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"Un Monde sans fin "
Sean Russell

Editeur :
L’Atalante
 

"Un Monde sans fin "
Sean Russell



9/10

Sean Russel a attiré l’attention du public avec la parution de La Guerre de cygnes aux Éditions Mnémos, en 2003. Depuis, L’Atalante a publié Le Frère initié, qui a décroché haut la main le prix Imaginiales 2005 du meilleur roman de fantasy et Le Berger des nuages. Ce même éditeur propose un nouveau roman d’aventures fantastiques en deux livres : Un Monde sans fin et Une mer sans rivage (prévu en 2006). Mais, apparemment l’ordre d’écriture est très différent de celui de la parution dans l’Hexagone. Ainsi, le présent livre, qui vient d’être traduit, a été édité dès 1994 aux USA, alors que le cycle : La Guerre des cygnes est paru dès 2001.

Sur une planète où l’eau est très présente, les mages ont fait place aux adeptes de l’empirisme, un courant scientifique basé sur un ouvrage référence : Du rôle de l’expérience dans l’étude de la physique, ou enquête méthodologique. Tristam Flattery, un jeune naturaliste, est convoqué au Palais royal, par Sir Roderick Palle, l’homme-lige du roi. Alors que celui-ci l’entraîne vers l’arboretum par des chemins discrets, ils rencontrent, comme par hasard, la duchesse de MorLand, la favorite du roi. Plus tard, Tristam apprend que la foliée royale, dont la culture n’est autorisée que dans les jardins royaux est en voie d’extinction car elle ne fait plus de graines femelles. Or, de cette plante, on tire un électuaire presque magique absolument indispensable à la santé ...et à la vie du roi. Il est là pour trouver une solution, car
il est un des seuls empiristes de Farreterre à connaître la flore d’Oceana, lieu lointain d’où vient la plante. Ses premières observations et expériences n’apportant rien, il décide de retourner vers son maître en botanique. À son arrivée, il apprend, par le doyen de l’université, la mort de son professeur. Avec la disparition de Dandish, il reste seul face à son problème. Peut-il faillir, alors que sa famille porte déjà un lourd fardeau ? De plus, il comprend vite qu’il est au cœur d’une intrigue mêlant la foliée, la duchesse, Palle et Dandish. Or ce dernier, étudiait la foliée, en grand secret, pour tenter d’en percer le mystère. Quel rôle jouait le savant ? Au-delà de la vie du roi, que cherchent les groupes de courtisans ?
Il ne reste d’autre solution que d’aller en Oceana chercher de nouvelles graines et de nouveaux plants. Tristam, poussé par Palle, fait partie de l’expédition. Mais il n’est pas au bout de ses surprises !

Sean Russell fait-il preuve d’une connaissance approfondie en botanique ou dispose-t-il d’une documentation de premier ordre ? Je pencherai pour la première hypothèse compte-tenu de la passion que l’on ressent lorsqu’il décrit des plantes, lorsqu’il entre dans le détail des processus de germination, de développement. Tout ce qui compose la nature (ce qui existe hors de la création de l’homme) semble cher à l’auteur. Il s’y attarde, lui donne une omniprésence et en fait un élément essentiel de son intrigue.
Roman de fantasy et d’aventures maritimes, l’action se déroule dans un climat similaire à celui que pouvait trouver les scientifiques, au XVIIIè siècle, lors de la période dite : Le siècle des Lumières. L’auteur relate fort bien l’esprit qui devait régner pendant cette période initiée par des écrits comme ceux de Descartes, de Spinoza, lorsque commencèrent à s’élaborer les bases et les méthodes scientifiques que nous connaissons.
Dans ce premier livre, Russell concentre son intrigue autour de l’arboretum de la cour, de la maison de Dandish et l’espace clôt d’un navire où il réunit tous les protagonistes du drame. La mise en place est progressive et laisse le temps au lecteur de s’imprégner de l’histoire. Il faut, cependant, attendre la page quatre-vingt-douze pour que cela commence à bouger, autrement qu’en discours.
Cependant, malgré le rythme lent des actions, celles-ci étant entrecoupées par de larges plages de dialogues, de descriptions et d’explications, la lecture en est attrayante et ne présente à aucun moment ennui ou lassitude. Est-ce le choix des personnages ? Ceux-ci sont bien structurés, car l’auteur se donne les moyens de se consacrer à leur construction psychologique. De plus, ils sont attachants et captent l’attention.
L’auteur, pour eux, aborde de façon prudente les liens amoureux. Mais il sait leur offrir des soupapes de sécurité où l’érotisme, savamment orchestré, génère un impact plus durable qu’un déferlement de scènes légères. Cela représente aussi, je le crois, l’esprit de cette époque, de ce que l’on a bien voulu nous transmettre à travers l’histoire officielle, telle qu’elle fût écrite pour magnifier une raison et une science l’emportant sur l’instinct et les pulsions brutales, sur des croyances irraisonnées et irrépressibles.
Signalons également la qualité de l’écriture et la volonté d’un niveau dans la recherche d’images. Ainsi on découvre à propos de Roderick, habitué à percer ce qui se cache derrière les propos de ses interlocuteurs : « ...l’homme assis en face de lui avait passé sa vie à tamiser les mots pour en extraire la vérité. »
Le tout est soutenu par une traduction qui paraît, au premier abord, très réussie, sans contre-sens apparent, ni vocables au sens bizarre dans le contexte de leur emploi.
Un bon ouvrage, pour une distraction assurée.

Serge Perraud

Un Monde sans fin, Sean Russell, L’Atalante coll. La Dentelle du cygne, septembre 2005, 576 pages, 23 €





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