Mango - Autres mondes
7/10

Quel peut être l’avenir économique d’un port et des populations qui y vivent quand la mer s’est retirée ? ... et qu’elle ne revient pas ! Cela fait deux ans que l’eau a disparu. Une expédition est bien partie à la recherche d’une explication, d’une solution. Mais, elle a fait comme l’eau ! Pip et Viv sont jumeaux. Le premier « grimpe » dans les airs à l’aide de cerfs-volants, le second est sondeur. Mais aucun ne trouve d’eau. Aventureux, ils veulent en avoir le cœur net. Pour convaincre O’Norton, amateur de livres et capitaine aveugle du Tapinoir, un voilier sur roues, Pip dérobe trois ouvrages dans la bibliothèque municipale. Mais cela ne suffit pas pour que celui-ci se lance dans l’aventure ! Alors, ils jouent leur voyage aux dés ...pipés. Commence, pour les jumeaux, un voyage initiatique sur une terre désolée où les dangers ne manquent pas : faunes agressives, pirates... Pourront-ils trouver la cause de cette disparition et faire revenir l’eau ?

Sur une idée intéressante et qui témoigne de l’intérêt de Rodolphe pour une actualité, oh combien ! pressante et stressante, l’auteur construit un récit d’apprentissage joliment tourné. On y trouve la fougue de la jeunesse, l’émotion de l’âge mûr qui se laisse tenter par une ultime aventure, le goût des livres et le plaisir de la lecture, la rencontre avec d’autres systèmes et types de vie... Mais l’auteur ne se contente pas de compiler aventures et avatars. Il fait part de certaines de ses idées, et dans ce domaine, il s’éloigne quelque peu des règles de la littérature pour la jeunesse. Alors que traditionnellement vieillesse rime avec sagesse et savoir, il n’hésite pas à mettre dans la bouche de Pip : « Les sages n’en savent pas plus que les autres. » Une belle formule qui rejoint ce mouvement naissant, dans notre société, pour une dénonciation des experts autoproclamés, des scientifiques de pacotille et autres penseurs creux. « Chacun doit trouver sa voie par lui-même » pourrait être une des morales du livre.
L’auteur, pour ses dialogues, utilise un vocabulaire au « bon goût » d’ancien français, qui donne un charme particulier au récit.

C’est une histoire passionnante par les acteurs, depuis le capitaine O’Norton et son perroquet qui lui fait la lecture et le guide pour mener le bateau, jusqu’à Grogan le naufragé, en passant par les fiancées Serpentine et Mirouë. La poésie et l’action se conjuguent pour faire de Sprague un roman à découvrir pour une successions d’idées et de péripéties. Cependant, on peut regretter le traitement trop rapide, voire superficiel de ces dernières et des interrogations qui restent sans réponse satisfaisante.

Serge Perraud

Sprague, Rodolphe, couverture Munch, Mango, collection Autres mondes, octobre 2004, 216 pages, 9 €