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"La Ménopause des Fées"
Gudule

Editeur :
Bragelonne
 

"La Ménopause des Fées"
Gudule



10/10

« Songez que la misère est traître », chantait le grand poète qu’est Frédéric Mey. Merlin, le plus grand Nécroman de l’univers, en fait la triste expérience. Chassé de la cour d’Arthur, puis de sa forêt de Brocéliande, il se réfugie dans la station homonyme du métro parisien avec pour seule compagnie, celle de trois fées. Pendant qu’elles établissent leur domicile dans des poubelles, lui dort sur un banc, en compagnie d’un chien adopté répondant au nom d’Excalibur. C’est en trouvant la « carte orange » de Linda Graal qu’il voit un signe. En effet, pense-t-il : « Le Destin ne rassemble pas au même endroit Merlin, Brocéliande, Excalibur et le (enfin...la) Graal. ». C’est avec la naissance de « l’Élu » qu’il rétablira l’Ére de la Chevalerie et son faste d’antan. Cet Élu doit venir du ventre de Linda, fécondé par le vainqueur de la Quête : Perceval. Cependant, où trouver celui-ci ou son succédané dans un quartier délabré, promis aux démolisseurs ? Mais, peut-on arrêter Merlin quand celui-ci tente de nouer les fils qui permettront à son rêve de se réaliser ?

Nombre d’auteurs ont utilisé le concept selon lequel les entités ne vivent que nourries de la foi de leurs fidèles. Plus celle-ci est forte, plus les croyants sont nombreux, plus l’entité ou le dieu est fort. A contrario, si celle-ci ou ceux-ci se raréfient, l’objet du culte s’étiole et disparaît. Gudule utilise ce thème avec un effet populiste. Reprenant les événements fondateurs du Christianisme, (la naissance de l’Élu) elle l’applique au monde-référence de la Chevalerie et transpose le tout dans notre société moderne. Elle dispose alors de « matériaux » et de situations qu’elle utilise superbement, jouant sur l’humour et sur les décalages dans le temps, dans l’espace. Ceux-ci se répondent, se complètent pour rebondir sur de nouveaux effets comiques et anachroniques, allant parfois, jusqu’à « l’énaurme ».
Gudule reprend l’image d’un Merlin situé au-delà du bon vivant : un jouisseur ivrogne plus proche de celui campé par Arleston dans sa série BD que celui retenu par Walt Disney. Elle use d’un humour direct, tonique, reprenant par la bouche des fées, les jeux de mots les plus classiques et ne reculant devant aucune approximation.
Mais, sous des apparences de grosse gaudriole, elle continue de dénoncer les travers de notre société, ses injustices et ses erreurs. Elle nous offre des embrasements, des envolées « lyriques » sur les sujets les plus divers, de la psychologie du mâle à la structuration politique de notre société. Elle sait pointer du doigt les paradoxes de l’individu et mettre en exergue ses contradictions. Et là ! sous le couvert de l’humour, elle ne s’en prive pas ! Elle égratigne, elle écorche ! Par exemple : « D’où venait-elle ? » (Parlant d’une petite fille qui surgit dans le récit pour venir au secours d’Excalibur) « D’un de ces coins martyrs du globe dont le nom, ayant miroité le temps d’un audimat au firmament de l’info, était aussitôt retombé dans l’oubli. »
Ne nous attachons pas trop à l’intrigue pour suivre, plutôt, la douzaine de personnages et leur parcours dans l’histoire où l’amour reste malgré tout le maître mot : l’amour recherché par les personnages, même si celui-ci s’exprime d’abord par des besoins de contact physique et l’amour de l’auteur pour eux.

Avec La Ménopause des Fées, Gudule signe un roman magnifique. Avec les mots de la rue, le goût pour les situations décalées, l’art de faire passer les choses les plus crues comme naturelles, elle nous sert un morceau d’anthologie sur le société de ce XXIème siècle naissant.

Serge Perraud

La Ménopause des Fées, Gudule, Bragelonne, illustration de jean Solé, janvier 2005, 184 pages, 13 €





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