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  Sommaire - Dossiers -  Le Labyrinthe : histoire - symbole - culture -  LE LABYRINTHE SYMBOLIQUE

"LE LABYRINTHE SYMBOLIQUE"

Nathalie Rebatet

Le labyrinthe est insaisissable. Son aura fascinante repose sur le flou symbolique qui l’entoure. Figure originelle, géométrique, sacrée ou magique, il est d’abord la représentation d’une philosophie humaine. Les civilisations le manipulent comme une incarnation de leurs conceptions du monde et de la vie. Un sens profond se cache peut-être à l’intérieur de l’homme.

Avant d’être une fantaisie architecturale, le labyrinthe est un puissant symbole. Son existence matérielle ne constitue qu’une partie de son histoire. Son pouvoir d’évocation remonte à l’origine des temps. Il est le gage de son omniprésence et de son immortalité culturelle. Des parois rocheuses aux murs des monuments crétois, il apparaît comme une estampille divine. L’étymologie nous livre déjà quelques pistes pour tenter de résoudre cette énigme. Labyrinthe ou « laborintrus » comporte la racine latine « labor » qui signifie travail dans le sens d’effort. Plusieurs mots découlent de ce terme. « Labrum » peut se traduire comme « le sillon ouvert » par le « labrus » qui est le nom donné à une hache à double tranchant. Cette arme servait à séparer les antagonismes que sont le Bien et le Mal, le haut et le bas, le profane et le spirituel. Le labyrinthe s’apparente à une frontière invisible. Il s’agit d’un champ de bataille où des forces contraires luttent pour imposer leur souveraineté à la surface du monde. Pour mieux appréhender le mystère du labyrinthe, il faut comprendre que son voyage dans le temps l’a rendu polysémique. Les civilisations se le sont appropriées et l’ont chargé d’un symbolisme représentatif de leur époque et de leur philosophie. Le labyrinthe souterrain de Crète est un élément à part entière de la naissance de l’homme. Sa forme délibérée d’utérus accueillait les cultes consacrés à la Terre, la Déesse mère, fécondée par une entité extraterrestre indifféremment baptisée Zeus et Dieu. Trois enfants possédant les trois qualités originelles de l’homme naquirent de l’union. Le labyrinthe est la matrice où l’homme fut conçu et vit le jour. Il se forma physiquement et spirituellement dans le ventre maternel avant de s’épanouir au soleil. Pour les Hopis, peuple amérindien, le labyrinthe ou « tāpu’at » est un symbole ancien et fort. De forme carrée ou circulaire, il figure « la mère et l’enfant » et représente la renaissance spirituelle en tant que concept fondamental de leur pensée religieuse. Aujourd’hui, il décore fréquemment les productions artisanales de ce peuple. Le labyrinthe-utérus de l’antiquité grecque est remplacé par le labyrinthe-cerveau et aérien au Moyen-Âge. Le dédale concrétise l’essence de la vie selon le précepte ecclésiastique. La forme circulaire est inspirée du cheminement spirituel vers Dieu. Une pensée dissidente relie les méandres labyrinthiques aux égarements existentiels. Elle postule que la voie du Christ et de la Vierge est l’unique voie du Salut.

Oecuménisme

Le pèlerinage dans le labyrinthe s’effectue en trois temps. La Purgation survient pendant l’accession au Centre. Le fidèle se détache des futilités de l’existence pour se focaliser sur ses émotions et ses pensées. Son esprit apaisé détermine l’Illumination qui intervient au Centre. Apogée de l’expérience mystique, elle se manifeste par des prières. L’Union consiste à sortir du labyrinthe en étant réuni avec Dieu. L’assimilation du dédale à une allégorie religieuse ne l’enferme pas dans une confession particulière. Le labyrinthe décloisonne les spiritualités et accompagne une modernisation de l’Eglise. Il ressuscite un espoir œcuménique en donnant un point commun aux religions. Le mandala du bouddhisme décline le labyrinthe sur une multitude de supports. La franc-maçonnerie privilégie l’image de la recherche du centre individuel. Les différentes formes de labyrinthe modifie son sens. La voie unique sur les pavements des cathédrales n’égare pas le voyageur mais le conduit. Reflet d’un monde chrétien et totalitaire, elle invite à lui faire confiance et fait de l’homme la réflexion exclusive de l’homme. Elle est la voie à suivre. Le labyrinthe où l’on se perd est une épreuve fondatrice. Le voyageur est formé par son errance et ses choix d’orientation. Il est une école de la liberté. Dans la tradition kabbalistique reprise par les alchimistes, le labyrinthe remplit une fonction magique. Il serait l’un des secrets attribués à Salomon et est défini comme le « travail entier de l’Oeuvre ». Le parcourir signifie affronter les innombrables détours intérieurs de ses émotions et apprivoiser son intuition pure. Le Centre du labyrinthe reste mystérieux et s’enrichit des aspirations propres à chacun. Léonard de Vinci le saisit comme la combinaison de la spirale et de la tresse qui exprime l’infini. La géométrie labyrinthique est sacrée et renvoie à des nombres irrationnels et symboliques. La division de l’édifice en quatre secteurs suggère par exemple les croix chrétiennes ou druidiques. Elle rappelle aussi les quatre saisons, les quatre éléments et les quatre points cardinaux. Sur le plateau du jeu de l’Oie, le labyrinthe est une représentation miniature de la vie et des règles qui la régissent. Une partie revêt une dimension pédagogique. Le labyrinthe s’insinue dans le quotidien et l’inconscient individuel. Il refait parfois surface à l’occasion d’un rêve et est généralement interprété comme l’annonce d’une révélation. Il est vraisemblable que le dédale n’ait pas fini de se livrer. Son sens caché est peut-être enfoui dans l’homme. La solution se trouve alors dans une aventure intérieure à condition d’accepter de se perdre.

Nathalie Rebatet


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