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Sommaire - Interviews -  Octavia Butler


"Octavia Butler" de Par Alexandre Marcinkowski


Ils sont peu nombreux les écrivains de science-fiction noirs américains ayant connu le succès. Au côté de Samuel R. Delany, se place Octavia Butler. Octavia Estelle Butler est née le 22 juin 1947 à Pasadena (Californie). Elle est l’unique enfant des cinq accouchements de sa mère Laurice. Le malheur frappera encore à la porte des Butler avec le décès du père, cireur de chaussures, alors qu’Octavia avait quelques années. C’est dans une Amérique en proie à la ségrégation raciale que la jeune fille va grandir, bercée par les histoires que lui raconteront sa mère et sa grand-mère. Considérée comme une enfant farouche, rêveuse et dyslexique, Octavia connaît quelques difficultés d’adaptation pour mener à bien ses études. Ce qui ne l’empêchera pas d’obtenir en 1968 un diplôme de lettres, ni de suivre des cours à l’université de Los Angeles.


Bien qu’ayant un intérêt prononcé pour la science-fiction dès l’âge de 12 ans, Octavia Butler débute sa carrière d’écrivain en 1970 à la faveur des encouragements prodigués par le talentueux et provocateur Harlan Ellison, l’auteur de Dangereuses visions. Cela donnera, un an plus tard, Crossover publié dans Clarion. La nouvelle passera quasiment inaperçue dans le champ de la SF alors dominé par les écrits des ténors masculins de la New Wave et de leurs épigones américains. Toutefois, les effets de la New Wave permettront de voir émerger de manière durable, dans les années soixante-dix, de nouveaux auteurs prometteurs tels C.J. Cherryh, V. McIntyre, A. Sheldon (connue sous le pseudo de James Tiptree Jr) et bien sûr O.E. Butler aux côtés de U. Le Guin ou de M. Zimmer Bradley.


Il y a en germe dans Crossover les thèmes qui caractérisent les romans de Butler : les sciences naturelles, la génétique, une réflexion sur l’altérité et les rapports humains. Son premier roman, Patternmaster (1976), histoire d’un groupe de télépathes dirigé par un immortel voulant créer une race de surhommes, a été suivi de quatre autres romans : Mind of my Mind (1977), Survivor (1978), Wild Seed (1980), Clay’s Ark (1984). Seuls les trois premiers de la série ont été traduits en français. On lui doit aussi la trilogie Xenogenesis constituée de Dawn (1987), Adulthood Rites (1988) et Imago (1989), consacrée à l’arrivée d’extra-terrestres sur une Terre ravagée par un cataclysme nucléaire où quelques survivants sont en état d’animation suspendue. L’E.T. Onankali décide d’effectuer une sélection de gènes et choisit une jeune femme noire pour impulser une nouvelle société. Si les histoires post-apocalytiques sont un thème récurrent, et l’on pourra citer les écrits de R. Matheson, W. Miller, D. Brin ou R. Merle sur le sujet, Butler met l’accent avant tout, dans Xenogenesis, sur les problèmes relationnels et sociaux, les liens entre les E.T. et les hommes, plus que sur le côté écologique.


On pourra toujours s’indigner de ne point trouver le nom d’Octavia Butler, auteur reconnue outre-atlantique, figurer dans les “encyclopédies et dictionnaires” de langue française. Butler figure aux abonnés absents du récent Guide totem de la science-fiction de Lorris Murail. Elle n’est pas citée non plus dans le dictionnaire de la SF de J.-P. Andrevon, G. Barlow, D. Guiot, ni dans l’excellente Encyclopédie de poche de la SF de C. Aziza et J. Goimard. Seul Stan Barets lui a consacré quelques lignes dans le Science-fictionnaire où il remarquait avec justesse que Butler n’avait pas su trouver son public dans l’Hexagone. Récompensée à plusieurs reprises, entre autres par le Hugo, et le Nebula pour son court roman Bloodchild (1984), Octavia Butler a vu La Parabole des talents, traduit récemment Au Diable Vauvert, obtenir le prix Nebula (1999).


Vous êtes la première femme noire écrivain de SF, pourquoi avoir choisi ce genre littéraire ?



Je ne suis pas le premier auteur afro-américain de SF, Samuel R. Delany a écrit bien avant moi et il a également été mon professeur dans le cadre d’atelier d’écriture de SF et de Fantasy à Clarion. Mon choix de la SF et de la Fantasy est dicté par le fait que c’est un genre ouvert, grâce auquel je peux exprimer les nombreux thèmes qui m’intéressent.


Quel est, selon vous l’état actuel de la SF féminine américaine ?


Durant les années soixante-dix, il y a eu pas mal de SF féministe. Les femmes avaient été, depuis si longtemps, absentes du genre alors que nombre d’entre elles (et quelques hommes aussi) avaient leur mot à dire sur la situation. Je crois qu’il y a moins de SF féministe aujourd’hui. Les femmes écrivains et les héroïnes font simplement partie de ce qui est publié.


Parabole du semeur est un roman de dystopie où la protagoniste, Lauren, dans sa quête initiatique, s’engage dans une mission “évangélique”. La spiritualité et la religion peuvent-elles être une réponse au désenchantement du temps présent ?


Lauren n’est pas vraiment une missionnaire en quête de christianisation. Je crois que Lauren s’est forgé son propre système de valeurs qui est plus pratique que spirituel. Oui, je vois Lauren comme une héroïne pragmatique.


La religion joue un rôle important dans Parabole du semeur, est-ce le cas dans vos autres romans ?


Bien entendu ! Les croyances de Lauren sont aussi au cœur de La Parabole des Talents.


Le destin tragique de Lauren laisse-t-il entrevoir une part autobiographique ?


Non, cette histoire n’a rien d’autobiographique. Et j’espère qu’elle n’est pas non plus prémonitoire. Je crois que c’est un avertissement. Une mise en garde contre ce qui peut arriver si l’on ne se soucie pas des problèmes sociaux et environnementaux.


Depuis votre premier ouvrage en 1976, vous avez 14 livres à votre actif, dont certains récompensés. Comment expliquez-vous que le public français vous connaisse si peu ?


Je n’en suis pas à ma première expérience en France. En 1977, les Presses de la Cité ont publié mon premier livre, Patternmaster juste un an après sa publication aux États-Unis. Je crois que l’on vient simplement de me remarquer. Ce succès “soudain” a tout de même pris 20 ans à s’accomplir !


Pouvez-vous nous dire quelques mots sur Lilith’s Brood, votre dernier livre au titre quelque peu provocateur ?


Lilith Brood est une compilation de trois de mes romans, Dawn, Adulthood Rites et Imago. Le tout forme l’histoire d’extraterrestres qui essaient de rendre les humains à même de survivre à leur propre comportement autodestructeur. Ces aliens, généticiens de génie, examinent nos restes après une guerre terrible et découvrent que certains de nos traits génétiques pourraient leur être utiles. Mais ce ne sont pas des voleurs, alors ils nous proposent de faire des échanges de gènes, une idée qui ne nous sied pas vraiment.





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