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Sommaire - Interviews -  Comédiens de doublage : Matrix revolutions


"Comédiens de doublage : Matrix revolutions " de Laurent Girard


DOUBLAGE : MATRIX REVOLUTIONS Par Laurent Girard.

JEAN-PIERRE MICHAËL (www.jpmichael.com)
V.O. : Keanu Reeves (Neo)

Après avoir obtenu son Bac, Jean-Pierre Michaël a toujours cette envie d’être acteur ! Donc, il prend des cours privés de théâtre au Studio 34 en 1984. L’année suivante, il s’aventure dans la classe libre du Cours Florent pen-dant deux ans. Ensuite, il reste deux années au Conservatoire National et entre directement à la Comédie Fran-çaise en 1989 où il devient sociétaire dès 1995. A ce jour, Jean-Pierre Michaël a joué une quarantaine de pièces de théâtre dont « Nicomède » d’après Corneille (1988) jusqu’à « La jalousie » (2003) avec Michel Piccoli en pas-sant par de nombreuses œuvres de Molière : « Le Misanthrope » (1995). En août 2003, il a interprété un père dont l’enfant est atteint d’une maladie comparable à l’autisme dans un épisode de « L’instit ». Puis, en septembre 2003, il a débuté le tournage de « Clochemerle » en Tchécoslovaquie. C’est un unitaire pour France 3 d’après un roman de Gabriel Chevallier (publié en 1923) en endossant le rôle du capitaine d’infanterie de l’Armée Française et coureur de jupons. Grâce à sa voix agréable, il a bien sûr ‘habillé’ des publicités telles que les mémorables « L’Oréal », « Mennen » ou encore « Minidoux ». Il a très peu participé au cinéma en tant qu’acteur, il est surtout très prolifique vocalement dans une multitude de films depuis « La Mutante » en 1995. Jean-Pierre Michaël a doublé entre autres Matthew Broderick « Godzilla » (1998), Brad Pitt « Snatch » (2000), Rhys Ifans « Human Nature » (2001), Ben Affleck « Daredevil » (2003), Jack Davenport « Pirates des Caraïbes » (2003) et Karl Urban dans les deux derniers épisodes du « Seigneur des anneaux » (2002/2003).

Grâce au fan-site, j’ai pu me souvenir d’Ethan Hawke dans « Bienvenue à Gattaca » (1997) !
J’adore ce film ! Au moment du doublage, il y avait une magie et une atmosphère qui se dégageaient. C’était extrêmement plaisant parce qu’il n’y avait pas d’effets spéciaux mirobolants, le film reposait uniquement sur les non-dits et des pensées en voix-off.

Quatre ans après l’homme naturel dans une société génétique, vous avez contribué à faire parler en lan-gue française, un androïde dans « I.A » !
C’était assez agréable parce que l’acteur Jude Law avait adopté une voix typiquement chantée et un peu mécanique. Malgré l’apparence humaine, on pouvait penser que c’était une machine malgré tout. On a essayé de reproduire le plus possible sa manière de parler sans vraiment copier le côté robotique.

Le parcours de Keanu Reeves vous a amené vers la trilogie « Matrix » (1999-2003) !
Dans « L’avocat du diable » (1997) ou « Intuitions » (2000), je pouvais savoir ce qui se passait à l’écran, mais avec « Matrix », les scènes n’avaient pas encore les effets spéciaux ! C’était assez bizarre, personne ne compre-nait l’histoire et on ne pouvait pas imaginer le produit fini ! Sur les deux épisodes suivants, c’était pire ! Comme le distributeur ne voulait pas éventer tout le processus artistique, on s’est retrouvé devant un écran noir avec un volet qui s’ouvre et se referme dès que notre personnage parle. Du coup, il fallait imaginer l’identité de la per-sonne d’en face. D’ailleurs, on a reçu une copie du film avec un montage et des dialogues différents presque dix jours avant la sortie du film. De toute manière, j’apprécie moins « Matrix Reloaded » (2003), je trouve le montage trop déséquilibré. Il y a beaucoup de démonstrations techniques magnifiques, mais le fond de l’histoire, qui faisait la force du premier, est passé à la trappe. J’avais adoré le premier parce que Néo vivait dans le monde qu’on connaît, et en même temps, il était à cheval sur les deux. Ce qui était vraiment intéressant, c’était son incarnation à travers la Matrice pour essayer de modifier les choses.

