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Sommaire - Interviews -  Alain Paris


"Alain Paris" de Par Jean-Pierre Fontana


Alain Paris est sans aucun doute un auteur à part dans le petit monde de la science-fiction française. Bien que lecteur de science-fiction depuis l’âge de 16/17 ans, sa carrière d’écrivain commence par des romans de guerre, se poursuit dans le thriller, passe par la science-fiction et la fantasy pour aborder plus récemment le roman historique, et j’en passe. Et Alain Paris n’a sans doute pas encore fini de nous surprendre. Entretien.


Dans le petit monde de la S.F., à l’instar d’un Pierre Pelot par exemple, tu es l’un des rares auteurs à avoir abordé plusieurs genres. En effet, bien qu’amateur de science-fiction depuis ton adolescence, ton premier roman a été un récit de guerre.


J’avais découvert la science-fiction en 1963 ou 64, en achetant le n° 97 de la revue " Fiction " dans un camping. Devenu accro, j’ai continué de lire cette revue, j’ai acheté des " Rayon Fantastique " chez les bouquinistes, j’ai lu des fanzines (dont le mythique " Mercury "), et j’ai écrit des nouvelles pour " Lunatique ", " Nyarlathotep " et autres publications amateurs de l’époque. Mais mon premier roman a été un roman de guerre Le Commando des Salopards (Belfond, 1980) tout simplement parce qu’en lisant l’histoire du Procès de Nuremberg, j’avais trouvé la matière d’une idée originale : le " SS British Corps ". J’ai songé qu’il serait intéressant de développer cette idée dans un roman (et j’avais raison puisque dès le début, l’éditeur Pierre Belfond a tablé sur une traduction sur le marché anglo-saxon - " Teeth of the Wolf ", chez Holt, Rinehart & Winston / USA, et chez Sidgwick & Jackson / GB).


A ce moment-là, quelles étaient tes références en matière de science-fiction ?


Je lisais beaucoup les grands classiques : Théodore Sturgeon, Alfred Bester, Cordwainer Smith, Brian Aldiss, ainsi que les novateurs qu’étaient Harlan Ellison ou Roger Zelazny. Côté français, j’aimais bien (et j’aime toujours) Jean-Pierre Andrevon, Daniel Walther, mais aussi Nathalie Henneberg, Claude Cheinisse, Michel Demuth...


Et tes lectures en dehors de la S.F. ?


Alexandre Dumas, les romanciers populaires comme Michel Zévaco ou Gustave Aimard, . Gustave Flaubert aussi avec " Salammbô "...


Reprenons le survol chronologique. Tu enchaînes ensuite avec un autre roman de la même veine.


Pas tout de suite. En 1983, j’ai écrit Chasseur d’Ombres, un roman d’heroïc-fantasy destiné à une collection (Le Cycle des Chimères) dirigée par Bruno Lecigne. Et vingt années plus tard, par le plus grand des hasards, j’ai retrouvé Bruno pour lequel j’entame une nouvelle carrière, celle de scénariste de bande dessinée ! Mais il est vrai que mon deuxième roman de guerre Le Complot Schellenberg (Belfond, 1984) a été publié juste après.


Parallèlement, Tu écrivais des nouvelles dans le quotidien " La Montagne " notamment. Ces courts récits se rapprochaient-ils davantage de cette science-fiction que le romancier que tu étais n’osait peut-être pas aborder ?


Effectivement, c’était ma grande période d’écriture de nouvelles pour le journal " La Montagne ". La plupart ont été souvent rééditées par la suite (ainsi Meurtre par Alrune qui avait obtenu le Prix Fréquence Noire de France Culture).


C’est à peu près à cette époque que tu me rencontres... pour la deuxième fois.


Nous nous étions rencontrés une première fois chez toi, à l’époque où tu éditais Mercury - j’étais encore au lycée à cette époque - . Nous nous sommes retrouvés à l’occasion d’une émission de télévision régionale où nous présentions chacun l’un de nos bouquins.


Ce qui m’amène, inévitablement, à la question suivante : qu’est-ce qui nous a conduits à une relativement longue collaboration ?


Auparavant, je dois dire que c’est toujours une bonne chose de rencontrer un autre auteur : on parle le même langage, on échange des " recettes ", on discute boutique (maisons d’édition). Pour ce qui nous concerne, nous avons eu envie de tenter une collaboration, et nous avons écrit neuf romans ensemble.


