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"L’Ange du Chaos"
Michel Robert

Editeur :
Mnémos
 

"L’Ange du Chaos"
Michel Robert



L’Ange du Chaos
Michel Robert
Mnemos
10/10

Il y a quelques années de cela, les éditions Bragelonne nous avaient régalé d’un très bon "One Shot" sous la férule de Fabrice Colin. "Vengeance" était alors apparu comme un excellent texte d’une fantasy guerrière fort boudée à sa sortie, des chroniqueurs crétins et calibrés pour cette fonction lui reprochant probablement le fait qu’il ne soit pas assez en phase avec le genre dominant de la High Fantasy et ses mièvres pérégrinations.
Mnemos fait de même à son tour, avec ce morceau de choix rehaussé d’une couverture de Julien Delval des plus extraordinaires, probablement la plus belle du moment, surpassant même les artistes américains. Après avoir affûté sa plume, et de fort belle manière d’ailleurs, sur la trilogie de la Malerune, Michel Robert a voulu faire une Fantasy guerrière influencée par Moorcock et centrée sur la même thématique de la vengeance.

Cellendhyll est un guerrier qui servait autrefois les forces de la lumière mais qu’une ignoble trahison l’accusant d’un meurtre relèguent définitivement aux forces des ténèbres et du chaos. Léprin, l’ambassadeur des ténèbres, convie Elvanthyell d’Eodh, archimage du chaos, à une bien étrange rencontre. En des plans cachés ils décident d’un commun accord entre leurs forces et fomentent un complot visant les forces de la lumière. C’est Cellendhyll qui se verra chargé d’éliminer un haut dirigeant de la Lumière. Dans un monde rompu au magique et au guerrier, violence et sexualité outrée, le guerrier suivra donc une double quête : exécuter le contrat et accomplir sa propre vengeance sur ces sois-disants représentants de la lumière qui ont trahis sa confiance et son amitié dix ans auparavant. La Cité des nuages, lieu de toutes les rencontres, topos de la vengeance sera le théâtre de cette lutte ultime entre les forces du mal et ce pôle de la Lumière qui se fourvoya jadis et trahit son plus fidèle serviteur..........

Premier roman de Michel Robert, L’Ange du Chaos est une belle mise en scène de ces quêtes de vengeance, où le tragique le dispute à une certaine ironie. Nous suivons les pérégrinations du guerrier et de sa vindicte avec une certaine délectation. Les intrigues politiques et combines sont très crédibles, preuves d’une certaines maîtrise de la dramaturgie, d’une connaissance du politique très bien "métaphorisée" (encore un barbarisme, chose inévitable pour drainer le contenu, l’entre deux de la fantasy ouvert à l’interprétatif) par le contexte fantasy. La prose de Michel Robert se veut ondoyante, rompant avec les règles des paragraphes figés (certains se succèdent immédiatement dans l’action, le second enchaînant immédiatement sur la fin du premier, ce qui re-dynamise l’action) , et la cinétique des scènes de combat est parfaitement relayée par un système de magie complexe qui rappelle certaines conceptions métaphysiques du monde d’Elric par Moorcock (les trois ordres que sont les seigneurs gris, les sorciers de l’ordre et ceux du chaos) mais pervertis, sans véritable balance cosmique. Il semblerait finalement que ce soit Le Chaos, ordre décrit avec beaucoup de nuance par l’auteur, qui soit le véritable arbitre. Agent à la variabilité large, il ne répond qu’à des tactiques aux équilibres jamais définis, instance sombre aux visées plus que mystérieuses.

Quand au personnage de Cellendhyll, il est un Faust débarrassé du Pathos chrétien de la faute pour nous imposer un personnage quelque part entre Elric et le Drizz de Salvatore, entier et total. Un personnage de conviction qui fera allégeance jusqu’au bout aux forces du chaos et se vengera de ceux qui l’ont trahis avec toute la ferveur d’un croyant. Les thèmes de l’engagement, de la conviction, de la fidélité, du choix et des prix à en payer sont magnifiquement mis en scène et constituent l’architectonique secrète de cette aventure débridée, vengeresse et sauvage, où finalement nul ne gagne, si ce n’est les noirs desseins du mal absolu qui ne sert que lui-même et sous-tend le monde dans les structures mêmes qui le font monde. Cela nuance quelque peu les manichéisme classiques en fantasy où on s’arrange facilement d’un méchant élu comme tel, et nous montre que même ce qui peu s’afficher comme le Bien peu se révéler comme trompeur, égoïste et personnel au final. Dès lors, tout est nuancé, mais avec le risque que cela implique. Ce roman nous présente une vision très sombre et éclatée d’un univers dont nul ne sort vraiment indemne. On ne peut qu’espérer une suite un jour, tant l’exercice est accompli avec passion et cette nécessité d’être plus original que les "tolkineries" pleines de bons sentiments un peu lassantes. Un beau retour aux trames des récits des années 80 et une certaine fraîcheur de style. Les systèmes de magie sont complexes à souhait sans être lassant, et les intrigues politiques sont des plus jouissives pour une histoire à des kilomètres des conventions classiques sur le bien et le mal, bref une gigantesque partie d’échec dont on ne sait plus finalement qui cela sert, si ce n’est ce Chaos soucieux de connaître les plans dans les plans et d’établir peu à peu le noir de son engeance.

L’Ange du Chaos, Michel Robert, couverture de Julien Delval (la plus belle du moment) , Editions Mnémos 347 pages, 19 €.





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