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  Sommaire - Livres -  S - Z -  Les berserkers : vol.1
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"Les berserkers : vol.1"
Fred Saberhagen

Editeur :
L’Atalante (27 novembre 2001)
 

"Les berserkers : vol.1"
Fred Saberhagen



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Pour le science-fictiologue Stan Barets, Fred Thomas Saberhagen est devenu synonyme de Berserkers. Cette renommée a quelque peu occulté ses autres publications tournées vers la fantasy, le fantastique gothique ou l’uchronie. Ce space-opéra, constitué de nouvelles écrites dans les années 60-70, reste l’œuvre la plus connue de l’auteur.


Tel Homère narrant la 10e année de guerre entre les Achéens et les Troyens, Saberhagen a choisi de débuter Les Machines de mort en plein conflit avec une bataille dans la nébuleuse dite de l’Essaim de Pierres où la flotte, sous le commandement de Johann Karlsen, défit l’armada berserker. Machines de guerre, machines dévoreuses d’hommes, les berserkers sont voués exclusivement à la destruction de la malevie. Ces Moloch mécaniques sacrifient la Vie pour mieux la comprendre, en cerner les faiblesses et ainsi la vaincre. Traqué par l’ennemi, Karlsen est devenu une légende vivante parmi les hommes depuis sa disparition dans une hypermasse avec à ses trousses un astronef berserker. Saberhagen a su créer un univers confiné et angoissant, sombre mais poignant, où des héros mettent en déroute l’intelligence artificielle par le questionnement philosophique.


Sur la planète Sirgol, une tête de pont berserker est parvenue à s’établir 21 000 ans dans le passé pour massacrer l’embryon de population. Le Commandement des Opérations du Temps envoie Derron Odegard et une vingtaine de fantassins en armure de combat contrer l’assaut des machines et empêcher la modification du futur. La mission du COT sera de protéger à n’importe quel prix certains hommes dont dépendra l’avenir de Sirgol. Frère assassin est peut-être le plus insolite des quatre livres. Bien qu’il se dégage une lointaine ressemblance avec le Terminator du réalisateur James Cameron, Fred Saberhagen revisite l’histoire de saint François d’Assise et du loup de Gubbio, introduit l’expérience du pendule de Léon Foucault, s’amuse du débat théologique sur la géocentralité de la planète.


C’est sur la planète du Chasseur que l’équipage de l’Orion choisit d’atterrir pour pratiquer l’art cynégétique. Mais la planète est sous le contrôle d’un berserker qui manipule les prêtres du Cercle intérieur, et eux-mêmes le peuple au nom du dieu Thorun. L’Orion tombe aux mains des zélateurs de Thorun. La Planète du berserker égrène, dans un chapelet de violence, une succession interminable de morts qui ne parviendront jamais à épuiser la Vie, maladie fondamentalement humaine.


Le Sourire du berserker clôt l’épais volume par un titre paradoxal. Rien n’est plus étranger à des robots que l’activation des zygomatiques ! Si l’on sent parfois un manque de cohérence dans les nouvelles, certaines retiendront particulièrement l’attention : “Que voulez-vous que je fasse pour prouver que je suis humain stop” ; “Sous le radiant du temple” ou encore “Le musicien de l’Enfer” faisant de Ordell Callison le nouvel Orphée charmant un berserker !


Le lecteur restera sur sa faim car on n’apprend rien de la genèse des berserkers ni de leurs constructeurs. Les machines-assassins existent depuis toujours et semblent survivre au temps. L’intérêt des quatre livres se situe ailleurs. Qu’est-ce que l’Homme, à la brève existence, pour un berserker dont la mission prioritaire reste la stérilisation de la vie ? Cette œuvre puissante, aux nouvelles sèches et disparates avec des thématiques variées, révèle en fait une fable humaniste au-delà d’un récit au scalpel. On est loin des berserkirs scandinaves de l’Ynglingasaga de Snorri Sturluson [littéralement “à enveloppe (serkr) d’ours (ber)”], ces confréries guerrières déguisées en animal, afin de s’approprier la puissance et la férocité de la bête, qui constituaient les troupes d’élite du roi. Mais en reprenant un vocable significatif de la poésie scalde, F. Saberhagen s’empare du thème de l’ennemi implacable pour en faire le mal absolu incarné par la machine meurtrière. Cette mécanique tueuse, Stanley Kubrick l’avait symbolisé à l’écran par le computer HAL 9 000 dans 2001, l’Odyssée de l’espace (1968). Et il est notable de constater qu’au moment même, ou peu sans faut, où Saberhagen publiait sa nouvelle dans Galaxy, le fascicule allemand n° 128 de Perry Rhodan (Mörder aus dem Hyperraum) annonçait la lutte sans merci entre les nefs robots des Bioposis, chargées d’anéantir toute vie organique, et les Terriens !


Au-delà du duel entre le logico-déductif froid de la machine face à l’imagination et l’émotion humaine, d’un manichéisme classique, Saberhagen s’interrogeait sur la place grandissante de l’automation et du développement de la robotique comme de la cybernétique, ceux-ci pouvant rendre obsolète le travail humain, et traduisait ainsi les craintes de la société américaine face au progrès. Les prédictions peuvent parfois se révéler dangereuses, mais on peut affirmer sans risque de se tromper que Les Berserkers sont bel et bien un classique.


Les Berserkers, vol. 1 : Les Machines de mort ; Frère assassin ; La Planète du berserker ; Le Sourire du berserker, Fred Saberhagen, L’Atalante. Traduction : B. Martin, P. Billon, M. Demuth et Alii. 869 p.


A. Marcinkowski






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