Sortie en France : 18 Août 2004
Avec Bryce Dallas Howard, Joaquin Phoenix, Adrien Brody, William Hurt, Sigourney Weaver

" Le village " est le 4eme important succès du désormais célèbre metteur en scène M. Night Shyamalan, l’homme derriere "le 6eme sens" qui avait en vedette Bruce Willis et Haley Joël Osment et qui fit sensation en 1999. Beaucoup de gens font l’erreur de prendre "le village" pour un nouveau film d’horreur dans la lignée de ce film et de "signes", le film qu’il tourna avec Mel Gibson il y a 2 ans : Il n’en n’est rien ! Aussi, découvrons maintenant ce que ce cinéaste - ultra doué - nous a concocté une nouvelle fois...
Quelque part, dans un lieu incertain, dans un village vers la fin du siècle dernier, tout un petit monde vaque à ses occupations journalières....
Ce village est composé d’un Conseil des Sages, ou plutôt devrai-je dire d’un Conseil des Anciens puisqu’y siègent les plus âgés qui se réunissent très souvent pour faire le point sur la tenue du village et des ses habitants. En font partie Edward Walker (William Hurt), Alice Hunt (Sigourney Weaver), August Nicholson (Brendan Gleeson). Il faut dire aussi que ce village a une particularité que l’on ne trouve pas dans tous les villages : Il est entouré d’une foret habitée par d’étranges créatures "ceux qui ne parlent pas" et il est formellement interdit à tout habitant de pénétrer dans la forêt. Il est également interdit d’afficher certaines couleurs qui les attirent et en particulier le rouge, Cela s’applique également aux fleurs rouges qui sont arrachées et enterrées aussitôt qu’elles éclosent.
La légende raconte que bien longtemps auparavant un pacte fut conclu entre les habitants du village et ces créatures : Ils restent dans la forêt et les habitants du Village restent à l’abri dans leur Village. Ce pacte ne peut ni être brisé, ni remis en cause sous aucun prétexte. Seulement voilà, l’un des habitant, secrètement, a transgressé l’interdit durant quelque minutes et depuis, en retour, les créatures font de plus en plus d’incursions inattendues au sein même du village et y laissent des signes marquant leur mécontentement : Rayures rouges dessinées sur les portes, animaux dépecés jonchant le sol, etc.
La peur commence à s’emparer des habitants qui se demandent ce qui se passe car jusqu’à présent le pacte a toujours été respecté. Que se passe t-il donc vraiment ??.
Bien vite leur vie va virer au cauchemar lorsque Lucius Hunt (Joaquin Phoenix) déclare sa flamme à Ivy Walker (Bryce Dallas Howard), une jeune aveugle, et lui demande de l’épouser. Leur sentiments sont réciproques, ils sont heureux, mais c’est sans compter avec Noah Percy (Adrien Brody) le "simplet" du village qui, lui aussi amoureux d’Ivy et fou de jalousie, poignarde de plusieurs coups de couteau Lucius et le laisse pour mort....
Le village ne possède aucun médicament capable de combattre l’infection et sauver Lucius dont la vie ne tient qu’à un fil, aussi une décision importante doit etre prise : quelqu’un, par quelque moyen que ce soit, doit quitter le village et atteindre la ville la plus proche pour ramener les médicaments nécessaires. Une équipe de secours est mise en place et c’est Ivy elle même qui décide de partir accompagnée de 2 personnes qui, completement terrifiés, déserteront à mi-chemin... Du fait de son terrible handicap, les deux déserteurs sont certains que les créatures épargneront Ivy : Puisqu’elle ne pourra pas les voir, Ils ne peuvent que la laisser passer ! Commence alors pour Ivy un voyage de cauchemar car non seulement son handicap est énorme, mais elle ne connaît absolument pas la forêt et il semble donc que la rencontre avec ces créatures soit inévitable !............
Le film de Shyamalan est un film tout d’abord d’ambiance, un film psychologique où nous assistons à la vie d’une communauté pas vraiment comme les autres, une communauté avec une constante épée de Damoclès au dessus d’elle que chaque habitant porte comme un fardeau sans jamais vraiment le montrer. Le langage et les attitudes des personnages collent parfaitement avec le village et leurs manières de vivre d’où la technologie est absente en tout point. Shyamalan nous présente un village de la fin du siècle dernier avec un incontestable sens du visuel et magnifié par des décors simples mais photographié avec un impact mixant beauté, angoisse et mené de main de maître par le chef opérateur Roger Deakens. On nous montre ici des personnages pris entre l’angoisse des actions qu’ils peuvent commettre et leurs conséquences, et la vie d’un homme. Shyamalan décrit dans son récit une chose que l’on n’avait encore jamais vu : des humains aux prises avec des créatures, au siècle dernier et même si Sigourney Weaver fait partie de la distribution et que le rapprochement avec "Alien" est inévitable, ici pas de créatures baveuse et sanguinaires, au contraire des monstres aux très longs doigts pourvus de griffes et vêtus d’une cape rouge comme les moines.............
Ici, pas question de faire peur inutilement, la camera suit ses personnages - le spectateur se retrouve à leur place - avec des mouvements d’une simplicité déconcertante et la peur et l’angoisse sont générées le plus simplement du monde pour un impact viscéral : comme quoi, le plus simple fonctionne toujours ! Au cours de la projection à laquelle j’ai assisté nous avons tous, à un moment ou à un autre, bondi de notre fauteuil ! Preuve que l’on peur faire peur, très peur et amener l’angoisse sans aucun "tape à l’oeil"......
Durant tout le déroulement du film, nous nous posons une question après l’autre et ce virtuose de Shyamalan s’arrange justement pour nous noyer dans une histoire où nous ne comprenons absolument plus rien ou plutôt, devrais-je dire, où l’on fait une supposition après une autre.
Qui sont ces créatures ? D’où viennent elles ? Pourquoi cette accoutrement en cape rouge ? Pourquoi bannir le rouge ? Qu’est ce que ce pacte ? Pourquoi ce pacte ? Et pourquoi les villages avoisinants ne sont-ils pas affectés ou ne semblent pas l’être ?.
Que s’est il passé avant ?.
La distribution ne comporte pas de méga stars mais des comédiens qui n’ont plus de preuves à faire, de William Hurt à Sigourney Weaver en passant par Brendan Gleeson. Ce ne sont pas des stars mais des comédiens au talent écrasant. Notons une nouvelle étendue de la palette de Joaquin Phoenix qui se révèle être l’une des grandes figures du cinéma de demain ainsi que la révélation qu’est Bryce Dallas Howard, que d’ailleurs Shyamalan a choisie pour son talent de comédienne après l’avoir vue sur scène à Broadway et non parce qu’elle est la fille du comédien/metteur en scène Ron Howard. Une surprise de taille quand vous verrez Adrien Brody en "idiot du village" : après le pianiste, il confirme son immense talent.
Shyamalan refait une nouvelle fois équipe avec son compositeur fétiche, James Newton Howard, dont la palette musicale sied parfaitement à toutes les situations et se mixe parfaitement avec une bande son sans aucun effets "chocs" mais au contraire une bande son à faire frémir : Vous entendrez aussi bien le grincement des portes que les branchages de la forêt avec un souci du détail et de l’impact et une précision sonore a couper le souffle. Vous aurez froid dans le dos mais vous plongerez dans l’aventure du village.
Rendez-vous donc dans les salles le 18 août et percez le mystere du village. Frissons garantis.

