"Aldébaran L’Intégrale" de LEO

10/10

Si vous réalisez un micro-trottoir sur ce qu’Aldébaran représente, quelques personnes vous répondront qu’il s’agit d’une étoile de la Constellation du Taureau située à soixante-huit années de lumière de la Terre. Mais la plupart des personnes interrogées vous diront spontanément qu’il s’agit d’une série de BD. Quelques uns ajouteront sans doute que LEO en est l’auteur ! Est-ce ainsi que le succès infléchit le sens de l’appellation d’un objet ou d’un ensemble, lui fait prendre un tout autre concept et contribue ainsi à l’évolution de la langue ?
Aujourd’hui, Aldebaran reste synonyme d’un monde lointain certes, mais avec un vaste océan peuplé de créatures fantastiques encore inconnues et d’une population de descendants de pionniers, isolée de la Terre depuis presque un siècle. Celle-ci s’est bien adaptée à la configuration locale. Mais il reste tant à découvrir.
Les héros de cette Intégrale sont Kim, une adolescente de 13 ans quand débute l’histoire et Marc Sorensen, un jeune pêcheur de 17 ans. Ils vont vivre une quête déclenchée par l’arrivée d’une entité mystérieuse dont la dangerosité est annoncée par Driss, un étrange voyageur. Ils sont à l’extérieur du village quand la catastrophe le détruit, anéantissant toute vie. Ils partent sur une route semée d’embûches de toutes natures pour ces adolescents qui découvrent d’autres horizons que celui où ils ont toujours vécu. Ils font la connaissance d’Alexa Komarova et Driss, pourchassés par le pouvoir en place. Pou avoir aidé Alexa dans sa fuite, ils sont capturés et Marc emprisonné.
Qui sont ces rebelles ? D’où viennent-ils et quels buts poursuivent-ils ? Cette planète ne comporte-t-elle pas une trop grande part d’inconnu ? Que représente cette mythique Mantrisse ? Kim et Marc pourront-ils faire face aux dangers qui les menacent ?

L’histoire, se déroulant sur plusieurs années, permet à l’auteur de faire passer ses héros de l’adolescence à l’âge adulte, avec les étapes de cette mutation tant physique que psychique et psychologique. La trame du récit est constituée d’une fable tant écologiste qu’humaniste et d’une part de fantastique. L’auteur prend la défense de la nature et de la nécessité de lui conserver son originalité, de l’inconnu à aborder sans à priori, sans le considérer, de prime abord, comme un ennemi. Il développe un côté mystérieux avec une entité multiforme qui surgit brusquement. Le mystère se renforce avec ce couple étrange, à l’attitude surprenante et aux capacités de résistance peu communes. Il s’épaissit encore avec une photo les représentant dans une situation humainement impossible.
LEO maîtrise parfaitement son scénario mais aussi son développement graphique. Il réalise des décors, des planches de faune et de flore superbes. Les personnages sont d’emblée attachants, si identifiables, avec ce mélange de raideur et d’académisme qui leur confèrent cependant une grande beauté et un dynamisme qui ne se départit pas au fil des albums.
Aldébaran exalte l’esprit pionnier, l’esprit d’entreprendre et de la responsabilité individuelle. C’est aussi un message fort sur la capacité de l’humanité à s’adapter et de chaque individu à se surpasser. Il y a une part autobiographique dans ces différents personnages. Nul doute que l’auteur sait de quoi il parle quand il fait dire à l’un d’eux : « Si on ose et si on persévère, les bonnes choses finissent par arriver. »
Osez aborder Aldébaran, la lecture vous transportera ! En plus, cerise sur le gâteau, L’Intégrale vous offre une préface du grand Jean Giraud/Mœbius lui-même !

Serge Perraud

Aldébaran L’Intégrale, Scénario et dessin : LEO, Dargaud, décembre 2004, 244 pages, 33 €