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Apollon l’enseignant arrive à l’âge de la retraite lorsque les Martiens envahissent la Terre. Préoccupé par le versement de sa pension, les infidélités de sa fille Artémis et son eczéma, il est le témoin des subtiles mutations qui suivent la nuit du 1er juin, cette nuit où il fut réveillé par “un grondement puissant” et de sinistres “taches rouges dansant sur les murs” de sa chambre. Si la rumeur va bon train, les habitants de la petite ville d’Apollon, isolés dans une cruelle carence d’information, ne peuvent que constater les changements qu’on leur impose : de nouvelles semences pour les cultures céréalières, les champs qui prennent une étrange couleur bleue, des prélèvements de suc gastrique sur la population, des voitures sans roues ni portes ni fenêtres qui traversent la ville... Une seule certitude, il se passe bien quelque chose dans le pays.


Si l’on en croit Yvon Allard, “Les frères Strougatski (...) ont écrit ensemble les principales œuvres de la science-fiction russe”. Le linguiste (Boris, 1933-1992) et l’astronome (Arkadi, 1925-1991) sont en effet des monuments de littérature mondiale de science fiction. En nous offrant cette nouvelle traduction de La Seconde Invasion des Martiens dans sa collection Domaine Russe, l’Esprit des Péninsules nous gâte. Le livre est un bel objet, lisse et aux dimensions agréables, et le contenu un régal de fiction réaliste et politique qui, malgré son âge, nous parle de problèmes diablement contemporains.


Sur le modèle de La Guerre des Mondes du père fondateur H.G.Wells (la première invasion ?), La Seconde Invasion des Martiens nous est rapportée par le journal intime d’un témoin, Apollon, pour qui les événements ne prennent sens qu’à travers ses propres soucis. Égoïstes, couards et volontairement aveugles devant la tragédie, Apollon et ses amis, à force de raisonnements tordus et de mauvaise foi, finiront-ils par livrer la planète aux envahisseurs ? La transformation de l’homme en “usine à suc gastrique” n’est pas sans rappeler les dangers qui menacent l’humain au XXIe siècle : la dégradation de son environnement, l’exploitation de populations entières pour le seul profit de quelques-uns, la fuite systématique de la réalité, le refus de la responsabilité personnelle, etc.


Écrit il y a presque quarante ans, ce petit roman n’a pas pris une ride. Une excellente occasion de redécouvrir que la littérature de science-fiction et aussi une manière d’interroger l’homme, son présent, son futur, et ses paradoxes.


La Seconde Invasion des Martiens, Arkadi et Boris Strougatski, L’Esprit des Péninsules, trad. du Russe par Paul Lequesne, 144 p.


Barbara Morse