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Sommaire - Interviews -  Luc Van Lerberghe


"Luc Van Lerberghe" de Damien Dhondt


Dans ce 3° tome le héros Arthamios se retrouve en retrait.

Il revient au premier plan dans ce tome 3 alors qu’il avait disparu dans le tome 2 où il s’était fait voler son corps. Dans le tome 3 il retrouve son corps et va finir par prendre les choses en main.

L’autre héroïne Rachel devient une menace, ce qui à première vue semble incongru.

Si, c’est logique. J’ai créé le personnage de Rachel parce que je voulais exprimer l’histoire de quelqu’un qui veut bien faire, mais qui est devant des responsabilités colossales. Entre ses responsabilités et les choix tragiques (elle tue deux fois son amant) elle finit par perdre pied dans la réalité. Par rapport à ces objectifs premiers elle fait l’inverse. Finalement la jeune Rachel aurait détesté la vieille Rachel et c’est ça que je veux essayer de montrer. Ce personnage est là pour ça. C’est tragique. Elle devient folle. Elle va finir par empêcher les choses de tourner correctement. Elle a essayé de sauver tout le monde. Pour cela elle a sacrifié non seulement son amour, mais également ce qu’elle était au point de devenir folle.

« Gomorrhes la magifique » est-ce une allusion ou bien Salarios a t-il fait preuve d’humour noir en baptisant cette cité ?

Ah, c’est un tout petit clin d’oeil. Mais cela n’a pas de vrai lien avec la religion.

Dans les deux tomes précédents on note l’interdiction d’avoir des religions chez les humains.

Salarios avait connu les guerres religieuses dans notre futur. De plus c’était un scientifique qui ne supportait pas les religions : un cartésien pur et dur.

Mais dans ce 3° tome la religion apparaît avec Amania en messie.

Ce n’est pas une façon pour moi de critiquer la religion en tant que telle. Car la religion est une philosophie. Bien sur ici le dieu est un faux dieu. Mais c’est surtout pour en fait dénoncer la dérive qui consiste à faire de la religion un instrument de pouvoir même si c’est de l’héroïc-fantasy.
Amania a été intégrée dans le tome 1 justement pour cette raison-là.
C’est une jeune fille qui n’a pas de mauvais sentiments. En fait elle a subi beaucoup de choses terribles et a eu la chance d’avoir Rahauric à ses côtés. Elle est sous emprise comme quelqu’un de bien qui serait comme dans une secte. Ce personnage est perdu malgré elle.
La religion s’engouffre dans le vide laissé par Salarios. Amania prépare une armée pour asseoir son pouvoir et parce qu’elle est persuadée qu’Heter qui est son dieu va détruire la magie. D’ailleurs celui-ci sait que Rachel est devenue folle et est en train de détruire les courants donc la source magique. Naturellement il se dit que s’il n’y avait plus de courant suffisamment puissant lui aurait toujours assez de pouvoir pour accrocher à quelques filaments. Mais les mages eux vont perdre leur pouvoir. La croyance qu’il influe à Amania et à d’autres va finir par aboutir à un massacre.

On observe un pragmatisme constant chez différents protagonistes. C’est l’intendant Nemnos qui à mon avis est le plus intéressant.

Ils sont très calculateurs, très politiques. Rares sont ceux qui agissent de manière désintéressée. Même Icarios et Jydine le font par intérêt personnel. Jydine agit par amour et Icarios pour avancer sa solution à la crise.

Cependant Hielos est un idéaliste pur qui n’agit pas pour sa communauté de troubadours.

Et il entre en conflit d’intérêts avec sa communauté de troubadours qui elle ne cherche qu’à protéger ses intérêts. Lui a une conception plus vaste. Pour protéger l’intérêt des troubadours il faut qu’ils ne soient plus sous le joug d’un tyran. S’ils servent Amania il sait qu’à un moment elle va se retourner contre eux et ils vont se retrouver comme au temps de Salarios à être pourchassés et massacrés. Il a une vision plus large des choses. C’est ça qui est intéressant chez ce personnage qui n’a aucun pouvoir, qui n’est pas mage. Il n’est pas bien dans sa peau et dans sa vie. Son homosexualité pose un problème et vis-à-vis de sa communauté. Il choisit le chemin de l’idéalisme un peu pour ça. C’est un des personnages les plus intéressants.

Les décisions individuelles sont utilisées pour décrire le contexte par l’intermédiaire des personnages secondaires.

Cela permet aussi de découvrir les personnages secondaires.

Qu’elle a été votre démarche dans cette trilogie ?