Marc Sessego

Un autre point de vue de Valérie Revelut

Il faut noter une performance d’acteurs largement au-dessus de la moyenne. Si l’on pense notamment à l’interprétation de Adrian Brody qui le révèle comme l’un des meilleurs acteurs du moment, il n’y a pas un cinéphile qui ne soit tombé sous le charme de Bryce Dallas Howard, cette merveilleuse rouquine aux grands yeux francs.
Le bouche à oreille ne rend pas justice au film. Les fans ou tout simplement les spectateurs ayant été habitués à un style moins linéaire sortent désappointés de la salle. Cependant, il n’est ce qu’il annonce pendant la première partie du film, un beau film que l’amour transcende et dont le ton bucolique nous pousse à la réflexion. La seconde partie du film nous donnera de nombreux éléments à cogiter dont le plus sensible est la nature de l’Homme.
Il serait donc temps qu’on laisse M. Night Shyamalan nous apporter son histoire sans que l’on se permette d’en attendre autre chose. Il est principalement un bon conteur, donc laissons le faire pour notre propre plaisir/édification.

Quelques éléments à discuter si vous l’avez visionné (spoilers !).

L’ambivalence des anciens qui pour obtenir la protection maximum contre l’humanité se privent de tous ses secours. La première personne que voit Ivy, au dehors, est le jeune ranger qui en lui apporte l’aide, la sympathie et le salut.
Il est intéressant de penser que le mythe du sauvage de JJ Rousseau n’avance pas très loin. Si les enfants des premiers colons ont été élevés sans contamination par la société, ils ont pourtant en eux tous les germes de ce qui conduit l’humanité à ses extrémités.
Si symboliquement le rouge est la couleur du « péché », elle est aussi la couleur de la tentation, de la bravoure et du sang. Mais dans ce film elle est également la couleur de la vie.
Pour ce psychothérapeute qui est à la base du projet, comment ce peut-il qu’il ait décidé que le meilleur moyen pour empêcher les jeunes de partir est de leur imposer cette vision horrifique du croquemitaine sans leur donner aucune chance de se construire eux-même face à cette terreur traumatisante qui les modèle en humains peureux, lâches et au final dangereux pour leur petite communauté.
Est-ce que la protection à l’extrême vaut mieux que la mort ? Succinctement : quel est le sens de la vie : à vos claviers.

Valérie Revelut