Comment se passait l’écriture de ces romans à quatre mains ?


A cette époque, il n’y avait pas Internet et toutes les facilités actuelles pour collaborer, mais on se débrouillait assez bien. Si j’ai bonne mémoire, on se rencontrait chez l’un ou chez l’autre pour mettre au point le scénario. Je m’occupais principalement de rédiger les scènes d’action et tu développais les décors, l’un rajoutant et étoffant le travail de l’autre. Mais comme je le disais, techniquement parlant, ce n’était pas toujours très facile ! Il fallait beaucoup user des ciseaux et de la colle.


A quel moment se situe la rédaction et la publication des deux thrillers publiés chez Albin Michel, dans la célèbre collection aux jaquettes blanches ?


J’ai publié Impact en 1985 et Opération Gomorrhe en 1986. Plus tard, j’ai proposé au même éditeur le manuscrit de mon roman Achéron, mais il a été refusé. Ce roman est finalement sorti aux Editions de l’Aurore puis au Fleuve Noir dans une version légèrement raccourcie..


Je passe sur la suite de romans que nous avons écrits ensemble, depuis Les Bannières de Persh jusqu’au cinquième tome du Cycle de la Lune Rouge intitulé Le désert des Cendres.


Ta fringale d’écriture va bientôt te conduire à l’écriture solo au Fleuve Noir. Quel est le premier de ces romans ?


Le premier roman de science-fiction solo que j’ai donné au Fleuve Noir a été La Marque des Antarcidès, premier de la trilogie des Chroniques d’Antarcie... et ce cycle de fantasy rejoint mon actualité... puisque je travaille actuellement sur un projet de BD adapté de ce cycle.


Divorcée de Geoffrey Edwards, Alain Paris a épousée Kenneth Sylk en 1995 avec lequel elle a eu un fils, August, en juin 1998.


Je remarque que ton inspiration puise énormément dans l’Histoire. Qu’en est-il pour ce qui concerne ce que l’on peut considérer comme ton œuvre maîtresse dans la défunte collection Anticipation ? Je veux parler bien sûr de ton Cycle de la Terre Creuse ?


Mon Cycle de la Terre Creuse est devenu une sorte de bouquin-culte pour pas mal de lecteurs, à tel point que je continue de recevoir des courriers à son sujet. Il devait être réédité. Cela ne se fera pas, du moins dans l’immédiat, mais je garde toujours bon espoir...


Peux-tu nous résumer ce cycle et nous parler de ses retombées en matière de jeux de rôles ?


Il s’agit d’un univers où les nazis ont remporté la deuxième guerre mondiale. Uchronie classique, donc, mais écrite de manière très réaliste. Peu après la publication des 4 premiers volumes (le cycle en compte 10) Le Monde de la Terre Creuse est devenu un jeu de rôles. Malheureusement, la cheville ouvrière du jeu était, n’ayons pas peur des mots, un escroc. Dans ces conditions, le jeu n’a pas vraiment décollé, mais il a fait une petite carrière.


Toi-même, as-tu pratiqué le jeu de rôles ?


Pas du tout. Mais je trouvais amusant que des gens soient capables de s’identifier à des personnages nés de mon imagination. En revanche, j’ai longtemps pratiqué - et je pratique encore un peu à l’occasion - le jeu d’histoire avec figurines, époques antique, médiévale et Renaissance. Mes trois fils (30, 16 et 13 ans) sont des passionnés du jeu Warhammer (figurines fantastiques), et pour ne pas être en reste, je me suis offert une armée d’Orcs et de Gobelins.


Puisque nous avons incidemment abordé le domaine de tes loisirs, quels sont-ils en dehors des jeux dont tu viens de nous parler ?


Mon principal loisir reste l’écriture sous toutes ses formes : articles, scénarii, romans, nouvelles, etc.


Tu es marié. Tu viens de nous dire que tu avais trois fils. Est-ce là toute ta famille ?


J’ai également une fille âgée de 27 ans, deux petites filles et un petit fils. Et tant que nous y sommes, pour compléter mon état civil, j’aurai 56 ans aux prunes et je vis dans une maison tranquille dans un quartier non moins tranquille d’une tranquille petite commune au sud de Clermont-Ferrand. Je regrette souvent que la maison ne soit pas plus grande avec un peu plus de terrain autour, mais hormis ce détail, je m’y trouve bien.


