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Sommaire - Interviews -  Ron Perlman Acteur dans Hellboy


"Ron Perlman Acteur dans Hellboy" de Marc Sessego


Interview Ron Perlman
HELLBOY

Beaucoup d’entre vous connaissent et se rappellent de Ron Perlman pour son personnage de Vincent dans "la Belle et la Bête" ou pour l’un de ses différents rôles dont le récent dernier épisode de la saga "Alien" : “Résur-rection“ et "Blade II". Comédien accompli à l’immense talent déjà confirmé, il est également doté d’un incroyable sens de l’humour. Il est un de ces ra-res acteurs à avoir tourné aux quatre coins de la planète avec des metteurs en scène et des projets aussi diversifiés les uns que les autres. il nous fait ici partager toute l’aventure qu’a constitué "HELLBOY" le film de son ami Guillermo Del Toro et la chance qu’a été pour lui l’obtention de ce rôle qu‘il n’aurait jamais, au grand jamais, pensé obtenir.

MS : Comment cela s’est il passé pour “Hellboy” ?

RP : Tout acteur aurait été fou de ne pas accepter de collaborer avec Guillermo Del To-ro : c’est l’un des metteurs en scène les plus importants de cette planète ! !... Il y avait également Rick Baker au maquillage : sa renommée n’est même plus à faire... On peut dire qu’ils ont vraiment donné “vie “ à l’univers incroyablement unique et original qu’est celui de Mike Mignolia. je suis l’acteur le plus chanceux du monde, alors s’il vous plaît n’ayez pas pitié de moi pour le maquillage

MS : Connaissiez vous déjà le personnage "d’Hellboy“ quand Guillermo vous a offert le rôle ?

RP : Guillermo avait eu un entretien avec Mike Magnolia, et après l’avoir vu il m’a aussi-tôt, appelé..... cela fait six ans et demi maintenant ! ! il l’a attaché à un lit pour le forcer à écouter toute son histoire ! ! (Il éclate de rire...) et il a réussi à en obtenir les droits...
Il m’a emmené dîner et m’a dit : “Voilà, je viens d’acquérir les droits de ma bande dessi-née favorite et si nous vivions dans un monde parfait je te dirais : je veux que tu joues le rôle principal !" mais comme nous ne vivons pas dans un monde parfait dînons sim-plement et changeons de sujet." j‘ai rencontré “Hellboy” ce même soir... Apres le dîner il m‘a emmené dans un magasin de bandes dessinées sur Sunset Boulevard appelé “Meltdown“ ...il y avait là cette statue superbe représentant “Hellboy” c’est à ce moment précis je l’ai effacé de ma mémoire çar je ne voulais pas tomber amoureux d’une fille avec laquelle je ne pourrais jamais me marier. Voilà ! C’est comme ça que j’ai fait connaissance de ce "bon petit diable" ! Apres cela, vous le savez maintenant, il a fallu 6 années d’entêtement à Guillermo pour monter et faire le film, trouver un studio qui ait assez confiance en ses çapacités de metteur en scène pour lui laisser les rênes et qu’il puisse faire exactement le film dont il avait rêvé. Il a trouvé cette personne en Joe Roth à Révolutions Studios. Le projet a obtenu le feu vert, et j’ai été approuvé.

MS : Aviez vous confiance en ses çapacités ?

RP : Je suis tombé amoureux de son travail en 1992 avec "Chronos" et j’ai fait un truc pour lui que je n’ai jamais fait pour personne d’autre : Lorsque je suis rentré aux Etats Unis et que Guillermo est arrivé pour faire la post production sur ce film, j’ai invité tous les gens que je connaissais... Je voulais les présenter à quelqu’un au talent extraordi-naire qui, j’en étais persuadé continuerait de faire des films incroyables. Cette soirée a été un peu le premier contact de Guillermo avec le "Hollywood business". Personnelle-ment, j’ai vu tout de suite les immenses çapacités qu’il avait. Mais ce que je n’avais en-core jamais vu de toute ma vie c’est une personne çapable de sacrifier le film auquel il n’a pas cessé de rêver parce qu’on lui refusait que je joue le rôle principal. A plus de 20 reprises, Guillermo en a refusé le démarrage ! Il ne voulait pas faire son film si je ne pouvais en avoir le rôle titre ! Guillermo et Hollywood sont deux entités complètement différentes mais il a réussi à obtenir ce que je n’aurais jamais pensé ou même imaginé faisable. j’ai été vraiment surpris et touché par son geste et croyez moi je ne pensais pas pouvoir être encore surpris.

