier la monstruosité comme rite de survie, comme le tribut des dominants sur les perdants. Un récit âpre et terrible sur nos lendemains, qui évoque les avenirs concentrationnaires d’un certain Cyberpunk comme la faillibilité des dernières utopies, celles qu’on veut nous faire passer comme ultimes possibles pour l’hommes. Car pour éviter le déluge barbare, un récit comme " Soleil vert " nous en expose un autre, inscrit et institué, gravé dans les tablettes de la loi. Avec " Soleil vert ", la société s’effrite, les couleurs uniformes invitent au dernier univers concentrationnaire, celui où les hommes deviennent au sens propre des produits de consommation pour permettre la survie d’une infime partie de dominants, policés et protégés. Harrisson aurait-il fait comme Orwell, se serait-il institué comme un maître de la métaphore sur nos sociétés malades d’elles mêmes. C’est à un syndrome que veut nous mettre en présence ces auteurs, celui du contrôle médiatique, de la consommation, du libre arbitre et de la liberté, tout simplement...

Jadis paru sous le titre " Le navire des glaces " ce remarquable roman de Moorcock s’inscrit dans une veine nettement plus positive, optimiste. Un homme nommé Conrad Arflane fait naufrage décide de partir dans une quête, celle de la mythique York où se tiendrait le palais de la Glace-Mère. Partout se dit que le soleil reprend peu à peu ses droits et que c’est la glace qui va connaître son déclin. Partit dans une Odyssée au bout de ce monde blanc, Conrad ira jusqu’au bout de sa quête de ses nécessaires désillusions. Dans une verve qui rappelle celle de Stefan Wul dans son légendaire " Niourk ", Moorcock nous donne un incontestable chef d’oeuvre, tant par sa thématique brillante que le genre post-apocalyptique positiviste qu’il nous donne.

Génocides de Tomas Dich fonctionne lui sur un registre plus ancien, marchant quelque peu sur les plates bandes d’un récit comme " La guerre des mondes " de Wells. Répondant à un soucis de faire de notre planète une gigantesque jachère pour leurs cultures, des extraterrestres décident purement et simplement de nous exterminer comme nous le faisons des parasites qui nuisent à nos récoltes. Logique, imparable, ce récit s’accomplit selon une planification de masse qui nous ramène à notre vraie condition : la relativisation de notre espèce au regard de l’univers pour lequel nous ne pourrions n’être que des parasites.

Biographies limitées, certes, mais la vertu de ces recueils est avant tout de nous présenter des panoramas sur des thèmes centraux de la sf. On aurait aimé voir d’autres plumes comme Edmund Cooper et son " Jour des fous ", les " apocalypses météorologiques et poétiques " de Ballard, le positivisme du " Monde vert " de Brian Aldiss, ou les livres de Ward Moore. Mais peut-être qu’ils seront au menu d’un futur recueil qui pourrait très bien s’intituler " Apocalypses ". Ce recueil serait le bienvenu.....

Catastrophes, Omnibus/SF, Anthologie dirigée par Michel Demuth, 814 pages, 25.50 €.





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