Quarante ans après les furieuses batailles qui ont fait la guerre de Troie, quarante ans après le retour d’Ulysse à Itaque, Phémios d’Itaque, un barde inspiré (Homère ?) , décide de relater cette épopée sanglante qui opposa les Troyens aux Grecs.
Phémios, le barde, nous raconte alors l’histoire qui a préludé à l’histoire. Au moyen d’une plume bien exercée, poétique et humble, il nous contera le récit de Pâris, de sa rencontre avec Hermès, de la pomme de la discorde et l’aventure de Pelée contée par ce même Hermès à Pâris.
Clarke convoque les dieux sur le sol hellène et leur fait jouer la légende de Troie. En cela elle répond à sa profession de foi qui est de rendre hommage à la pensée grecque et à ses dieux, si proches des hommes alors.
Par un large prélude accordé au récit de Troie, l’auteur nous raconte ce qui s’est passé avant, de ce que les dieux ont tenté de conclure avec les hommes. Pâris doit les aider, il sèmera le chaos. En effet, Aphrodite lui a promis la plus belle femme du monde, or même les dieux, pour en avoir été également les victimes, ne sont pas les maîtres des passions. En tombant amoureux d’Hélène, l’épouse de Ménélas, Pâris brave l’interdit et l’enlève pour aller avec lui à Troie. Il déclenchera la colère des dieux et la haine de son rival avec lequel il avait mis fin aux guerres passées.
L’auteur nous rejoue ainsi la bonne vieille histoire d’Homère, ce Roméo et Juliette sous le joug des divinités et des armées humaines qui vont s’entretuer pour un caprice du coeur. Achille, Hector, Ménélas, Iphigénie, la cohorte des personnages de légende va prendre pied sur Troie et inscrire ce drame humain dans l’histoire.
Destins dictés par les dieux, amours impossibles, Lindsay Clarke réécrit le drame de l’Illiade dans une prose plus moderne, en y rajoutant un lyrisme plus prégnant et une poésie plus marquée. Les dieux n’en sont que plus vivants et les acteurs de ce drame humain, dans leur tentative d’échapper à la main des seingeurs de l’Olympe, n’en sont que plus touchants, ce qui rend leur geste sanglante que plus familière avec nos quêtes vaines individuelles et nos courageuses petites victoires sur les barbares que compte notre modernité.
Le récit, admirablement bien rendu, est entrecoupé des réflexions de ce barde sauvé par Telemaque, de la colère d’Ulysse. Ce sont des intermèdes qui viennent nuancer le récit, comme pour donner une illustration plus juste et plus concertée, incarnant parfaitement l’ouvrage humble du barde, sans aucune autre prétention que de rendre hommage au récit d’Ulysse ainsi qu’à l’esprit d’une époque nimbée encore de la luminosité de ces dieux qui s’incarnent dans le monde, conversent et aiment. Une prose qui donne une très belle version romancée d’un récit trop figé dans des lignes rendues trop rigides par son époque, aussi flamboyantes soient-elles.