MS : Avez lu toutes les bandes dessinées ?

RP : Oui, Celle que je préfère est “Seed of destruction” elle est épique et combine en-semble tellement d’éléments fantastiques. Elle prend ses marques par rapport à beau-coup d’autres bandes dessinées..

MS : Pensiez-vous qu’il allait réussir ?

RP : Vous savez dès le départ je m’étais résigné à ne pas avoir le rôle, mais en tant qu’ami et premier amériçain avec lequel il avait travaillé je lui avais dit : “ Écoute Guil-lermo, ton projet est un projet trop génial pour qu’il ne se fasse pas et tu ne vas certai-nement pas arriver à m’imposer, ici ça ne marche pas comme ça, alors Fais ton p***** de film avec The Rock, Vin Diesel, ou qui que ce soit d’autre qu’ils choisissent !" Il m’a répondu : ”Tu as raison” ! (il rit) Il m’a menti effrontément.....

MS : Psychologiquement, comment vous sentiez-vous quand vous aviez le ma-quillage d’Hellboy ?

RP : Cette transformation est les résultat d’artistes absolument incroyables, ces gars ont fait un boulot de dingue ! Vous savez le plus fou quand on regarde le film, c’est que le maquillage n’a pas de démarcation... on ne dirait même pas un maquillage : on se de-mande comment tout rentre ensemble. J’ai déjà porté maquillages et costumes, que ce soit pour “La guerre du feu” ou encore “La Belle et la bête”..... le maquillage n’a pas vraiment changé il a juste été considérablement perfectionné par des gars tels que Rick Baker ou Dick Smith.

MS : Quelle est votre opinion concernant les adaptations de bandes dessinées par le cinéma ?

RP : Actuellement, le véritable problème réside dans le fait que les films soient si chers à faire qu’il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les bandes dessinées sont une super base pour des films : elles ont toutes leur origine et chacune a son propre monde. Elles se transposent tellement bien à l’écran.... Chacun possède sa dose d’imagination, et elles donnent toutes d’une manière plus un moins importante un sentiment d’espoir..., de vie... ! C’est pourquoi il y a un nombre invariable de gens qui ressentent la même chose de par le monde. La Vérité est la Vérité que vous la cherchiez en Europe, en Asie ou aux USA.

MS : Quels sont vos héros de référence ?

RP : Mon tout premier c’est “Superman“ avec Christopher Reeve et aussi la série télévi-sée. Musicalement ?. Frank Sinatra, il était aussi le favori de mon père, Je l’entendais plus souvent dans la maison que n’importe qui d’autre. Il y a aussi l’écrivain John Stein-beck avec "des souris et des hommes" et Burt Lançaster est mon acteur préféré.

MS : Travailler avec Guillermo, comment est-ce ?

RP : Il y a quelque chose de fascinant avec les mexicains. Déjà, à l’origine, Guillermo est un être tout à fait à part... De plus, leur culture est spéciale, ils ne pensent et ne voient pas la mort sérieusement : pourquoi donc, dans ce cas, prendrait-il la vie sérieu-sement ! il y a également chez eux une grande noblesse - même dans la pauvreté ainsi qu’une incroyable joie de vivre qu’ils soient pauvres ou non.

MS : Pourquoi vous offre-t-on tant de rôles à maquillages ?

RP : Ca... (il rit et lève les bras au ciel) il faut que vous le demandiez à chaque produc-teur.

MS : Avez-vous toujours voulu être acteur ou quel a été le déclenchement de vo-tre carrière ?
RP : Au début des années 70, je vivais dans un appartement pourri de Greenwich vil-lage infesté par les blattes et rien ne semblait fonctionner comme il le fallait. Ce soir là j’avais des billets pour voir la pièce “Sweet bird of youth” avec Christopher Walken, et sa co-star a donne une interprétation tellement géante qu’après le théâtre je n’ai pas pu parler pendant 2 heures ! Quand j’ai enfin pu parler, la première chose que j’ai dit à mon meilleur ami, qui m’accompagnait ce soir là c’est : “Si je pouvais faire à quelqu’un ce que cette personne vient de me faire”...... c’est de là que tout est parti !

MS : Comment avez-vous approché le film et son personnage sachant que Guil-lermo l’avait écrit spécialement pour vous ?

