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  Sommaire - Livres -  M - R -  La Falaise hantée
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"La Falaise hantée"
Dorothy Macardle

Editeur :
Terre de Brume
 

"La Falaise hantée"
Dorothy Macardle



9/10

Pamela vient de passer six ans à soigner un père malade et acariâtre. Son frère Roderick, journaliste et écrivain, sort d’une histoire d’amour malheureuse. Ils décident de s’éloigner de Londres pour commencer une nouvelle vie. Après bien des recherches, ils trouvent la maison de leurs rêves, au bord d’une falaise, en Cornouailles. Ils achètent Cliff End, sur un coup de foudre, malgré la mise en garde du vendeur : des locataires ont quitté précipitamment la demeure parce qu’ils entendaient des bruits. La sœur et le frère, intrépides, n’ont cure de cet avertissement. Ils aménagent dans la joie et la bonne humeur. La pendaison de la crémaillère est une réussite. C’est Pamela, la première, qui perçoit ...un soupir, ... une sorte de sanglots. Ils tentent de comprendre l’objet de cette présence et enquêtent sur les drames qui ont pu se jouer dans ces lieux.
Très vite, ils apprennent que la maison fut occupée par Mary, la fille du vendeur, son mari, un peintre et Carmel, le modèle et la maîtresse de ce dernier. Mary s’est tuée en tombant de la falaise. Carmel est morte de maladie huit jours après et le peintre est parti pour l’étranger, laissant sa fille Stella aux bons soins de son grand-père. Celle-ci voue une véritable adoration à sa mère, présentée comme une sainte. Alors, qui revient sur les lieux et pourquoi ?
Y-a-t-il une présence bénéfique qui apaise les terreurs de Stella lorsque celle-ci passe la nuit dans ce qui était sa chambre ? Quelle est la force maléfique qui jette la jeune fille au bord de la falaise, qui terrifie les occupants, leur ôtant forces, énergie et chaleur ? Pour simplifier la situation, Stella et Roderick se découvrent et s’aiment. Et la tension monte, car au fil des découvertes et des confidences arrachées au secret, les choses ne sont pas si simples, les portraits aussi clairs et limpides qu’on veut le faire croire.

Dorothy Macardle a déjà mené une existence tumultueuse lorsqu’à cinquante et un ans elle entame l’écriture de ce livre. Irlandaise, elle s’engage dans le mouvement pour l’indépendance de son pays et fut même emprisonnée plusieurs mois. Parallèlement à cet engagement politique actif, elle est l’auteur de pièces de théâtre, de livres prenant le parti de la cause irlandaise. La Falaise hantée, a été écrit en 1940-41, alors qu’elle a trouvé refuge chez son frère, acteur à Londres. L’implication dans ce projet lui permet, sans doute, d’oublier quelque peu « les frustrations permanentes de sa vie politique ».
Ce livre, lorsqu’il paraît, souffre de l’état de guerre où se trouve l’Angleterre et de la pénurie de papier. Des exemplaires seront d’ailleurs rapidement recyclés, ce qui fait que l’édition originale du livre est devenue vraiment confidentielle. C’est des USA que viendra le succès avec sa publication en 1942, par Doubleday et un changement de titre ; celui-ci passant de Uneasy Freehold (Propriété Inquiète) à The Uninvited (Sans invitation). L’adaptation au cinéma en 1944, conforte ce succès de librairie.
L’approche, dans l’histoire, de la notion de fantôme est sans équivoque. D’entrée de jeu, il est question d’ectoplasme. L’intrigue s’oriente alors vers la recherche du pourquoi, puis du comment. Et, dans ce registre, Dorothy a su construire, élaborer une progression extrêmement intéressante, installant, puis dosant une tension qui croît constamment et qui est fonction de « l’ampleur de la tâche » et de la fatigue des personnages. En effet, comment savoir et comprendre ce que veut cette présence ? Combien sont-elles pour avoir des manifestations si différentes ? Comment se débarrasser d’un fantôme ? Tout cela est bien pesant, surtout quand le sommeil manque et que l’idée de déménager vous révulse.
La Falaise hantée est aussi un roman sentimental qui joue sur les relations mère-fille, sur les liens entre frère et sœur, sur les difficultés de se construire quand les parents sont absents pendant l’enfance et l’adolescence et sur l’amour avec un grand A. Pamela sert, sans doute, de miroir à Dorothy, la destinant, comme elle, au célibat. Cependant, elle lui laisse une ouverture avec la promesse du retour, pour Noël, du bel avocat-écrivain. Ce sentimentalisme ne reflète-t-il pas l’état d’esprit de Dorothy, qui la cinquantaine venue, fait le bilan d’une existence où l’amour, semble-t-il, fut bien absent. L’auteur met beaucoup d’elle-même dans ce livre. Elle évoque par petites touches sa vie d’écrivain, et sa vie tout court, avec ses doutes, ses craintes.
Il n’empêche que c’est un des meilleurs livres sur les revenants qu’il m’ait été donné de lire, avec un traitement vigoureux de l’intrigue, l’art de faire croître le suspense avec des « petits riens », sans effets spéciaux ni fleuve de sang. Une réussite qui restera, hélas, unique dans ce genre pour l’auteur.

Serge Perraud

La Falaise hantée, Dorothy Macardle, Terre de Brume, collection Terres Fantastiques, janvier 2005, 362 pages, 19,75 €





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