Ma démarche générale c’est d’intégrer dans un roman une certaine interprétation de la magie. J’explique comme étant magie la possibilité d’absorber tous les courants et être capable de les transformer. J’intègre aussi dans chaque personnage et même dans les choses hyperhumaines à la fois des caractères intellectuels, psychologiques et sociaux. Par exemple Rachel est débordée par ses responsabilités, tandis qu’Arthamios est parfaitement inconscient pendant très longtemps des conséquences de ses actes.

Vous présentez un univers d’héroïc-fantasy en lien avec notre Terre et de la science-fiction.

J’essaie de le faire. C’est un des thèmes de mon livre. C’est d’expliquer ce que nous on appelle magie peut être quelque chose qu’on appelle "l’inexpliqué", de l’ordre de la science. Par exemple dans le premier tome les mages pensent que Salarios est un grand mage alors qu’il ne fait qu’utiliser des fusils et des explosifs télécommandés. Si on prend les personnages de ce monde et qu’on les ramène dans le notre on dira qu’ils utilisent de la magie. Mais cela peut s’expliquer parceque la magie est une force comme le champ électrique.

De la parapsychologie ?

Pourquoi pas ?

Salarios et Arthamios constituent des intrus dans ce monde.

Pas tout à fait, mais en réalité ces deux hommes viennent d’époques différentes de notre monde. D’autres sont en fait des humanoïdes qui viennent d’un futur encore plus lointain.

Ce monde est peuplé de créatures qui ressemblent à celles des légendes terriennes.

Il s’agit d’un monde-dépotoir que des créatures de plusieurs mondes dont la Terre ont fini par peupler. Je crois qu’une partie de la mythologie et de l’imaginaire est une sorte de réel réinterprété ou fantasmé. Par exemple les dragons dans la littérature chinoise ne sont rien d’autre que les dinosaures.
Quand on rencontre de nouvelles espèces notre premier réflexe est de les rattacher à autre chose. C’est comme ça que naissent les chimères.

Mais ici on aboutit à une allusion de la fantasy avec la cohabitation d’êtres humains avec des créatures.

Quand on crée des peuples on les crée pour parler de l’autre : celui qui n’est pas soi, qui n’est pas nous-même. Même mes proches peuvent être des créatures. Ce qu’il y a d’intéressant c’est ce qu’ont fait Tolkien et d’autres : trouver un leitmotiv commun. Ils ont tous le même intérêt. Ils sont en symbiose. En réalité peu importe qu’ils aient une apparence différente, qu’ils aient un pelage ou non. Peu importe ils sont des êtres vivants et ils veulent vivre comme tout le monde avec à peu près les mêmes droits et avec les mêmes désirs.

Quelle est votre définition du fantastique ?

Pour moi j’utilise la fantasy ou le fantastique parce que ça me permet d’imager, d’avoir un aspect un peu extraordinaire à des problèmes très humains.
Si je dois différencier science-fiction et fantasy je dirais que dans les deux il existe un côté épique. Mais dans l’un il y a de la technologie et l’autre non et celui qui crée l’union entre les deux c’est Star Wars. Il existe de la technologie et les Jedi se battent avec un sabre. La magie ils appellent ça la Force et en fait c’est l’imaginaire médiéval.

Cette trilogie laisse entrevoir un possible développement futur.

Je me suis laissé la possibilité, peut-être dans 20 ou 30 ans de revenir dessus. Mais logiquement cette histoire se termine. Si plus tard j’ai un beau scénario qui colle pourquoi ne pas y revenir ? J’ai créé un monde et j’en ai fait une histoire. À présent je vais partir sur autre chose.

Quel sera votre prochain ouvrage ?

Un roman d’anticipation : je vais certainement commencer l’écriture cet été. Le scénario est déjà prêt. Je ne sais pas comment les autres font, mais moi il me faut deux ans pour l’écrire. Cela se déroulera sur Terre quelques milliers d’années dans l’avenir. Les civilisations sont coupées les unes des autres. Les peuples ne peuvent plus réellement communiquer entre eux, sauf par casque de communication hyperpuissante. Les microcosmes se construisent et demeurent isolés les uns des autres. L’un des peuples possède le savoir, sait ce qui s’est passé, a la connaissance de l’Histoire, même s’il n’y a plus de maitrise des sciences et de la technologie. Je prends une société et je pousserai le curseur pour voir ce que va devenir le monde si je poussais le curseur.

Voir la chronique du livre dans sfmag No 88 en kiosques le 18 juin 2015




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