THIERRY DESROSES (www.thierrydesroses.com)
V.O. : Harry Lennix (Commandant Lock)

A 43 ans, Thierry Desroses n’a pas fini d’explorer la palette d’expression du comédien ! De sa première vocation de danseur en évoluant dans la comédie musicale à 21 ans, il monte sur les planches dans le spectacle musical « La valise en carton » (1986) avec Linda De Suza et Jean-Pierre Cassel. Après avoir suivi les cours de comédie à l’Ecole Arelem pendant deux ans, il arpente « Le pont des soupirs » d’après Offenbach (1986) comme acteur, danseur et chanteur. Des années plus tard, on a pu le voir aussi en médecin acuponcteur dans le film « Antilles sur Seine » (2000) ; en ancien gladiateur et garde du corps de Caligula dans la pièce de théâtre « La folie au pouvoir » (mars 2003) ; en Lieutenant Porret dans « P.J. » (1998-2003) où il tourne actuellement les derniers épisodes de la série. Il a décidé d’arrêter de jouer ce personnage récurrent pour explorer autre chose... Juste-ment, il a co-écrit des sketches et mis en scène le One Woman Show de Naho Da Piedade « Le monde selon Madame Adjobi » (2002) et du One Man Show de Fabrice Eboué (2002). Depuis un an, il est membre d’honneur pour l’association ‘Aide et Action’.

De « Pulp Fiction » (1994) à « S.W.A.T. » (2003), vous avez toujours suivi Samuel L. Jackson sauf sur les deux épisodes de « Star Wars » (1999 et 2002), parlez-moi de cette première expérience ?
C’était un joli cadeau de la vie avec la découverte d’un acteur sublime sur « Pulp Fiction » ! J’adore Samuel L. Jackson qui me correspond le mieux. Comme je l’ai rencontré dans la vie, il apprécie mon travail. Je m’inspire beaucoup de l’énergie des personnages à l’écran, car le but n’est pas d’imiter la voix de l’acteur. Sur « Star Wars », ma voix ne correspondait pas à ce qu’attendait la production, mais j’ai contribué à l’aventure de cette saga par l’intermédiaire de mon interprétation vocale sur le vice-roi Rune Haako et quelques créatures de ce peuple.

Et votre excellent travail sur Wesley Snipes dans les deux « Blade » (1998 et 2002) où vous descendez davantage votre voix dans les graves ?
Je l’ai doublé à partir du film « Extravagances » (1996) et j’ai beaucoup souffert ! Je ne le connaissais pas et je trouvais que ma voix était trop lourde car il jouait un travesti en allégeant naturellement sa voix. Il parlait dans le médium, et en plus, Wesley Snipes est plutôt dans le baryton léger alors que je suis dans le baryton basse. Enfin, c’était un mode d’expression différent et c’était un agréable exercice. J’ai travaillé plus facilement sur « Blade », son personnage est un guerrier mi-humain mi-vampire, alors il a adopté une voix super grave. Je n’avais pas besoin de chercher mes graves puisqu’elles étaient là ! (rires)

Pourquoi avez-vous remplacé Emmanuel Jacomy sur Forest Whitaker dans « Phone Game » (2003) ?
C’est très simple, le distributeur européen voulait un acteur noir sur un acteur noir, alors j’ai doublé Forest Witha-ker (pour la deuxième fois) avec l’accord de Jacomy ! J’étais fébrile et je n’étais pas certain de le remplir ! Aussi, j’ai doublé Eriq La Salle (le Dr Benton dans « Urgences » 1994-2001) ; Martin Laurence « Bad Boys » (1994), « Le chevalier Black » (2002), ou encore Cuba Gooding Jr « Jerry Maguire » (1996).

PASCAL RENWICK
V.O. : Laurence Fishburne (Morpheus)

L’apprentissage artistique de Pascal Renwick s’est déroulé au Cours Simon de 1976 à 1978. Son énorme chagrin est l’échec répété au concours du Conservatoire de Paris. Heureusement, l’année 1984 a été décisive : sa propre pièce « Qui a tué Betty Grant » a été diffusée sur TF1 en première partie de programme. Grâce à ce succès, il a tourné le film policier « Liste noire » d’Alain Bonnot, le court métrage « Mon inconnue » de Philippe Harel. Et surtout, on peut l’apercevoir dans des œuvres engagées comme « Lumière Noire (1994) d’après le roman de Didier Daeninckx sur un scénario et une mise en scène de l’acteur-cinéaste Med Hondo (connu pour être la voix française d’Eddie Murphy). Pascal renwick incarne vocalement « Terminator » avec les fameuses phrases cultes en version française. Le doublage de Schwarzenegger s’est poursuivi seulement dans « Running man » (1987), il a prêté sa voix uniquement à Al Pacino dans « Dick Tracy » (1990), Alan Rickman dans « Piège de cristal » (1988) et « Robin des bois, princes des voleurs » (1991), César, le colonel canin dans le dessin animé « La Belle et le Clochard » (version redoublée), Ron Perlman dans la série « La Belle et la Bête » (1987-1990), la voix-off dans la série du serial killer cauchemardesque d’Elm Street « Freddy » (1988-1990).
Est-ce la première fois qu’on entend votre timbre particulier sur Laurence Fishburne ?
Non, je l’ai doublé dans « Tina » (1992), on me le fait suivre régulièrement jusqu’à cette année dans « Biker Boys ». « Matrix » a un scénario d’une intelligence extrême, il faut entrer dans le style. J’ai une texture très fatigante à travailler comme sur Nounours dans la nouvelle version de « Bonne nuits les petits » (1995).