A quelle date et avec quel titre s’achève ta présence dans la susdite collection Anticipation, et pourquoi cet arrêt qui va t’éloigner de nombreuses années de cette littérature ?


Mon dernier roman publié au Fleuve Noir a été Awacs en 1993. Ensuite, j’ai tout laissé tomber pour me consacrer à l’écriture d’un roman historique, La Dame de Palerme (L’Archipel, 1998). Et j’ai continué dans le créneau " historique " avec Le Dernier Rêve de Soliman et Moi, Sémiramis, reine de Babylone. Ces romans ont été publiés en 1998, 1999 et 2001. Sans pulvériser les records de vente, ils ont fait des carrières honorables, et surtout, la documentation rassemblée pour les écrire continue à me servir dans mes activités présentes. Par exemple, l’an dernier, j’ai travaillé sur un roman pour la jeunesse dont l’action se situe justement à Babylone. Je n’ai pas encore trouvé d’éditeur pour ce récit dont le héros se nomme " Nabu le Scribe ", mais je ne désespère pas. Et j’ai de quoi écrire encore deux autres aventures de ce personnage.


Et que fais-tu présentement ?


Depuis le début de cette année, je me consacre au scénario de bandes dessinées, une activité qui me passionne... et ma documentation historique trouve, là encore, toute son utilité.


Ecrire des scénarios, c’est tout à fait nouveau pour toi ?


C’est un domaine que je ne connaissais absolument pas. Mais j’ai eu la chance de bénéficier des conseils de deux amis : le premier, Bruno Lecigne, est directeur littéraire d’une maison d’édition mythique, Les Humanoïdes Associés, et l’autre, François Miville-Deschênes, est un dessinateur canadien de la belle province du Québec (je pense qu’on ne tardera pas à parler de lui dans les années à venir car il a un talent fou), et grâce à eux, j’ai découvert un merveilleux moyen d’expression... Je n’en dis pas plus pour le moment, mais écrire pour Les Humanoïdes Associés, c’est faire un rêve éveillé, et cela incite à donner le meilleur de soi-même... Alors, rendez-vous d’ici quelques mois pour juger des résultats.


Et ta collaboration à SF Mag ?


J’écris des articles pour SF Mag afin de garder le contact avec la science-fiction. Je n’ai rien publié dans le genre depuis maintenant 10 ans. J’espère cependant voir un jour rééditer Le Monde de la Terre Creuse - avis aux éditeurs ! -, et je travaille sur un scénario de science-fiction : une histoire courte destinée au magazine Métal Hurlant (autre nom légendaire dans l’univers de la BD).


Tes projets ?


Mes projets sont liés aux albums BD que je prépare pour les Humanoïdes, à l’édition de mon roman pour la jeunesse et de ses suites possibles), et à la réédition de la Terre Creuse. J’ajoute que si je trouve un dessinateur disposé à tenter l’aventure de l’adaptation de la Terre Creuse en BD, ou bien l’adaptation du cycle de " Pangée ", ou celle de " La Dame de Palerme ", trois projets pour lesquels je n’ai pas encore d’éditeur, je suis partant.


Nous n’avons pas parlé de tes lectures actuelles.


Mes goûts sont restés les mêmes que par le passé. Mais je lis essentiellement des documents qui me servent pour un projet d’écriture ou un autre. Je ne lis pratiquement plus de romans. Le dernier que j’ai lu dans le domaine des littératures de l’imaginaire est Le Pas de Merlin de Jean-Louis Fetjaine dont j’attends la suite avec impatience.


Et le cinéma ?


Je ne peux plus voir les films sanglants ou grossiers. J’ai atteint le seuil de saturation avec les programmes télé, sans doute. Alors, je me constitue une petite vidéothèque de DVD choisis (Kubrick, Coppola...). Mes films cultes ? Les sept Samouraïs, de Kurosawa, Orange Mécanique et 2001, de Kubrick, Platoon, d’Oliver Stone, Apocalypse Now et la trilogie du Parrain, de Coppola.


Je ne vais pas t’importuner davantage et je te laisse retourner à tes travaux. A bientôt mon cher Alain, et bon vent !


Propos recueillis au Cendre le 23 juin 2001.




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