RP : La seule direction que j’ai eue de Guillermo était de ne rien faire. "Sois toi-même !", m’a-t-il dit. C’est vous dire la confiance qu’il avait en moi et la liberté qu‘il m‘a donnée ! Aucun metteur en scène ne l’avait jamais fait. Au départ, j’ai été quelque peu troublé puis vous vous apercevez que vous vous posez toujours 10 fois trop de ques-tions. En fait, il fallait que je joue Hellboy sans me poser trop de questions et c’est ce que j’ai fait.

MS : Votre metteur en scène le plus proche ?

RP : Il n’y a personne à qui je ne fasse plus confiance qu’à Guillermo Del Toro. C’est assez incroyable de savoir que vous pouvez en tant qu’acteur non seulement faire ce que vous pensez être le mieux pour le personnage mais qu’également vous pouvez pousser vous-même vos propres limites... Il vous dira toujours à la fin ce qu’il a vraiment pensé de votre jeu. Les goûts visuels et critiques de Guillermo ont un côté très pur, et cela se voit tellement que vous lui faites confiance absolument sans condition.

MS : Est-ce que le costume et le maquillage ont changé beaucoup de choses lorsque vous jouiez ?

RP : Absolument, je ne pouvais être "Hellboy" qu’une fois arrivé sur le plateau grimé et costumé de la tête aux pieds.... Tout changeait à ce moment : la manière dont je bou-geais, la manière dont le marchais, comment je parlais et même le caractère et l’humeur du personnage.
Vous ne pouvez pas être "Hellboy" sans en avoir son physique !

MS : Comment vous prépariez vous pour jouer une scène ?

RP : Vous savez, pour jouer, il ne faut justement pas jouer, sinon vous allez vous plan-ter ! Vous voyez immédiatement quel acteur joue et lequel ne joue pas. Il faut être vrai : vrai envers vous-même et vrai envers votre personnage. Cela se voit immédiatement lorsqu’un acteur est ou n’est pas le personnage...
Lors d’un tournage il y a énormément de tension et trop de choses à voir comme des repères par exemple. Vous pouvez réciter vos lignes mais ne serez pas le personnage si vous n’avez pas bien fait "vos devoirs" et ne vous êtes pas "immergé" dans votre rôle auparavant. j’entends par là bien étudier et comprendre le personnage, vous devez avoir bien en tête qui il est, comment il vit et effacer - pendant que vous tournez - tout ce qui ce qui se passe autour, même si l’équipe qui vous entoure est très nombreuse : Vous êtes LUI !! Il faut pouvoir faire passer l’émotion mais également la faire passer à votre ou vos autres partenaires, c’est fondamental.
Le plus fascinant c’est que Guillermo avait comme cousu un canevas à l’avance et qu’il savait ce que je pouvais apporter au personnage. (Il rit) Juste un petit secret je pense que Guillermo aurait voulu lui-même jouer Hellboy et quelque part il jouait Hellboy avec moi et il lui était toujours très facile d’expliquer ce qu’il voyait.

MS : Que pensez-vous du final au niveau maquillage ?

RP : Je crois que le vrai mot est hallucinant, absolument hallucinant. Je ne peux même plus compter le nombre de fois où je me suis vu sur écran ou sur moniteur pendant le tournage et même moi j’avais du mal à y croire. J’avoue que j’admire complètement ces maquillages, c’est tellement incroyable à regarder et c’est aussi fascinant... Vous savez il y a une règle qu’il ne faut pas oublier : Vous devez jouer le personnage, pas le maquil-lage : c’est un point que beaucoup de gens ont tendance à oublier. Si vous jouez et sen-tez le personnage, le maquillage parlera de lui-même et c’est ce sentiment que vous éprouvez quand vous travaillez avec quelqu’un du calibre de Rick Baker et de Matt Rose qui est le gars qui a sculpté le maquillage et qui l’a mis sur mon visage.

MS : Et comment était ce de porter ce maquillage ?

RP : Comme la sensation d’avoir constamment de la flotte qui coule entre votre peau et ce qui y est attaché !

MS : Qu’avez-vous pensé en jouant un démon humain que tout le monde aime ?

RP : Guillermo est tombé amoureux de ce personnage dès le départ et il m’a fait parta-ger son sentiment. Quand on nous présente "Hellboy", au tout début du film, on s’aper-çoit qu’il est très spécial.... Croyez-moi, il vaut la peine que l’on passe deux heures avec lui sur grand écran... Si vous, en tant que spectateur, vous avez la même optique je suis très fier et honoré que vous l’ayez apprécié, aimé comme nous qui avons adoré mettre son petit monde en images.

MS : Ron, juste pour nos lecteurs, parlez-nous encore un peu de ce "démon au cœur tendre"...