Justement, comment se sont déroulées les séances de doublage ?
Sur « Matrix reloaded », il y a eu quatre semaines de doublage. Avec le directeur artistique Michel Derain, on a eu un vrai travail de composition avec des disputes ‘gentilles’. Parfois, je mettais trois heures sur une réplique, on trouvait que ça ne collait pas dans l’interprétation originale de Fishburne. On prend une pause en essayant de comprendre le problème, on revient devant la barre et hop, on se dit que c’est le plus approchant !

Vous avez rencontré Vincent Grass [voir encadré] dans « Baloche » (1996) ?
On a fortement sympathisé pendant les trois semaines de tournage. Ce téléfilm m’a permis de renouer avec la musique et j’ai racheté le matériel que j’avais à ma disposition. Depuis sept ans, je possède toujours ces instruments et j’ai joué deux concerts en Normandie lors du premier week-end de septembre.

MICHEL DERAIN (Directeur artistique et comédien)

Quel est votre parcours initiatique ?
Rien ne me destinait à devenir comédien ! C’était un désir qui s’était imposé à moi, un besoin de m’exprimer et de vivre intensément des situations différentes. J’ai pris les cours Raymond Girard, puis à l’Ecole de la rue Blanche avec les professeurs Teddy Bilis, Berthe Bovy. Ce qui a débouché sur le théâtre avec les grands classiques : Racine, Corneille, Molière...

Dans le numéro spécial de LucasFilm Magazine, le casting V.F. des 5 épisodes de « Star Wars » a été publié, et j’ai noté que vous avez doublé un personnage différent dans chaque opus, sauf dans le second "L’attaque des clones" ! Où débutent le doublage et la direction ?
Sur la pièce « La Souricière », d’Agatha Christie, j’ai rencontré Lita Recio (voix d’Endora dans « La sorcière bien-aimée ») qui doublait les plus grandes stars féminines. Elle m’a présenté, dans l’une des sociétés de doublage, et j’ai débuté sur de nombreuses ambiances, avant d’aborder les petits rôles jusqu’aux plus importants. Par exem-ple : Tom Berenger dans la mini série « C’était demain » (1986) où il était voleur de diamants et le personnage de Gambit (Gareh Hunt) dans « Chapeau melon et bottes de cuir » (1976). Je suis venu à la direction, parce que Béatrice Delfe (voix de Kate Capshaw dans « Indiana Jones et le temple maudit ») m’a convaincu que je pouvais assumer ce poste ! Grâce à elle, j’ai commencé par la série « Haine et passions » dans les années 80 puis des téléfilms et des 35 mm (jargon pour dire ‘long métrage cinéma’). Pour donner des exemples de films SF : « Final Fantasy, les créatures de l’esprit » (2001), « Terminator 3 » (2003) et « Underworld » (2003).

Etant donné que vous êtes dans le métier depuis une trentaine d’années, constatez-vous une meilleure reconnaissance pour le doublage ?
Pas vraiment ! Vous le savez autant que moi : c’est toujours aussi décrié à tort ! Il y a de très mauvais doublages sur des produits faits trop vite par manque de temps et d’argent, mais il y en a de très bons, notamment sur les 35 mm qui disposent d’un plus gros budget, donc de plus de temps ; d’où une meilleure qualité. Mais trop de gens, principalement du métier, sous-estiment, voire méprisent toujours le doublage. Il y a des pièces de théâtre et des films qui sont ne sont pas terribles, ce n’est pas pour çà qu’on dit que le théâtre ou le cinéma sont mauvais !

Casting voix françaises de « Matrix Revolutions » :
Jean-Pierre Michaël (Neo), Danièle Douet (Trinity), Pascal Renwick (Morpheus), Vincent Grass (L’Agent Smith), Jacqueline Cohen (L’Oracle), Annie Milon (Niobe), Daniel Lobé (Link)...

Note :

Avis de Vincent Grass pour « Baloche » :
« C’est un de mes souvenirs de tournage de télévision, on était une bande de copains qui venait du doublage. Il y avait aussi Michel Vigné [voix de Sauron « Le seigneur des anneaux », ndlr] et le musicien Alain Ranval (alias Ramon Pipin de l’ancien groupe ‘Au bonheur des dames’). Donc, on était l’orchestre de Baloche et on a vraiment rigolé ! »
Dans le mois prochain, la suite de l’entretien avec Vincent Grass qui a doublé Hugo Weaving dans « Priscilla, folle du désert » et bien sûr « Matrix », les personnages Gimli « Le seigneur des anneaux », le docteur Jumba « Lilo & Stitch » (film et série TV), le baron Vladimir Harkonnen « Les enfants de Dune »...




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