RP : Vous savez ce qu’est Hellboy, ce qu’il représente, les forces qui l’entourent... Tout cela, ainsi que la manière dont cela devait transparaître à l’écran étaient très clairs dans mon esprit. Il est paresseux, il boit de la bière, au niveau romantique il a 14 ans, et il est charmant dans un sens... J’en suis très fier car beaucoup de gens finissent par l’aimer au bout de quelques minutes a l’écran, ce n’est pas son apparence physique qui compte c’est tout ce qu’il dégage. Moi, j’ai juste essayé d’être cette personnalité pendant le temps du tournage et, comme je vous l’ai, dit le cœur d’Hellboy est sublime.

MS : Quelles furent les ajustements les plus difficiles ?

RP : Oh, il n’y en a pas eu tellement, contrairement à ce que vous pouvez penser ! L’or-dinateur a simplement été un ajout mais tout était déjà présent... ça n’a jamais été des images de remplacement, et ce n’est pas non plus comme si j’avais fait “Roger Rabbit”, où j’aurais dû jouer avec une entité totalement imaginaire - je ne veux même pas penser à l’enfer que cela a dû être pour l’acteur Bob Hoskins - Heureusement pour moi, ça n’a jamais été mon dilemme sur Hellboy, j’ai eu généralement quelque chose avec ou de-vant moi pour jouer. La seule exception c’est ma séquence avec la créature à tentacu-les... De toutes les façons ça n’a pas été très compliqué.

MS : Avez-vous ajouté des touches personnelles à certaines scènes ?

RP : 95% de ce que vous voyez et de ce que je dis étaient écrits. mais il y a quand même quelques lignes de dialogue que j’ai rajoutées pendant que la caméra tour-nait..

MS : Vous rappelez-vous lesquelles ?

RP : Sans que nous dévoilions trop du fil pour vos lecteurs, quand l’agent “Clay” (Corey Johnson) parle de sa coupe de cheveux, “Ca ne fait pas faux ça fait vrai n’est ce pas ?”, "Je pense que je vais faire la même chose”, et quand l’agent Myers (Rupert Evans) me jette la ceinture à munitions et que je lui dis : “Eh, je n’ai aucun cadeau pour toi”.

MS : Quelle fut pour vous la séquence la plus difficile ?

RP : Quand Rasputin (Karel Roden) m’enchaîne avec ce truc autour du cou. C’était très inconfortable à porter, il avait été très mal conçu et j’ai dû rester avec ce truc autour de la tête pendant 12 heures le premier jour et 6 heures le second, le tout à genoux sans évidemment pouvoir utiliser mes mains : vous devriez essayer vous allez adorer ! !.

MS : Quelle est votre séquence favorite dans le film ?

RP : La scène où j’essaie d’écrire une lettre d’amour : je n’arrive pas à la formuler comme il le faudrait et Liz (Selma Blair) arrive à ce moment-là... Je réalise qu’il y a 300 bouts de papiers sur le sol et j’essaie, comme une andouille, de les cacher. C’est alors qu’elle m’annonce qu’elle sort avec l’agent Myers

MS : Vous avez travaillé avec plusieurs metteurs en scène français, américains, etc. y a-t-il une différence notable entre chacun d’eux ?
RP : Oui leur accent ! !. (il éclate de rire)

MS : Quoi d’autres ? ? :
RP : Rien du tout !! Vous savez faire un film est une langue universelle, c’est fait de la même manière sur les 5 continents : rien à voir avec les nationalités ou les frontières, c’est plus une question d’individualité et d’imagination..

MS : Quel est votre personnage préféré ?

RP : Hellboy ! ! J’adore tout sur ce personnage absolument tout, il est trop génial. Ce que j’adore c’est cette combinaison de guerrier et de jeune de 14 ans, ça c’est trop fort... !

MS : Y a t-il un projet que vous aimeriez faire ?
RP : “Fiddler on the roof “("Un violon sur le toit" : Adaptation du musical du même nom, qui le fut en en 1971 par Norman Jewison, ndlr) J’ai toujours voulu jouer Tevye.

MS : Ron merci infiniment et encore bravo pour votre performance..

RP : Non c’est moi, merci d’être venu.

Propos recueillis par Marc Sessego le 22 Mars 2004 aux Sony Studios de Los Angeles.
Sincères remerciements à Ron Perlman
Traduction, Correction et Adaptation d’Andrée Cormier

Voir notre chronique du film "Hellboy" dans la rubrique "Films"




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